[Avis] Lola, de Brillante Mendoza

Titre : Lola
Année : 2009
Durée : 1h50
Origine : Philippines
Genre : Drame

Réalisateur : Brillante Mendoza

Acteurs : Anita Linda, Tanya Gomez, Rustica Carpio, Jhong Hilario

Synopsis : A Manille, Lola Sepa vient de perdre son petit-fils, assassiné pour une sombre histoire de téléphone portable. Elle cherche de l’argent afin de financer les funérailles. De son côté, Lola Puring est la grand-mère du jeune assassin. Bouleversée, elle essaye coûte que coûte de le faire sortir de prison où il évolue dans des conditions difficiles.

Avis de Laurent : Lorsque l’on découvrit Brillante Mendoza via son premier long métrage Le Masseur, nulle n’aurait pu imaginer qu’il deviendrait aussi rapidement l’un des cinéastes majeurs d’Asie du Sud-est. En effet, après un premier film hésitant, il va imposer son cinéma réalité immersif et émouvant en enchaînant les tournages à un rythme de stakhanoviste. Lola est donc son neuvième film en seulement cinq ans et force est de constater que son style inimitable se bonifie au fur et à mesure qu’il décortique une société philippine aussi injuste que fascinante.

Brillante Mendoza dresse dans Lola le portrait de deux grands-mères courageuses marquées chacune par un drame douloureux. Lola Sepa (incarnée par la vétérante Anita Linda) vient d’apprendre la mort de son petit-fils assassiné lors du vol de son téléphone portable. Elle se démène comme elle peut pour récupérer l’argent nécessaire à l’organisation des funérailles du défunt. Emprunt à des pseudo-banquiers et quête auprès des proches ou du voisinage constitueront l’essentiel de son combat. De son côté, Lola Puring est très affectée par l’emprisonnement de son petit-fils accusé du meurtre. Sa vie, qui était jusque là conditionnée par la débrouille et le système D, va alors évoluer au rythme des combines qui vont lui permettre de récupérer l’argent nécessaire pour faire sortir son petit-fils de prison. La mort pour un téléphone portable … Voilà le prix de la vie sur les trottoirs poisseux de Manille … Ce simple objet de consommation caricature parfaitement l’ambivalence de la capitale du pays-archipel stigmatisée aussi bien par le modernisme que par l’extrême pauvreté d’une partie de sa population.

Sous cette trame douloureuse, Brillante Mendoza, virtuose de la caméra numérique, nous récite ses gammes avec une facilité déconcertante sans entrer dans le piège du pathos exacerbé. Chaque plan assure sa part d’émotion, chaque regard est marqué par la dureté de la vie, chaque dialogue porte le poids d’un système sclérosé et corrompu où seule la loi de la débrouille permet de survivre dans la jungle urbaine. Comme à son habitude, via les scènes du quotidien philippin, Brillante Mendoza dépeint son pays avec une subtilité unique. Son point de vu immersif est consolidé par une utilisation exemplaire du support numérique qui plonge le spectateur au plus près des événements qui composent son film. Son regard croisé sur ces vieilles femmes, sans aucun jugement de valeurs, met à nu la complexité des institutions du pays. Le système judiciaire, le monde du travail ou le rapport à la mort répondent à des règles difficiles à appréhender de l’extérieur. Brillante Mendoza transporte le spectateur dans un rôle de témoin impuissant, perdu dans l’ambivalence des sentiments qu’il aura à l’égard des différents personnages qui alimentent le film.

Au final, Lola se révèle être une œuvre magistrale marquée à la fois par sa simplicité formelle et par la complexité des situations qu’elle dépeint. Brillante Mendoza impose au fil des années sa vision d’un cinéma réalité de premier choix aussi minimaliste que profond.

Note : 9/10

 

Le trailer :

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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