[Film] Voyage of the Rock Aliens (1984)


Un vaisseau en forme de guitare électrique parcourt l’espace à la recherche de la source de la musique rock’n’roll. Le robot 1359 fait sortir son équipage de cryogénie à l’approche de la planète Terre, qui lui semble une bonne candidate. Téléportés dans la ville de Speelburgh, les membres de l’équipage, menés par ABCD, sont traqués par la shérif locale qui a été témoin de leur arrivée. Ils font la rencontre de deux lycéens, la chanteuse Dee Dee et son petit ami Frankie qui dirige un groupe de rock local, The Pack. Comme Frankie se la joue un peu trop rebelle, Dee Dee va commencer à se tourner vers ABCD qui commence à avoir des sentiments pour la belle. Une rivalité va naître entre les deux hommes.


Avis de Cherycok :
09 octobre 2019. Un jour à marquer d’une pierre blanche pour l’aventurier du cinéma que je suis. Un jour qui restera dans les mémoires pour l’Indiana Jones du mauvais film sympathique qui sommeille en moi. Non, je n’ai pas gagné à l’Euro Million ni même au loto. C’est bien au-delà de ça. Vous savez, on se lance tous dans la vie des objectifs à plus ou moins long terme, des quêtes personnelles qu’on a envie de réaliser. Une des miennes est de trouver le nanar ultime, celui qui surclasse tous les autres et qui les renvoie dans leurs 22 tel un Bud Spencer claquant du plat de la main un Riccardo Pizzuti. Et en ce 09 octobre 2019, j’ai touché du bout des doigts ce que je cherche depuis des années. Ça s’appelle Voyage of the Rock Aliens, c’est sorti en 1984, rien que le titre annonce un bien beau programme, et c’est tout simplement un des nanars les plus hallucinants qu’il m’ait été donné de voir. Et pourtant j’en ai vu ! Quand le ringard atteint son paroxysme, … quand le kitch vogue à des hauteurs stratosphériques, … quand les années 80 montrent dans toute leur splendeur ce qu’elles ont de plus improbable. Oh oui Voyage of the Rock Aliens, que tu étais bon !

Mais replaçons les choses dans leur contexte. La conception et l’intérêt de départ de cette magnifique bobine sont un peu particuliers. Pia Zadora est une jeune actrice peu connue. Elle a l’avantage d’être mariée à Meshulam Riklis, un financier israélien riche et très influent de 30 ans son ainé. Ah, il l’aime sa petite Pia, et il a envie d’en faire une star, elle qui jusque-là avait seulement tourné à l’âge de 10 ans dans Le Père Noël contre les Martiens (1964), film pour enfants qui apparaît dans tous les classements des pires films jamais tournés. En 1982, il va donc produire deux films pour la mettre en vedette, Lonely Lady et surtout Butterfly. Les films furent des bides. Pourtant, pour ce dernier, Pia Zadora obtient un Golden Globe de la meilleure actrice débutante, alors qu’en même temps, le film se traine une réputation bien foireuse et que pour la même prestation, elle reçoit le Razzie Awards de la « Pire Actrice Débutante ». Des mauvaises langues supputeraient même que son mari milliardaire aurait acheté le jury des Golden Globes. Mais oh oh oh, pas de ça chez nous voyons. Comment ? Elle aurait reçu pour l’ensemble de sa carrière cinq Razzie Awards, dont une nomination à celui de la « Pire Actrice du Siècle » et un Golden Apple dans la catégorie « Artiste qui croit le plus à ce que racontent ses propres publicités » ? Bref. Parallèlement, son mari, toujours lui, qui a vraiment décidément envie que sa jolie petite femme soit mondialement connue, décide de lui lancer une carrière musicale. Sortent rapidement les albums Pia et Adorable, respectivement en 1982 et 1983. Mais, telle la soucoupe de son premier film Le Père Noël Contre les Martiens, sa carrière ne décolle pas.
Quand soudain, une idée lumineuse lui traverse l’esprit. Et s’il produisait pour elle un film musical et un album la même année, que toutes les chansons qu’elle interprèterait dans le film seraient également dans l’album, qu’on ferait appel à Jermaine Jackson (le frère de Michael) pour un duo qui serait le thème principal du film ? Comme ça, le film alimente l’album et l’album alimente le film ! Qu’il est fort ce Meshulam Riklis.

