[Interview] Hugo König (réalisateur)

La mode du Found Footage est révolue. Il n’empêche que le genre existe toujours pour nous livrer des pets, ou des perles. Night Shot appartient à la seconde catégorie. Un film qui n’est certes pas parfait mais qui demeure dans le haut du panier du genre pour les raisons que j’explique ici. Ma rencontre virtuelle avec Hugo König s’est faite par pur hasard, au détour d’une chronique de mon cru que j’ai posté sur un groupe d’un certain réseau social commençant par un F, et finissant par acebook. L’occasion de revoir son premier long métrage que j’avais découvert à sa sortie Française sur Shadowz et de le chroniquer en ces lieux, en plus de pouvoir lui poser quelques questions sur son premier bébé, de sa genèse au tournage en passant par le défi technique que fut celui-ci, en attendant qu’il nous partage des informations sur son second long métrage dont il ne peut rien dire pour le moment (j’ai essayé de lui tirer les vers du nez mais rien à faire, il ne lâche rien). Merci à toi Hugo pour ta patience et ta gentillesse.

Bonne lecture à tous.

 



Salut Hugo, peux-tu te présenter ?

Bonjour, mon nom est Hugo König, je suis réalisateur de clips vidéos sur Paris depuis presque 9 ans, je travaille pour beaucoup d’artistes français et américains, c’est mon métier on va dire alimentaire. A côté de ça, j’ai une grande passion pour le cinéma de genre, particulièrement pour le genre Found Footage. J’ai donc décidé il y a 4 ans avec mon associé Adel de faire un long métrage, Night Shot, en utilisant ce procédé de caméra subjective. Mon prochain long en cours de finition est également du même genre. Le fait de faire des clips m’a énormément aidé dans la réalisation de ce film, j’avais déjà de solides bases techniques et artistiques. Une fois la location du Sanatorium négociée, c’était parti pour l’aventure caméra à l’épaule.


Comment t’es venue l’idée de Night Shot?

J’ai eu la chance de tourner plusieurs fois dans cet hôpital abandonné pour des clip vidéo, à chaque fois j’ai été séduit par ce lieu que je trouve incroyable, je me suis dit il faut absolument qu’un jour je fasse un film ou un court-métrage ici. Ensuite l’idée du film est venue naturellement, le lieu se prêtait très bien à une exploration urbaine et surtout à des phénomènes paranormaux.


Y-a-t-il eu des influences lors de l’écriture du scénario ? On pense notamment au jeu vidéo Outlast pour le coté hôpital délabré et la vision nocturne…

Alors personnellement je n’ai jamais joué à Outlast, je suis plutôt retrogaming. Concernant l’écriture du film, je l’ai fait complètement autour du lieu, c’est-à-dire que j’ai tracé un trajet d’un point A à un point B et ensuite j’ai complété avec divers actions et phénomènes. Je n’écris pas de scénario, j’écris quelques idées vite fait et généralement je vois tout sur place à la dernière minute. J’ai l’habitude de bosser comme ça quand je fais des clips et ça marche très bien, je ne suis pas fan des longs scénarios où tout est déjà écrit à l’avance.


Night Shot est un film auto-financé ou as tu trouvé des producteurs séduit par le projet ?

À la base, Night Shot devait être un pilote, un essai, donc je l’ai financé moi-même avec Adel mon associé. Je comptais faire un pilote afin de l’envoyer à des maisons de production et d’avoir un financement pour le faire en mieux et dans de bonnes conditions. Puis finalement, les Américains l’ont pris en distribution tel quel alors j’ai dit bon bah on le laisse comme ça si ça plaît. Donc non pas de producteur mais par contre par la suite une large distribution.


Tourner ton film en plan séquence était un choix qui s’est imposé de suite ou as tu pensé à tourner ton film différemment ?

Quand j’ai pensé à Night Shot et que j’ai fait les repérages du lieu, je me suis dit que finalement l’histoire n’était pas folle et qu’il fallait un argument marketing afin que le film fasse parler de lui ; j’ai donc pensé à cette idée de plan séquence. Le lieu s’y prêtait bien puisque finalement, comme je dis plus haut, c’est un parcours d’un point A à un point B, il n’y a pas de saut dans le temps, l’histoire se passe d’une traite, il n’y avait pas besoin de coupure. C’était un challenge qui, je pense, allait apporter un plus.


Un challenge qui a du demander pas mal de préparation. Combien de temps a été consacré à la répétion du plan séquence ?

