[Avis] Zibahkhana, d’Omar Ali Khan

Titre : Zibahkhana / Hell’s Ground
Année : 2007
Durée : 1h17
Origine : Pakistan
Genre : Horreur / Burxploitation

Réalisateur : Omar Ali Khan

Acteurs : Kunwar Ali Roshan, Rooshanie Ejaz, Rubya Chaudhry, Haider Raza, Osman Khalid Butt, Rehan, Najma Malik, Sultan Billa, Salim Meraj, Razia Malik, Ashfaq Bhatti, Abida Shaheen, Adnan Malik, Shagufta Hamayun, Mai Billi

Synopsis : Cinq étudiants (Vicky, Ayesha, Roxy, Simon, et O.J.) sont en route pour un concert dans un combi plutôt vieillissant. Quelques soucis de mécanique, un itinéraire malencontreusement modifié ainsi que de mauvaises rencontres vont faire de leur virée un cauchemar. En effet, perdu en pleine forêt, le groupe va être attaqué par une horde de zombies ainsi qu’un mystérieux serial killer à la burqa sanguinolente.

Avis de Laurent : Rares sont les films de genre pakistanais à avoir une visibilité en dehors des frontières du pays. Même si on sait que le Pakistan est capable de produire le meilleur – Zinda Laash a.k.a. Dracula au Pakistan pour les intimes (1967) en est le parfait témoignage – on ne peut que regretter une censure locale puissante et prête à annihiler toute tentative de subversion. C’est dans ce contexte pour le moins tendu … du niqab que Zibahkhana va bousculer la tendance cinématographique du pays. En effet, cette obscure production horrifique renoue avec la tradition d’un cinéma d’épouvante grand guignol qui peinait jusqu’alors à exister. Largué dans cette thématique curry-ketchup par la concurrence indienne des empires Ramsay et Bhakri, il faudra attendre 2007 pour qu’un obscur vendeur de glaces de Lahore improvisé cinéaste du nom de Omar Ali Khan vienne bousculer l’ordre établi. Dans cette région du monde marquée culturellement par la religion et ses traditions, Zibahkhana apparaît alors comme une œuvre improbable issue du cerveau d’un simple restaurateur … qui n’officie même pas dans la viande avariée. La campagne promotionnelle est là pour appuyer cette savoureuse légende.

En fait, Zibahkhana n’est pas le « premier film d’horreur pakistanais » comme il a si souvent été présenté. Zibahkhana n’est d’ailleurs pas exclusivement pakistanais puisqu’on retrouve au générique (à la production et au scénario) le britannique Pete Tombs qui n’est autre que le génial éditeur de la franchise Mondo Macabro et accessoirement le formidable dénicheur de pépites invraisemblables (à titre d’exemples, Lady Terminator, Jaka Sembung et autres Band Darwaza auront fait le bonheur des spectateurs les plus téméraires). De son côté, ce mystérieux vendeur de glaces nommé Omar Ali Khan est natif de Londres et n’est autre que l’un des plus grands spécialistes du cinéma déviant venu des sous-continents indiens (Inde et Pakistan). Préalablement à ce premier long métrage, on retrouve Omar Ali Khan à la réalisation de nombreux courts horrifiques ainsi que derrière Bubonic Films qui détient les droits des grands classiques de l’épouvante made in Lollywood. Au vu de ce tandem détonnant, on peut enfin comprendre la genèse du scénario improbable de ce Zibahkhana qui aurait tout aussi bien pu mûrir des cerveaux malades de nos Brice Hortefeux et autres Éric Besson nationaux afin de faire flipper la ménagère gavée de programmes télés nauséabonds. Zibahkhana peut être traduit littéralement par « abattoir » … et la trame du film s’inspire largement du classique The Texas Chain Saw Massacre réalisé par Tobe Hooper en 1974 avec une géniale transposition irrévérencieuse mêlant transformisme sexuel et signes religieux ostentatoires. Pour faire simple, un dangereux maniac habillé d’une burqa décide de découper tout ce qui bouge autour de sa maison isolée en pleine jungle. Le voisinage est, quant à lui, peuplé de zombies affamés … tout un programme !

A l’instar d’un Tarantino, le duo Pete Tombs / Omar Ali Khan propose avec Zibahkhana un film hommage à tout un pan de la production populaire horrifique qui a fait le bonheur des cinéphiles avertis de l’Inde et du Pakistan entre les années 70 et 90. Contrairement au célèbre cinéaste américain, Pete Tombs et Omar Ali Khan n’ont pas à intellectualiser et parodier leurs références afin de plaire au public mainstream. Aucun recul concernant le degré de lecture n’a été pris par rapport aux œuvres de références. Zibahkhana est un film déviant assumé et ultra référencé dans le grotesque de ses situations. Formellement, Omar Ali Khan assure le spectacle via une réalisation stylée malgré les contraintes du support DV. L’utilisation exagérée du grand angle dans de nombreuses séquences nocturnes déforme régulièrement les perspectives entre cette jungle étrange et ses protagonistes hystériques face au surréalisme des situations. Quelques plans en caméra subjective permettent de dynamiser un rythme relativement bien maîtrisé, même si aidé par la courte durée du métrage. Malgré sa mise en scène efficace et respectueuse des codes imposés par le genre, la véritable plus value de Zibahkhana réside sur le concept politiquement incorrect du serial killer à la burqa plus proche du Red is Dead de La Cité de la Peur que du Leatherface de The Texas Chain Saw Massacre de par la surenchère des symbolismes pour le moins surréalistes. Les amateurs de gore en auront aussi pour leur argent. Quelques hectolitres d’hémoglobine couplés à de la découpe de barbaque humaine feront le plaisir des petits et grands. Le tout est délicieusement servi par d’honnêtes effets spéciaux très « do it yourself ». Pour le coup, Zibahkhana ne semble pas avoir d’équivalent en Inde et encore moins au Pakistan.

Le casting est composé de teenagers volontairement stéréotypés et insupportables dont les réactions face à l’horreur des situations sont d’une stupidité affligeante. Du grand art dans l’art de manier les poncifs du genre ! On retiendra pour la petite histoire le sympathique caméo de Rehan qui incarnait en 1967 le fameux Professeur Tabani de Zinda Laash … Classe le carnet d’adresse d’Omar Ali Khan !

Au final, malgré la supercherie promotionnelle en somme largement compréhensive, Zibahkhana véhicule sur un peu plus d’une heure et quart toute la sympathie et toute la magie du cinéma horrifique indien et pakistanais qui a perdu ces dernières années de sa superbe. Espérons que cette farce assumée et réussie soit fondatrice d’un nouvel âge d’or pour ce cinéma de genre peu fréquentable et à la limite de la fatwa mais incroyablement imaginatif et généreux.

Note : 7/10

Pour en savoir plus :

Lien vers Bubonic Films
Lien vers Mondo Macabro
Dossier : Terreur à Bollywood – 40 ans de cinéma d’horreur en Inde sur HKmania
Entretien avec Omar Ali Khan sur Fantastikasia

 

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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