Il est fort mais il avait oublié un tout petit détail. Autant l’album fait d’elle une star mondiale, son duo When The Rain Begins To Fall avec Jermaine Jackson se plaçant numéro 1 des ventes dans moult pays à travers le monde (dont la France), autant il en est tout autre pour le film. Mais avant d’en dire plus, il est nécessaire de s’attarder sur comment a été pensé le film. Au tout départ, le scénario de James Guidotti avait été pensé comme une parodie du cinéma de série B. Il devait au départ s’appeler Attack of the Aliens. Et là, je cite : « C’est un peu comme être assis chez soi et regarder la télé, tard un samedi soir, en zappant entre la 5, la 9, la 11 et la 13 ». Il rajoute : « Sur la 5 il y a un film de plage, sur la 9 un autre qui parle d’invasion extraterrestre, la 11 diffuse un film sur un tueur fou en liberté, et la 13 un programme de rock’n roll ». Mais entretemps, le film est passé à la moulinette des producteurs exécutifs qui ont préféré complètement modifier le script pour rajouter une couche de comédie musicale par-dessus tout ça. Le tournage s’effectue… puis le montage… puis la post-prod… Et arrive enfin l’heure des projections tests qu’on pourrait qualifier de… Vous voyez « enthousiasmant » ? Eh bien l’inverse. A tel point que Pia Zadora et son richissime mari ont décidé de ne pas sortir le film qui pourrait rapidement devenir source de moquerie, voire de fin de carrière pour Zadora. Le film finira par sortir dans quelques rares salles à travers l’Europe en 1987, et l’année suivante aux States où il n’aura droit qu’à une discrète sortie VHS. Non mais c’est bien de se rendre compte que le film dont on a accouché n’est pas bon et qu’il risque de nuire. Il y a au moins eu un semblant de lucidité dans leur petite tête. Et donc pour le cinéphile/phage amateur de nanars, ce Voyage of the Rock Aliens est tout simplement un met de choix. Oui, c’est du lourd, du très très lourd. Du caviar comme on en voit peu. J’en salive encore !

Premier plan du film, un vaisseau spatial en forme de guitare électrique. Oui, pourquoi pas, puisqu’on comprend vite que des extra-terrestres humanoïdes, et leur robot fisher price géant, tous friands de musique, cherchent à atterrir sur une planète proposant un son particulier afin d’observer la population. Bah quoi, c’est déjà plus recherché qu’aller sur une planète, exterminer tout le monde et devenir les maitres de l’univers mouah mouah mouah *rire diabolique* Non ? au moins ça change. Et là, personne ne peut être préparé au spectacle qui va lui être proposé, pas même les nanardeurs chevronnés qui bouffent du Wynorski ou du Olen Ray tous les matins au petit déjeuner. Le film va nous vomir à la gueule, mais vous savez, le vomi bien gluant, tout ce que les années 80 ont donné de plus improbable, de plus moche, de plus kitch. Mais le kitch dans ce qu’il a le plus noble. Le ridicule à son apogée en quelques sortes. Et ça commence d’entrée de jeu avec la fameuse chanson qui l’a rendu célèbre, When The Rain Begins To Fall, et surtout le clip qui va avec. Ça n’a absolument aucun rapport avec le reste du film, mais on s’en cague, on le colle là parce qu’on en est fier. Eh ben mon con… Imaginez. Jermain Jackson, qui aspire à avoir le même succès que son frère mais qui n’y arrivera jamais, leader d’un gang de blacks de banlieue gominés. En face d’eux, des bikers aux tenues vestimentaires improbables, un peu comme si des punks s’étaient accouplés avec des nonnes dans l’univers de Mad Max. Et ils s’affrontent dans un combat martial musical, entre high kick sautés et musique pop rock 80’s bien kitchos. Et cette intro n’est que les prémices d’un des films les plus hallucinants que j’ai pu voir.