On a loué le Sanatorium 8 jours, il y a eu 3 jours de répétitions pour caler le plan séquence et par la suite, tous les soirs, on essayait de faire 2 prises correctes et entières surtout. A la fin du séjour, j’avais 5 prises exploitables. J’ai gardé l’avant dernière, celle où il y avait le moins de problèmes.


Ça n’a pas posé de problèmes pour louer le sanatorium ? L’équipe a du signer une clause ou quelque chose du genre, vu que le lieu est insalubre ?

Non, la location s’est faite très rapidement. Il faut faire une demande à l’État car c’est un bâtiment qui appartient à l’État et c’est tout. Il y a eu pas mal de tournages autorisés dans ce bâtiment, comme le nôtre d’ailleurs, mais ce fut le dernier car juste après Night Shot il a été vendu (NDLR : L’ancien sanatorium d’Aincourt a été racheté à l’État et sera transformé en 124 logements de luxe d’ici à 2023). Concernant le côté insalubre, il faut évidemment une assurance tournage mais c’est tout. Beaucoup de précautions à prendre par contre car il y a des clous rouillés et tout un tas de trucs hyper dangereux dedans. Donc on a fait un bon nettoyage sur tout le trajet que devait faire Nathalie et voilà. Ensuite, après le tournage, il faut le rendre dans l’état donc on a passé une bonne journée à tout nettoyer.


Il y a un petit paquet de légendes sur des phénomènes étranges ou paranormaux survenus sur des tournages de films d’horreur. Même si personnellement je ne crois pas à ce genre d’histoire, Le sanatorium d’Aincourt étant réputé hanté, je me dois de te poser la question : avez-vous, ton équipe ou toi même, été témoins de phénomènes étranges pendant le tournage ?

Le sanatorium est il hanté ? Bonne question mais je ne pense pas. On ressent des présences comme dans beaucoup d’endroits, certes, mais rien de plus. Certaines pièces ont une atmosphère pesante (selon le ressenti de chacun bien sûr) mais aucun phénomène n’est apparu durant nos 8 jours/8 nuits. C’est un bâtiment en ruine rien de plus. Vous trouverez pas mal d’investigations paranormales sur youtube dans ce lieu mais tout n’est que fake. Par contre il est évident qu’il fait peur. La nuit, c’est vraiment inquiétant, on se sent mal à l’aise, c’est une sacrée expérience à vivre. Non, l’équipe n’a été témoin de rien, nous étions deux à gérer le projet, il y avait une actrice et un preneur de son également ainsi qu’une dizaine de stagiaires d’école. J’avoue que les stagiaires n’étaient vraiment pas à l’aise, il y a eu plusieurs crises de nerfs et des pleurs donc tournage assez compliqué pour eux.


Comment était l’ambiance sur le tournage ? Ton équipe était-elle toujours avec toi ou y-a-t-il eu un petit ras le bol au fur et à mesure que vous enchainiez les prises ?

L’ambiance sur le tournage était vraiment cool, ça s’est super bien passé même si certains ne se sentaient vraiment pas très à l’aise dans l’hôpital, ce que je comprends tout à fait. On a donc passé 8 jours tous ensemble et aucun problème à signaler, tout le monde a supporté tout le monde. Nous tournions tous les soirs à partir de 21h jusqu’à tard dans la nuit. La journée, l’équipe se reposait et nous on en profitait pour répéter avec Nathalie.


Comment as tu connu Nathalie Couturier ? Elle est très crédible dans son rôle, avez vous préparé le rôle en amont dans son intégralité ou lui as-tu laissé une part d’improvisation ?

J’ai une mémoire qui fait des siennes, je ne me souviens plus comment j’ai connu Nathalie. Pour la préparation, elle a bossé dur chez elle de son côté, tout n’est qu’impro hormis les infos historiques qu’elle donne sur le sanatorium qui sont authentiques et qu’elle a donc répété. Un grand bravo à elle.


Tu nous disais au dessus que tu avais 5 prises de Night Shot exploitables. Pourquoi celle-ci plus qu’une autre ? Regrettes-tu certains moments shootés lors des autres prises ?

