[Film] Thar, de Raj Singh Chaudhary (2022)


En 1985, dans un village perdu du Rajasthan, un officier de police proche de la retraite doit à la fois faire face à des trafiquants d’opium venu du Pakistan et élucider une affaire de meurtre sordide.


Avis de NasserJones :
Encouragé par le succès de Gangs of Wasseypur en 2012 au Festival de Cannes et par celui des comédies romantiques The Lunchbox et Le photographe de Ritesh Batra dans plusieurs festivals, le cinéma indien fait depuis quelques années preuve de toutes nouvelles ambitions artistiques et commerciales. Cantonné pendant des décennies aux mêmes éternelles recettes bollywoodiennes avant tout destinées au public local, le cinéma indien a compris depuis peu que, non seulement il pouvait faire des films différents, et qu’en plus ces films pouvaient plaire à des spectateurs partout dans le monde. Ce n’est donc pas un hasard si depuis un moment, on voit débarquer des légions de films indiens sur Netflix ou Amazon Prime dans plein de genres différents (polars, thrillers, drames, guerre, action). Thar s’inscrit donc entièrement dans les films de cette nouvelle vague.

Aidé au scénario par Anurag Kashyap (justement réalisateur de la saga Gangs of Wasseypur), Raj Singh Chaudhary réalise un film d’une noirceur extrême, violent et désespéré où il convie à la même table le No Country for Old Men de Ethan Coen et le J’ai Rencontré le Diable de Kim Jee-Won. Dès les premiers plans aériens des paysages montagneux et arides du Rajasthan, on est surpris par la beauté de la photographie et surtout par l’ambiance western mexicain qui s’en dégage. Des bandits armés de fusils débarquent dans une petite ferme et tuent toute la famille. L’officier chargé de l’enquête débarque sur les lieux du crime, il a plus des allures de shérif texan que de policier indien et il en déduit tout de suite à un règlement de compte dû au trafic d’opium. Son supérieur hiérarchique se trimballe à cheval comme un cowboy et tire au colt sur des oiseaux. Effectivement, on est dans un vrai western. Sauf que quelques minutes plus tard un étranger débarque dans le village. Il prétend chercher des objets anciens de valeurs mais on sent de suite qu’il cache un secret. Il a un peu un regard de psychopathe, se met à draguer une jeune femme du village dont le mari est absent et une atmosphère malsaine de vrai film noir se met en place.

Ce changement de genre et d’ambiance est à la fois la principale qualité et en même temps le principal défaut du film. Autrement dit, Thar a les défauts de ses qualités. Si le mix western/polar/film noir/film de vengeance apporte au métrage un style et une richesse indéniable, il le rend parfois déroutant et maladroit. La faute principalement à la bande son à base de guitares électriques, aux accents un peu rock qui ne collent pas du tout à l’ambiance générale du film et qui surtout n’aide pas du tout à la transition entre les différents genres. L’ensemble du film manque un peu de cohérence. On passe d’une fusillade entre le flic au style de shérif interprété par l’excellent Anil Kapoor (le présentateur télé dans Slumdog Millionaire) et les bandits pakistanais aux allures de mexicains, à une scène de torture interminable sorti d’un polar hardboiled coréen en un claquement de doigt. Et puis le scénario est un peu prévisible. Bien que l’histoire de l’étranger venu de New Dehli prend tout son temps pour se mettre en place, on devine rapidement le pourquoi du comment et les ultimes flashbacks pour nous expliquer l’histoire du personnage et ses motivations arrivent un peu comme un cheveu dans la soupe. Peut-être aussi que certaines scènes de tortures sont un peu trop longues et auraient été dispensables et surtout le réalisateur n’a pas su gérer correctement le mystère autour de son personnage. Dommage car il avait réussi à installer une vraie ambiance et que la prestation de Hardshvardhan Kappor en vengeur psychopathe est très bonne. Néanmoins on ne peut pas reprocher à Raj Singh Chaudhary d’avoir été ambitieux et d’avoir essayé de faire un film original et audacieux. Le mélange des genres, on le sait, est toujours un exercice très casse gueule mais comme dirait Jean-Pierre Dionnet : « pourquoi se plaindre quand on a plusieurs films en un ? ».

LES PLUS LES MOINS
♥ Une belle photographie
♥ De très beaux paysages désertiques
♥ Le mélange film noir / western
♥ Les deux acteurs principaux excellents
⊗ La bande son pas en accord avec l’ambiance générale du film
⊗ Un scénario prévisible
⊗ La transition entre les gens pas toujours bien gérée
Entre No Country for Old Men et J’ai Rencontré le Diable, Raj Singh Chaudhary signe avec Thar un western sombre et violent. Parfois maladroit dans ses changements d’ambiances, mais indéniablement audacieux et surprenant.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film est disponible en VOSTFR sur Netflix.

• Avant d’être réalisateur sur les films Shaadisthan (2021) et donc ce Thar (2022), Raj Singh Chaudhary a connu une toute petite carrière d’acteurs en participant à des films tels que Kuch Nao Kaho (2003), Black Friday (2004), Antardwang (2008) ou encore Gulaal (2009).



Titre : Thar
Année : 2022
Durée : 1h48
Origine : Inde
Genre : Film noir / Western
Réalisateur : Raj Singh Chaudhary
Scénario : Anurag Kashyap, Raj Singh Chaudhary

Acteurs : Anil Kapoor, Fatima Sana Shaikh, Hardshvardhan Kapoor, Satish Kaushik, Akshay Oberoi, Mukti Mohan, Mandana Karimi

 Thar (2022) on IMDb


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Auteur : Nasserjones

Fan névrosé de cinéma HK, élevé aux girls with guns et heroic bloodsheed, j'essaye depuis quelques années de me soigner comme je peux en m'ouvrant un peu plus à des films plus intimistes et différents. Des Philippines au Kazakhstan, de la Corée à l'Indonésie, je poursuis tant bien que mal mon auto-thérapie.
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