Le scénario de Voyage of the Rock Aliens cherche à construire son récit autour d’une 15aine de tubes du Top 50 du moment. Plus de 15 chansons ! Dans un film de 1h30 ! autant vous dire que ça chante tout le temps ! Je déteste les films musicaux en temps normal, lorsque ça se met à chanter sans raison apparente, mais là, c’est tellement hallucinant, tellement out of the world, qu’on en reste hypnotisé, les yeux écarquillés, des fous rires nerveux toutes les 13.8 secondes. Chaque chanson arrive à être plus WTF que la précédente, avec des chorégraphies d’un autre monde. On passe de surprise en surprise ! On dirait une compilation de 1h30 de clips tous plus gênants les uns que les autres. Il y a même une danse dans des chiottes, où même les gens en train de couler leur bronze bougent leurs gambettes en dessous des portes hautes ! A tous les coups, tout naïfs qu’ils étaient, ils ont dû se dire que toutes leurs chansons allaient être des tubes internationaux. Ah ah ah, je me marre !
Mais vous savez quoi ? Le pire dans tout ça, c’est que les chansons sont rythmées et entrainantes. Kitchs et ridicules, certes, mais nous sommes dans les années 80 et elles ne sont pas pires que « I’m So Excited » des Pointed Sisters ou « Girls Just Wanna Have Fun » de Cindy Lauper dans l’absolu. Le charme indéniable des eighties… Ce qui est le plus beau, c’est que tous semblent y croire à mort. Ça transpire l’enthousiasme, ils y vont à fond, sans se douter une seule seconde qu’ils finiraient des années plus tard au rang de ces acteurs oubliés de mauvais films sympathiques. RIP petits anges disparus trop tôt des écrans…

Une chose est sûre, c’est que le ridicule ne tue pas, ce film en est la preuve indiscutable. Les looks sont absolument dantesques, les coiffures semblent venir d’un temps que les moins de 20 ans de cette époque ne pouvaient déjà pas connaitre. Et des idées ridicules, Voyage of the Rock Aliens en a une à peu près toutes les 20 secondes. Tout est improbable (oui, j’utilise beaucoup ce mot, mais c’est celui qui se rapproche le plus du spectacle proposé). Les extra-terrestres, congelés, miniaturisés et stockés dans un frigo, redeviennent normaux lorsque leur robot de compagnie les passe dans une machine. Une personne à forte corpulence fait du footing avec des mars/snickers/milkyway/Raiders accrochés partout sur elle. Un tentacule en mousse, sort de l’eau sans réelle raison et kidnappe un mec sur la plage pendant que tout le monde chante et danse autour de lui. Les extra-terrestres arrivent sur Terre en cabine téléphonique car c’est vachement répandu sur Terre. Le robot se transforme en bouche d’égout roulante et qui parle, parce qu’il parait que ça permet de passer incognito. Les extra-terrestres ont un simulateur sexuel pour savoir comment aborder la gent féminine. Ils peuvent se téléporter via des cuvettes de toilette. On a le plan boobs le plus gratuit de l’histoire du cinéma. Michael Berryman (La Colline a des Yeux) incarne un fou échappé de prison, qui fait les courses dans un magasin d’armes, qui se fait réparer sa tronçonneuse par sa propre victime. Un commissaire, menacé par un ouvre-boîte, se voit obligé de se protéger avec une boite de conserve avant d’être sauvagement attaqué à la brosse à dents électrique. Oui, mais qu’est-ce que c’est que ce film…