Concernant les 5 prises exploitables, c’est surtout celles où il y avait le moins d’erreurs de tournage. Notamment la lumière ou le cadrage. Je ne voulais pas un Found Footage où la caméra bouge dans tous les sens comme on voit bien souvent. A la fin, la caméra tombe au sol, on est a 1h23 il me semble, c’était le pire car si elle tombait mal on reprenait tout a zéro. Du coup, j’ai aussi choisi celle où la caméra tombe bien dans le meilleur axe. Le mélange de ces facteurs m’a fait faire mon choix. Nathalie, elle, a été très bonne sur les 5 donc pas de souci la dessus.


Quel a été la durée de la prise qui a foiré la plus rapidement ?

La prise qui a raté le plus rapidement, c’était moins de 5 minutes, au début du film on commence dans la forêt avant de rentrer dans le sanatorium, elle était super humide, mon objectif était plein de buée, on voyait plus rien, ce genre de problème. Des fois on recommençait au bout de 10 minutes quand Nathalie ne sentait pas très bien son jeu et voulait recommencer. Également, souvent, je cadrais mal du coup, on apercevait la perche du micro dans le champ. Pareil, on recommence.


Quel est ton meilleur souvenir du tournage ?

Mon meilleur souvenir de tournage c’était le jour du départ à la fin du tournage. Il ne restait plus que moi et Adèl on faisait le tour du sanatorium chacun de son côté voir si nous n’avions rien oublié, c’était au petit matin vers 6h, il y avait de la brume, le jour à peine levé, les oiseaux qui chantent, c’était vraiment un moment magique, le silence la nature, rien d’autre. Le calme après la tempête, la solitude apaisante. Merveilleux.


Quels sont tes gouts en matière de cinéma ?

J’aime bien les drames français, les films d’auteurs français. Je ne regarde pas trop de cinéma américain ni étranger. Dans mes films préférés, il y a A l’Origine avec François Cluzet, Deux Jours à Tuer avec Albert Dupontel, et Notre Jour Viendra de Romain Gavras. Et beaucoup d’autres évidemment, mais il n’y a que ceux là qui me viennent en tête là.


Tu nous disais en début de cette interview que tu avais une grande passion pour le cinéma de genre, particulièrement le Found Footage. Pourquoi ce genre et qu’est ce qui t’attire dans ce dernier ?

J’aime ce genre par curiosité on va dire, la plupart ce sont des gens comme moi sans production ni rien derrière. C’est intéressant de voir comment avec rien chacun s’y prend pour sortir quelques choses d’intéressant (ou pas). C’est un genre, je pense, qui permet à n’importe qui de faire du cinéma avec les moyens du bord. Et parfois, on a de bonnes surprises, et de la créativité. Pareil, à tourner, c’est carrément plus simple qu’un « vrai film », du coup tu peux t’en sortir avec pas grand chose . Pas besoin d’être 20 sur le plateau avec techniciens etc… une caméra à l’épaule peut suffire. Donc voila, c’est la curiosité qui me fait aimer ce genre. Et puis le fait que c’est une belle revanche sur les grosses prods avec leur films a 30 millions. Nous aussi on peut, Blair Witch, Paranormal Activity en sont des exemples. C’est comme un braquage parfaitement réussi. Avec moins de 10k tu peux largement faire un film cool et le vendre .


Justement je pense que Night Shot aurait pu faire partie de ses braqueurs du box office… Lorsque tu as trouvé un distributeur aux USA, une exploitation en salle a-t-elle été envisagée ou il a tout de suite été question d’une sortie en VOD ?

Aux États-Unis c’était VOD + DVD. Je ne pense pas que le film ait un réel potentiel en salles surtout en France. N’oublions pas que Night Shot était un essai. Ça reste un petit film indé.


Tu travailles sur un nouveau film, que peux tu nous dire dessus ?

Oui je l’ai tourné cet été, et le montage est presque fini. Il est un peu plus abouti que Night Shot, toujours un Found Footage, du genre horreur mais orienté fantastique un peu. Il sera prêt d’ici un mois et je ferais une petite avant-première à Paris. Pas de titre définitif pour le moment.


Je te remercie pour le temps que tu nous as consacré. Je te laisse le mot de la fin.

Merci d’avoir mis la lumière sur Night Shot avec cette interview, ça fait vraiment plaisir. Je n’ai pas mentionné une personne qui est Julie G., mais elle a été un élément essentiel pour le tournage et préparation de Night Shot. Voici également mon insta qui est mon seul réseau social où je publie beaucoup d’actu sur Night Shot , scène coupées etc… Et aussi l’actu du prochain film : @hugo.konig.off

Interview réalisée et mise en page par John Roch – Septembre 2022
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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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