[Film] Sonny Boy, de Robert Martin Carroll (1989)

Une immonde pourriture et sa femme travestie recueillent un nourrisson dans une voiture volée. Après qu’on lui ait coupé la langue, Sonny Boy va être élevé à la dure pour être transformé en un tueur bestial. Mais arrivé à l’âge adulte, il s’échappe et tente d’entrer en contact avec le monde extérieur…


Avis de John Roch :
Sonny Boy, en voila une bizarrerie restée longtemps invisible. Étrange et inclassable, ce qui peut expliquer la rareté d’un film qui aura mis deux ans à trouver un distributeur et qui sera un flop total au box office, la plupart des cinémas le déprogrammant au bout de deux jours d’exploitation, avant une sortie timide en VHS (pour la France, ce sera en 1992 chez Delta vidéo). Le regain d’intérêt pour Sonny Boy, il a lieu suite au décès de David Carradine. Se replongeant dans une filmographie de près de 250 films (qui contient son lot de bons et excellents films mais aussi son gros paquet de navets et de nanars), un film tape dans l’œil des cinéphiles : Sonny Boy. Le métrage commence alors à développer un certain culte et soudainement ce film boudé en son temps est devenu le film ou David Carradine joue une mère de famille travelo, ou trans ce n’est jamais explicité, à voir absolument. Fort heureusement, Sonny Boy ne se limite pas à cette argument pour être un film à découvrir. Non, Sonny Boy est bel et bien un film étrange, étonnant et intéressant sur bien des points, à commencer par l’équipe devant et derrière la caméra qui ne sont pas que des inconnus. A la production, on retrouve Ovidio G. Assonitis, connu pour être le réalisateur du navet Tentacules, qui surfe sur la vague de la sharksploitation en remplaçant le requin par une pieuvre géante, La Malédiction Céleste (première adaptation de la couleur tombée du ciel de Lovecraft) mais surtout pour avoir produit et avoir dépossédé James Cameron de la mise en scène de Piranha 2 : Les Tueurs Volants. Intéressé par la réalisation de Sonny Boy, il laisse sa place à un inconnu du nom de Robert Martin Carroll, qui signe ici son premier film dont l’échec lui fermera toute porte, avant un nouveau et dernier métrage plus de vingt ans plus tard. Le scénario, on le doit à Graeme Whifler qui signera quelques années plus tard celui de Dr. Rictus.

Coté casting, on retrouve aussi bien des inconnus que des têtes bien connues tels que l’imposant Paul L. Smith (Le Sadique à La Tronçonneuse, Midnight Express, Kalidor, Dune…), Brad Dourif (Chucky himself) qui retrouve son partenaire à l‘écran de Vol Au Dessus D’Un nid De Coucou Sydney Lassick, et David Carradine donc. Un casting qui en rajoute dans le caractère unique de ce film, puisque Carradine l’a défini comme un croisement entre Bonny and Clyde et The Rocky Horror Picture Show, Dourif lui voit Sonny Boy comme une fable heavy metal à laquelle il a avoué n’avoir rien compris. Quant à Paul L. Smith, il n’était pas intéressé par le projet mais a signé lorsqu’il a vu le casting se former. Pourtant, question d’interprétation vous me direz, Sonny Boy n’est rien de tout ça. Le métrage est un mélange de genres, une sorte de Frankenstein revisité coincé entre le film de rednecks dégénérés, le drame familial et le western, le tout sous la thématique de l’abus physique et psychologique de l’enfant, et de la toxicité et de l’influence de la famille sur celui-ci. Cet enfant âgé de six mois, il arrive par pur hasard dans les bras de Slue et de sa « femme » Pearl, qu’ils trouvent dans une voiture volée que leur livre Weasel, une petite frappe qui bosse pour le couple. Car Slue est en fait un genre de mafieux. Un caïd qui règne d’une main de fer sur la petite ville voisine dans laquelle les habitants sont forcés de se tenir à l’écart de sa ferme, et ou autorités sont gracieusement arrosés pour fermer les yeux sur ses activités illégales. Si de son coté Pearl voit l’arrivé de celui qu’elle nomme Sonny Boy comme un miracle, Slue a lui un autre plan pour son nouveau fils : le dresser comme un animal afin de se faciliter le sale boulot dès lors qu’il s’agit de faire dans le meurtre. Un plan qui a tout pour marcher mais le revers de la médaille va arriver lorsque Sonny Boy va participer à ses premières missions et découvrir le monde extérieur.

