[Film] Shock Treatment, de Jim Sharman (1981)

Alors que la petite ville de Denton s’est transformée en gigantesque studio de télévision, Brad et Janet ne filent plus le parfait amour après plusieurs années de mariage. Devant les caméras, le docteur Cosmo McKinley prétend pouvoir aider le couple. Pour cela, il isole Brad Majors et met Janet sous le feu des projecteurs.


Avis de John Roch :
The Rocky Horror Picture Show a été un désastre commercial lors de sa première sortie, avant d’être projeté en séance de minuit et ainsi gagner son statut de film culte qui perdure encore aujourd’hui. Pensant certainement réussir un second coup de poker, la Fox balance Shock Treatment directement en séance de minuit, mais c’est un échec total, pire encore que la première sortie de son grand frère. Pas forcément la faute au grand publique qui n’a de toute façon pas répondu à l’appel du Docteur Frank-N-Furter et de sa clique, mais la faute aux fans qui renient en bloc cette vraie fausse suite qui a été enfantée dans la douleur, et l’a condamnée à sombrer dans un oubli dont il ne ressort toujours pas. Au départ, Shock Treatment devait être une suite directe de The Rocky Horror Picture Show, avec le retour de tous les personnages, Frank-N-Furter en tête. Mais suite au refus d’une partie du casting, Tim Curry (pour une histoire d’accent !) en tête, de reprendre leurs rôles, Richard O’Brien réécrit le script en fonction. Mais ça ne s’arrête pas là: lorsque le tournage doit commencer, une grève de la Screen Actors Guild éclate et les acteurs Américains n’étaient pas autoriser à tourner sur le sol Américain. Richard O’ Brien et Jim Sharman décident de contourner le système et délocalisent le tournage du métrage en Angleterre mais nouveau problème : aucun endroit ne se prête à se faire passer pour une petite ville Américaine forçant ainsi le duo, après d’autres réécritures imposées par les évènements, à situer l’action de Shock Treatment intégralement dans un studio. Alors Shock Treatment mérite-t-il d’être autant conspué par les fans? Et bien non,certes le film n’est pas parfait, il est même bordélique et n’a pas le même impact que son prédécesseur, mais il n’empêche qu’il ne mérite pas ce manque total de considération et s’avère peut être être un métrage complètement différent, mais pas mauvais pour autant.

Différent déjà dans sa thématique. The Rocky Horror Picture Show est un film qui parlait de la libération sexuelle et du sexe dans toutes ses formes, en plus d’ être un brillant hommage à la science-fiction Ici, Richard O’Brien parle de la télévision, du culte du corps et de l’image, et de l’influence qu’elle peut avoir sur des téléspectateurs abrutis par les programmes TV qui promettent monts et merveilles à qui veut bien participer à des shows qui ne sont que pur business. Le personnage de Janet se fait justement berner par ce système qui la propulse sur le devant de la scène après lui avoir promis la gloire. Quand à Brad, celui-ci est interné dans une aile du studio télé ou il subit également un traitement visant à l’abrutir (le traitement de choc donc). Tout ceci devant les caméras et devant les spectateurs de Denton TV, de la ville de Denton justement, ou toute la population locale passe ses journées dans un studio de télévision et vit la réalité à travers la fiction, les présentateurs et star des shows étant eux même des acteurs. Remis dans le contexte de l’époque (l’arrivée en masse de la télé dans les foyers et l’ aliénation des téléspectateurs), le discours parait un brin daté, pourtant c’est là l’un des éléments les plus intéressant de Shock Treatment. The Rocky Horror Picture Show était un film traitant de la sexualité avec un discours progressiste (dans le bon sens du terme), Shock Treatment lui à une thématique qui tient de l’anticipation puisqu’il préfigure la télé-réalité et ses téléspectateurs abrutis par l’ appel du voyeurisme, et pour aller plus loin l’influence sur les jeunes de la société actuelle, qui voient dans cette réalité pourtant illusoire un moyen de faire fortune en ne faisant rien d’autre que d’utiliser leur image et s’inventer une vie à coup de story snap et insta, le cas échéant aller manger du caca à Dubaï.

