[Film] Serial Mother, de John Waters (1994)


Beverly est une femme parfaite, une mère accomplie, une excellente cuisinière, un membre actif de l’association des parents d’élèves. Bref, c’est une supermaman. En fait, Beverly n’est pas tout à fait le personnage qu’on imagine. Elle est bien plus que ça. Elle est bien pire que ça.


Avis de Cherycok :
John Waters est un cinéaste qui s’est fait connaitre pour son penchant pour le trash dans les années 70 avec des films atypiques tels que Female Trouble (1974), Desperate Living (1977) et surtout Pink Flamingos (1972). Dans une célèbre scène de ce dernier, on voyait l’acteur fétiche de John Waters, Divine, manger des vrais excréments de chien ramassé à même le sol. Dans les années 80 et 90, il s’assagira niveau mauvais goût mais ce côté anti-conventionnel qui le caractérise restera bel et bien présent dans chacune de ses bobines dans lesquelles on observe immédiatement une vraie rupture avec le cinéma américain plus traditionnel. J’ai découvert John Waters assez tard, en louant un peu au hasard au début des années 2000 son film Cecil B. Demented (2000), dans lequel il lançait un gros fuck à Hollywood en exposant aux yeux de tous son amour pour le cinéma indépendant. Petit à petit, j’explore le reste de sa filmographie et c’est aujourd’hui au tour de Serial Mother, sorti en 1994, semi échec au box-office mais ayant très vite obtenu un statut de film culte. Et n’en déplaise à certains, ce n’est pas démérité.

Serial Mother est une comédie horrifique qui ne va jamais se prendre au sérieux et qui va beaucoup miser sur l’absurde. Soyons clair tout de suite pour rassurer les plus sensibles, le côté horrifique est extrêmement light. Très peu de sang, aucune intention de faire peur, on est plus ici dans un hommage au cinéma d’horreur avec de nombreuses références (Blood Feast, Massacre à la Tronçonneuse, …) et même un personnage qui est fan du genre et qui travaille dans un video club. Clairement, c’est la comédie qui va primer ici et qui va marcher à 200%. Nous sommes ici dans de l’humour noir, de l’humour caustique, de l’humour second degré, souvent irrévérencieux, provocateur, mais surtout décapant. John Waters va prendre un malin plaisir à titiller et critiquer la société américaine, son puritanisme, son conservatisme. Il va tirer à boulets rouges sur l’Amérique pavillonnaire (souvenez-vous Desperate Housewives), sur la jeunesse qui n’a d’yeux que pour la violence gratuite, sur le traitement de cette violence par les médias. Et c’est son personnage principal qui va lui permettre cela : la mère américaine bien sous tous rapport, aimante, dévouée à sa famille, croyante, … Du moins en apparence puisque cette mère au foyer modèle devient une psychopathe totale dès que quelque chose la contrarie. Eh bien oui, quoi de plus simple pour résoudre un problème que d’éliminer le problème ? S’il n’y a plus de problème, pas besoin de trouver une solution pardi !

Ce personnage central est clairement l’attraction principale du film, et il est aussi marquant grâce à la fabuleuse Kathleen Turner. Déjà géniale en femme un brin timbrée dans La Guerre des Roses (1989), elle est tout simplement parfaite ici, avec son regard inquiétant. On sent qu’elle prend énormément de plaisir à jouer ce rôle déjanté et il y a fort à parier qu’aucune autre actrice n’aurait pu mieux l’interpréter qu’elle. Là où John Waters fait fort, c’est qu’il arrive à rendre ce personnage de psychopathe extrêmement attachant. C’est d’ailleurs le cas de tous les personnages principaux. Tous très différents, ils ont une réelle personnalité et permettent à énormément de scènes d’être complètement savoureuses. Le film nous fait rire de situations souvent ridicules (le meurtre au gigot d’agneau, la masturbation, l’éternuement sur le bébé, …) et en général savoureuses. Son scénario imprévisible, très souvent déjanté, vire au loufoque lors de la scène finale parodiant tous ces films de tribunal (et sa fin politiquement incorrecte). Sans oublier toutes les petites pointes de trashs disséminées ci et là, comme pour nous rappeler qui est aux commandes du film. A noter que, pour la déconnade, John Waters pousse le vice de nous faire croire en préambule que le film est tirée d’une histoire vraie, que le scénario est basé sur des témoignages, des déclarations et des centaines d’interviews, et que la vraie « serial mom » aurait refusé de coopérer lors de la préparation du film. Tout ceci est bien entendu une grosse pantalonnade qui ne servait qu’à attiser l’intérêt du spectateur, le réalisateur balançant ironiquement un « Aucune personne impliqué dans les meurtres n’a reçu de compensation financière ». Trop fort ce Waters.

LES PLUS LES MOINS
♥ Kathleen Turner, géniale
♥ L’humour qui fait mouche
♥ Le ton irrévérencieux
♥ La critique sociétale
⊗ Certains seconds rôles en deçà
Avec Serial Mom, John Waters signe un film certes bien plus sage qu’à ses débuts mais qui n’en oublie pas d’être grinçant et politiquement incorrect quand il le faut. Il en résulte une excellente comédie vaguement horrifique qui ne démérite pas son petit statut de film culte.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Plusieurs grands noms ont été auditionnés pour le rôle principal, comme par exemple Meryl Streep, Kathy Bates ou encore Glenn Close. Mais c’est Kathleen Turner qui aura donc le rôle même si elle se souvient que Michael Douglas ait tenté de l’en dissuader.
• La ASPCA (American Society for the Prevention of Cruelty to Animals) a refusé qu’une vraie mouche soit tuée lors de la première scène. Ils ont donc dû fabriquer pour l’occasion une fausse mouche morte. On peut d’ailleurs apercevoir dans le générique de fin la phrase « Aucune mouche n’a été blessé ou tué durant le tournage du film ».
• Un Howie Scream est présent dans le film. Très différents du Wilhelm Scream, plus long et plus difficile à placer de par son caractère particulier, il est néanmoins le second cri à apparaître le plus souvant dans une production audiovisuelle. Il fut nommé ainsi en rapport à la mort du personnage de Howie Long dans le film Broken Arrow sorti en 1996 pour lequel ce bruitage fut utilisé. Il apparut toutefois pour la première fois dans Ninth Configuration en 1980.
• Il s’agit ici du premier rôle un peu consistant pour Matthew Lillard après un passage sur Ghoulies III, après que le grand public ne le découvre réellement grâce à Scream. Il incarne ici un personnage qui a une fascination pour les films d’horreur, tout comme dans Scream.
• Plusieurs cameo sont présents dans le film, comme ceux de Patty Hearst, Traci Lords, Suzanne Somers, Joan Rivers ou encore Brigid Berlin.


Titre : Serial Mother / Serial Mom
Année : 1994
Durée : 1h35
Origine : U.S.A
Genre : Chérie, j’ai occis les voisins
Réalisateur : John Waters
Scénario : John Waters

Acteurs : Kathleen Turner, Sam Waterston, Ricki Lake, Matthew Lillard, Scott Morgan, Walt MacPherson, Justin Whalin, Patricia Dunnock

 Serial Mother (1994) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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