La première partie de Sonny Boy se concentre sur l’éducation que reçoit le garçon dès son plus jeune age. Une éducation qui relève de la torture physique et psychologique, le gamin se fait couper la langue pour son sixième anniversaire, se fait traîner par une voiture, passe sa vie dans une boite puis dans un silo quand il grandit de trop… des moments parfois durs, parfois malsains, infligés par un père sans aucune limite, sous le regard d’une mère aimante mais à sa manière, car étant tout aussi atteinte que son mari. Car il n’y a pas de bonnes personnes dans Sonny Boy, que ce soit la famille ou les habitants du patelin voisin, tous sont des pourris à l’exception du médecin de la ville impuissant face à Slue et sa bande de psychopathes à sa botte qui font payer cher quiconque s’intéresse de trop près au business du caïd du coin. Une éducation qui va transformer Sonny non seulement en animal obéissant envers son père, mais aussi en une bête insensible. Il reste cependant quelque part dans son esprit une part d’humanité, symbolisée par les pensée en voix off du rôle titre qui s’interroge sur ses actions et sur la notion du bien et du mal, pas facile quand c’est ce dernier point qui est enseigné depuis son arrivée sur terre. Des interrogations qui vont prendre de l’ampleur dès lors que Sonny va découvrir plusieurs aspects de la vie lorsqu’il part assassiner ou lorsqu’il s’échappe de son habitat. L’amour, la foi, le sexe ou encore les relations sociales vont être autant de découvertes directes ou indirectes qui vont peu à peu l’humaniser, mais non pas sans défauts d‘écriture. Car celle-ci s’avère par moments bancale. Si certaines scènes fonctionnent à l’instar celle où Sonny découvre pour la première fois son visage, d’autres sont un peu trop surréalistes pour être totalement convaincantes. Cela fait partie du charme d’un métrage qui se veut très premier degré non sans un petit humour noir présent et un coté justement surréaliste qui joue en sa faveur, mais qui tranche trop par rapport au parcours du personnage principal qui est à la fois une quête initiatique et un chemin de croix. On pardonnera par contre un peu moins le traitement de certains personnages secondaires, entre niaiserie et retournements de situations parfois incompréhensibles.

Personnage qui va vite devenir la cible à abattre pour la population locale. Car Sonny Boy est clairement une variation de Frankenstein en faisant du rôle titre une créature qui tente de survivre dans un monde qu’il ne connaît pas mais qui va se retrouver chassé car il inspire peur et danger aux yeux des autres. Ceci ne fait pas basculer Sonny Boy dans le film d’horreur pur, car il tient également du western, des plans contemplatif sur les étendues désertiques à une dernière partie qui renvoit aussi bien aux assauts de forts des films de John Ford, au coté plus bourrin des westerns spaghetti, qu’aux ralentis stylisés issus des métrages de Sam Peckinpah. Sonny Boy est donc un métrage riche, qui est de plus très bien mis en scène. Robert Martin Carroll montre avec son premier film qu’il est un réalisateur qui en avait dans le bide et il est dommage qu’aucune porte ne lui ait été ouverte par la suite. Le métrage est visuellement très beau et le cinéaste alterne entre mise en scène contemplative, passages à la première personne, et cadrages parfois aussi étranges que le métrage dans son entièreté. Petit bémol concernant la musique par contre. Bien que la chanson composée et interprétée par David Carradine soit jolie (les paroles sont d’ailleurs inscrites sur sa tombe), et que la musique surprend par son contraste avec les images qu’elle illustre, celle-ci gave rapidement car il y a quasiment un seul morceaux pendant 1h43. Mais ce qui participe aussi à la réussite de Sonny Boy, c’est son casting. Paul L. Smith en impose dans son rôle de taré sans foi ni loi mais pas dénué de sentiments et Brad Dourif est complètement déchaîné et enchaîne des looks aussi extravagants qu’improbables tout au long du film. Quant au rôle titre, c’est un certain Michael Boston qui réussit à donner vie au personnage de Sonny. Mais si il ne fallait en retenir qu’un, c’est bel et bien David Carradine. Si le fait de le voir en travelo porte à sourire aux premiers abords, l’acteur est juste impeccable et trouve là l’un des meilleurs rôles de sa carrière. A la fois masculin et féminin, doux et dingue, le tour de force est d’autant plus fort que le personnage, et par extension son interprète, ne sombre jamais dans le ridicule et est joué avec justesse. Sonny Boy est donc plus que le film à voir pour Carradine qui porte une robe. C’est un film inclassable, une œuvre étrange qui mélange et digère plusieurs idées et genres avec succès, sans pour autant être sans reproche, notamment dans son écriture parfois bancale. Pas de quoi porter préjudice à un métrage à part qui est à découvrir, bien que son rythme particulier, son coté surréaliste et son ambiance particulière ne risquent pas de plaire à tout le monde .

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène
♥ Une histoire et des thématiques intéressantes
♥ Un mélange de genres intéressant, entre le film de Rednecks dégénérés, le drame familial et le western
♥ L’ambiance qui se dégage du métrage
♥ L’humour noir
♥ Le casting
♥ David Carradine, jamais ridicule
♥ La musique surprenante…
⊗ … mais qui gave vite
⊗ Le scénario parfois bancal

Sorte de réinterprétation de Frankenstein qui mélange film de Rednecks dégénérés, drame familial et western, Sonny Boy est un métrage surprenant, surréaliste et inclassable. Si le scénario est parfois bancal, la mise en scène, le casting et l’ambiance qui se dégage du film en font une étrangeté à découvrir.



Titre : Sonny Boy
Année : 1989
Durée : 1h43
Origine : U.S.A
Genre : Autre
Réalisateur : Robert Martin Carroll
Scénario : Graeme Whifler et Peter Desberg

Acteurs : Paul L. Smith, David Carradine, Brad Dourif, Michael Boston, Sydney Lassick, Conrad Janis, Alexandra Powers, Steve Carlisle

Sonny Boy (1989) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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