Reste que si thématiquement Shock Treatment est intéressant, le résultat à l’écran est moins convaincant, scénaristiquement parlant. La faute à un scénario mainte fois réécrit qui ne tient pas la distance. Shock Treatment est un sacré bordel jamais cohérent, tout s’enchaîne trop vite sans réelle queue ni tête et on a plus l’impression de voir une succession de saynètes se succéder plutôt qu’un film réellement structuré. L’ambition du lieu de l’action qui a baissé se ressent également. Si les décors tiennent la route et donne un coté volontairement kitch aux couleurs criardes à l ‘ensemble, on ne peut s’empêcher d’en constater la répétitivité, et ceci malgré une mise en scène qui tient très bien la route malgré le manque d’espace pour filmer qui se ressent également. Reste à aborder un point crucial: les chansons. La bande son est toujours aussi rock mais cette fois avec une petite pointe de new wave, début des années 80 oblige. Si elle est moins marquante que celle du Rocky Horror Picture Show, la B.O demeure très bonne et les chansons méritent le détour: de l’ entraînante «  Denton, U.S.A » à « Duel Duet », véritable battle entre Brad et l’antagoniste du métrage à l’origine d’un twist qui en fait une véritable nemesis citons : l’ hilarante « Bitchin’ in the Kitchen », ou Janet et Brad exposent leurs problèmes de couple en s’ identifiant à des objets issues de publicités; la très Jazzy « Looking for Trade » ou Jessica Harper, tout comme Susan Sarandon dans le titre « Touch-A, Touch-A, Touch Me » exprime son besoin d’adultère dans une scène éclairée aux néons qui a franchement de la gueule. Et ce n’est la qu’ un petit tour d’ horizon d’une bande originale qui trouve son point culminant dans la chanson titre « Shock Treatment » interprétée par le trio Richard O’Brien/Patricia Quinn/Nell Campbell qui renvoi  à la mythique ( et même se voit comme le nouveau) « Time Warp », sans pour autant arriver à avoir le même impact et pour cause : cette chanson, tout comme les autres qui peuplent le métrage, est trop courte. La B.O de Shock Treatment est à la fois sa grande force, mais aussi sa plus grande faiblesse puisqu’à peine conquis par les titres, ceux-ci en sont presque déjà à leurs fins. Globalement, Shock Treatment ne mérite donc pas d’être conspué par les fans du Rocky Horror Picture Show. Oui le film n’ arrive pas à avoir la puissance de son grand frère, c’est bordélique et parfois incompréhensible. Mais l’univers décalé, le casting qui réunit une partie du Rocky Horror et de nouvelles têtes à l’ image de Jessica Harper qui assure en poussant la chansonnette, la critique du monde de la télévision et la bande originale réussie en font une curiosité à découvrir.

LES PLUS LES MOINS
♥ La B.O…
♥ « Shock Treatment »
♥ Une critique de la télévision qui anticipe la venue de la télé-réalité
♥ L’univers limité mais décalé et volontairement kitch
♥ Le casting, aussi bien les rescapés du Rocky Horror Picture Show que les nouvelles têtes
⊗ … mais des chansons trop courtes
⊗ Un film bordélique et parfois sans queue ni tête

Oui, Shock Treatment n’est pas parfait, ça n’a parfois aucun sens et c’est bordélique. Mais non, Shock Treatment ne mérite pas le total manque de considération des fans de la première heure du Rocky Horror Picture Show qui ont fait sombrer ce métrage, à la très bonne B.O et à l’ univers décalé et volontairement kitch, dans l’oubli. Si ils ne réitèrent pas l’ exploit accompli 6 ans auparavant, Jim Sharman et Richard O’Brien livrent une comédie musicale qui mérite une petite réhabilitation.



Titre : Shock Treatment
Année : 1981
Durée : 1h34
Origine : U.S.A
Genre : Let’s do the Shock Treatment again!
Réalisateur : Jim Sharman
Scénario : Jim Sharman et Richard O’Brien

Acteurs : Jessica Harper, Cliff De Young, Richard O’Brien, Patricia Quinn, Nell Campbell, Charles Gray, Ruby Wax, Rik Mayall, Barry Humphries

 Shock Treatment (1981) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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