[Film] The Terrible Couple, de Sômai Shinji (1980)

Un jeune lycéen s’apprête à quitter ses parents pour étudier dans une autre ville. Par mégarde, l’agence immobilière le place dans le même appartement qu’une de ses futures camarades. Craignant d’être refusés par l’école, les deux adolescents décident de rendre cette situation secrète.


Avis de Rick :
Après avoir été assistant réalisateur durant les années 70 sur quelques films, notamment ceux de Hasegawa Kazuhiko (Le Meutrier de la Jeunesse, Taiyô wo Nusunda Otoko), ce qui lui permet en prime de travailler avec l’acteur Sugawara Bunta (Combats Sans Code d’Honneur), il est temps pour Sômai Shinji de se lancer lui-même dans la mise en scène, alors que les années 80 sont enfin là. Son premier film donc, c’est ce Tonda Kappuru, The Terrible Couple (ou en Allemagne, Dreamy Fifteen). Pour ce premier essai derrière la caméra, plusieurs choses s’imposent dés le départ. Déjà, il est clair à la vision du film que l’on n’est pas face à un premier film hésitant de la part de son réalisateur, loin de là en réalité, puisque le style du réalisateur explose déjà sur la pellicule, et semble en plus déjà être maitrisé dans les grandes lignes. Tout ce que l’on retrouvera dés l’année suivante dans son métrage le plus connu à l’étranger, à savoir Sailor Suit and Machine Gun, est déjà présent ici, que ce soit le côté tranche de vie, ses personnages adolescents qui doivent grandir, l’utilisation du long plan séquence avec des acteurs se mouvant de manière logique dans les plans. Tout est déjà dans ce Terrible Couple. Plus que ça, Yakushimaru Hiroko est, elle-aussi, déjà là, elle qui deviendra un véritable phénomène dans les années 80. Elle n’avait beau n’avoir pour le moment que deux ou trois films à son actif, elle est là, elle est déjà à l’aise, et a déjà son ton désinvolte comme pour cacher ses faiblesses. D’ailleurs, au casting, Sômai récupère Harada Mieko, qu’il avait connu lorsqu’il était assistant, et on découvrira également un Sanada Hiroyuki dans un petit rôle. Lui qui avait déjà tourné, l’année précédente, dans Les Guerriers de l’Apocalypse, où Yakushimaru apparaissait également. Tout est lié. Comme l’année suivante pour Sailor Suit and Machine Gun d’ailleurs, c’est Kurosawa Kiyoshi qui est assistant réalisateur, et il n’est donc guère étonnant de retrouver un peu de Sômai dans la patte de Kurosawa par la suite.

Mais revenons donc au film, de quoi parle The Terrible Couple ? Basiquement, tout est dans le titre. Yûsuke, qui veut devenir avocat plus tard, se rends à Tokyo en espérant, grâce a beaucoup d’efforts, entrer dans une prestigieuse école par la suite. Il est logé dans la demeure de son oncle, absent, qui en profite d’ailleurs aussi pour louer une des chambres à un autre étudiant. Mais pas de bol, cet étudiant s’avèrera être une étudiante, Kei. Bien entendu, on se doute de la suite à partir de là, les deux vont devoir cacher qu’ils vivent ensemble sinon l’école va venir s’en mêler, et entre les amitiés, les petits tracas de la vie quotidienne, et bien entendu, une attirance presque obligatoire entre les deux personnages principaux, The Terrible Couple ne fait pas preuve dans les faits d’une originalité forte, et nous rappelle tous ces mangas et autres dramas sur l’adolescence. Ça tombe bien en fait, puisque The Terrible Couple adapte un manga. Mais ce manque d’originalité, il parvient à le compenser par une certaine énergie, à la fois insufflée par le réalisateur via sa mise en scène, mais également par son casting que l’on prend immédiatement plaisir à voir à l’écran. Car oui, il se dégage très souvent une certaine tendresse pour les personnages, pour leurs petites aventures, leurs sorties, leurs petites embrouilles, leur refus d’accepter leurs sentiments quitte à voir l’autre du coup s’éloigner et partir dans les bras d’un autre, possiblement. C’est simple, ce n’est pas novateur, mais il y a clairement quelque chose, qui ne tient qu’à un fil, mais qui fonctionne malgré tout. Sans doute car comme le genre le voudrait au départ, nous n’avons là qu’une tranche de vie, et en effet, on a souvent l’impression qu’il y a là bien plus que ce que les images nous délivrent, que la vie continue pour nos personnages, même après le clap de fin, final à la fois triste dans les faits, mais bien différent visuellement, comme indiquant que oui, la vie continue. Somai sait jouer sur ces éléments, ainsi que sur le temps qui passe, et donc ce que cela implique, pour ses personnages, mais aussi pour leur environnement.

Il est parfois amusant de voir les personnages évoluer au fur et à mesure de cette année scolaire, des premiers repas ensembles qui sont refusés par Yusuke, avant qu’il ne cède, ne goûte à la cuisine de Kei, et ne se rende compte qu’en réalité, et bien, c’est délicieux. Le temps qui passe, on le retrouve également donc dans leur environnement, dans le milieu scolaire, avec le professeur (qui semble être le seul adulte que l’on verra de la quasi intégralité du film). Mais tout n’est pas parfait pour autant, et The Terrible Couple reste quoi qu’il arrive un premier film, un film où Somai expérimente avec le style qu’il gardera par la suite. On pourrait trouver pas mal de petites facilités ça et là dans le récit, et la première partie, durant la moitié du métrage, une heure donc, qui se montre être la partie la plus douce, la plus rêveuse, pourrait ne pas plaire à tous, alors que la seconde partie, plus dramatique et faite de mauvais choix, interpelle déjà plus, avec quelques moments tristes qui fonctionnent. Sans doute également car cette partie se fait un peu moins facile dans son propos, et que quelques scènes marquent à la fois par leur simplicité et leur pertinence. Et ce même si après avoir suivis les personnages pendant autant de temps, on a parfois envie de leur mettre une baffe ou deux pour les faire réagir. C’est comme ça oui. Mais il y a beaucoup de choses à apprécier dans le premier film de Somai, et d’autres qui laisseront plus perplexe. Mais il démontre déjà son savoir-faire, qu’il sait ce qu’il veut, tandis que devant sa caméra, Yakushimaru Hiroko est déjà resplendissante. Rien que tout cela et la légèreté de l’ensemble fait passer un bon moment, bien que pas inoubliable.

LES PLUS LES MOINS
♥ Somai montre déjà son style
♥ Yakushimaru Hiroko déjà pleine d’assurance à l’écran
♥ Un récit léger
♥ Une seconde partie dramatiquement plus intéressante
⊗ Quelques égarements dans la première partie
⊗ Une romance platonique pas inoubliable
note35
The Terrible Couple est un film doux, intéressant, avec un style déjà parfaitement identifiable de par son réalisateur, et qui respire bon les années 80. Pas parfait, sans doute un peu trop long, et pas assez original pour marquer, mais plaisant.


Titre : The Terrible Couple – Tonda Kappuru – 翔んだカップル
Année : 1980
Durée :
1h46
Origine :
Japon
Genre :
Drame
Réalisation :
Sômai Shinji
Scénario :
Maruyama Shoichi
Avec :
Tsurumi Shingo, Yakushimaru Hiroko, Harada Mieko, Ishihara Mariko, Madoka Hiroshi, Omi Toshinori et Sanada Hiroyuki
Tonda kappuru (1980) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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