[Avis] Gaayam de Ram Gopal Varma

Titre : Gaayam a.k.a. Satya the Sarkar
Année : 1993
Durée : 2h08
Origine : Inde
Genre : Action / Gangsters / Romance
Réalisateur : Ram Gopal Varma

Acteurs : Urmila Matondkar, Jagapathi Babu, Rami Reddi, Rewati, Cota Srinivas Rao

Synopsis : Le chef mafieux Durga est persécuté par un gang rival. Le parrain de ce dernier réussit à faire sortir Sarkar de prison. Ce terrible tueur va mettre le quartier de Durga à feu et à sang.

Avis de Laurent : La découverte tardive de Gaayam (1993) illustre à merveille la collaboration entre deux monstres sacrés des cinémas régionaux indiens. On retrouve à la réalisation Ram Gopal Varma, représentant le cinéma telugu (langue parlé dans l’Andhra Pradesh au sud de l’Inde) qui est reconnu aujourd’hui comme le fer de lance du cinéma de genre à Bollywood (Bhoot, Company, Sarkar) et à l’écriture Mani Ratman (Dil Se, Roja) qui représente la vitalité du cinéma tamoul (région de Madras).

Gaayam raconte l’évolution mafieuse de Durga suite à la mort de son frère et décrit les conflits sanglants entre les différents groupes criminels pour influer sur un même territoire. S’inspirant très librement du Parrain de Francis Ford Coppola, Gaayam propose déjà toutes les thématiques qui ont fait la renommée des dernières productions de Ram Gopal Varma. D’ailleurs, le film a été tout récemment retitré de manière racoleuse Satya The Sarkar afin d ‘exploiter au maximum la popularité de deux de ses plus gros succès (Satya et Sarkar).

Il est donc intéressant de (re)-découvrir un réalisateur qui est surtout reconnu pour ses films de genre tournés en hindi. Gaayam prouve de manière évidente que la brillante filmographie de Ram Gopal Varma ne devrait pas se limiter à ses films post-Satya (1998). En effet, Gaayam propose un condensé de cinéma d’une nervosité impressionnante et, à la différence de ses œuvres récentes, le cinéaste ne s’est pas encore affranchi de tous les codes du cinéma indien traditionnel. En 1993, Ram Gopal Varma n’a pas encore adopté son style purement occidental et Gaayam propose donc ses quotas de romance, d’action à l’ancienne et de passages musicaux langoureux. Mais ne vous attendez pas à une œuvre formatée et consensuelle … en effet, Gaayam est probablement son film le plus radical. Sans doute l’équivalent d’un Don’t play with Fire pour Tsui Hark. D’une violence rare (viols, fusillades aveugles, meurtres à coups de machettes, tabassages à la batte, attentats au vitriol, émeutes urbaines), Gaayam n’épargne absolument personne (les enfants, femmes et personnes âgées sont incluses dans le package). La puissance de Gaayam est aussi accentuée par une réalisation nerveuse et instinctive. Aucun plan n’est millimétré, aucun personnage n’abuse de poses frimeuses, la photographie n’est pas froidement aseptisée. Au contraire, Gaayam est tourné caméra à l’épaule et accompagné d’une mise en scène chaotique. Certaines scènes sont d’une puissance rare, comme par exemple cette fusillade dans un cinéma aux dommages collatéraux importants ou encore les longues scènes d’émeutes d’une sauvagerie impressionnante. Pas exempt pour autant de défauts, Gaayam souffre d’une première heure assez confuse, d’une longue liste de personnages difficiles à assimiler dans son ensemble ainsi que des scènes de bastons à main nue dans lesquelles on voit que les coups ne sont pas portés … mais dès que l’on passe à l’arme blanche c’est totalement On Fire !

De plus, Gaayam est bonifié par une galerie de personnages de très haut niveau avec des méchants qui ont des têtes de purs psychopathes. Le personnage de Sarkar dégage une brutalité animale … le voir déambuler dans les rues machette à la main et accompagné de son gang de tueurs fait bien monter l’adrénaline. Comme petite curiosité, on retrouve au casting l’incontournable Urmila Matondkar qui collabore pour la première fois avec Ram Gopal Varma. Aujourd’hui, leur filmographie commune est impressionante : Gaayam, Rangeela, Daud, Satya, Kaun, Mast, Jungle, Pyaar Tune Kya Kiya, Bhoot, et Ek Hasina Thi.

Au final, Gaayam est bien plus qu’une simple curiosité puisqu’il est sans hésitation l’un des meilleurs films de Ram Gopal Varma. De plus, cette petite démonstration de cinéma brute de décoffrage témoigne qu’il est possible de faire du cinéma de genre hargneux et réaliste tout en conservant les codes cinématographiques spécifiques à l’Inde. Son remake inavoué Sarkar (2005) offre un résultat formel en totale opposition mais tout aussi intéressant.

Note : 9/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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