Ce film est complètement fou. Possiblement le plus nawak qu’il m’ait été donné de voir. Voyage of the Rock Aliens devrait être montré dans son intégralité dans toutes les écoles de cinéma. « Chers étudiants, voici tout ce que vous ne devez jamais faire dans un film. Tout a été concentré dans cette chose ». Tout est ringard, jusque dans les effets visuels de mise en scène, capables de vous décoller la rétine à défaut de vous permettre de régler les couleurs de votre téléviseur. En voulant trop être une parodie des teenages movies et des films de SF des années 50/60, Voyage of the Rock Aliens se parodie lui-même sans le vouloir. D’une intention de départ volontaire en découle un nanar involontaire. Il y a fort à parier que le produit finit est à des années lumières de l’idée qui avait été pensée au départ par le scénariste James Guidotti. Des nanars, il en existe plein, mais il y en a qui sont immédiatement hors catégorie, et Rock Aliens en fait partie. Tout amateur de cinéma bis se doit de le voir et de ne pas en croire ses yeux pendant 1h30. Ce film est fou, complètement fou. Il n’en a rien à foutre de tout. C’est un gros foutoir bête comme ses pieds qui transpire les années 80. Tout le monde s’éclate, fait n’importe quoi, et il y a fort à parier que moult scènes ont été totalement improvisées sur le moment (la réparation de tronçonneuse ?). Que c’est con ! Mais que c’est con ! Même si le film s’essouffle dans ses dernières minutes (malgré la fin la plus stupide possible), il faut voir ce film qui ne recule et n’a peur devant rien. Ne serait-ce que par curiosité. Ne serait-ce que pour l’expérience. Parce que vous ne verrez jamais rien de tel. Est-ce le nanar ultime ? Je l’ignore. Mais en tout cas, on s’en rapproche dangereusement !

LES PLUS LES MOINS
♥ Joie
♥ Bonheur
♥ Volupté
♥ Vive les années 80
⊗ S’essouffle un peu sur la fin
Note Nanar :
Voyage of the Rock Aliens, c’est du kitch en barre. Un nanar, un vrai de vrai. Un qui ne recule devant rien, qui n’a peur de rien, surtout pas du ridicule. Une bobine unique en son genre. Un truc WTF comme vous en avez rarement vu. Ô Dieu du kitch, je te remercie pour ce film.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Avant de se lancer dans ce désastre cinématographique, le réalisateur James Fargo avait réalisé deux films avec Clint Eastwood : L’Inspecteur ne Renonce Jamais (1976), et Doux dur et Dingue (1978). Il ne se relèvera jamais de cet échec cuisant.
• Divers groupes musicaux plus ou moins connus de l’époque jouent dans le film. Le groupe Rhema incarne le groupe d’extraterrestres (excepté leur leader), et le groupe Jimmy & The Mustangs celui du petit ami de Pia Zadora.
• La bande originale du film est sortie en 1984, date à laquelle le film devait également sortir. Suite au désastre cinématographique, le film a donc été repoussé aux calanques grecques, et la jaquette de la bande originale a été remodelée. En effet, tout ce qui avait rapport au film a été minimisé et ils ont préféré privilégier, bien en gros, le titre When The Rain Begins To Fall.
• Comme pour le réalisateur, la carrière cinématographique de Pia Zadora fut quasiment stoppé net suite à l’échec cuisant de Rock Aliens. Elle ne fit par la suite que des toutes petites apparitions dans quelques films (Hairspray, Y’a-t-il un flic pour sauver Hollywood).
• L’année suivant la sortie du film, en 1988, Pia Zadora et son époux Meshulam Riklis font parler d’eux lorsqu’ils acquièrent et font démolir, au grand dam des cinéphiles, le manoir Pickfair, à Beverly Hills, qui avait été la demeure de Douglas Fairbanks et de Mary Pickford.


Titre : Voyage of the Rock Aliens / Rock Aliens
Année : 1986
Durée : 1h37
Origine : U.S.A
Genre : Nanar ultime ?
Réalisateur : James Fargo
Scénario : Edward Gold, James Guidotti, Charles Hairston

Acteurs : Pia Zadora, Craig Sheffer, Tom Nolan, Ruth Gordon, Michael Berryman, Alison La Placa, Gregory Bond, Craig Quiter, Patrick Byrnes, Jimmy & The Mustangs

 Rock Aliens (1984) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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