[Film] Rock N’Roll Cop, de Kirk Wong (1994)


Deux flics de Hong Kong partent sur les traces d’une bande de criminels partis se réfugier en Chine continentale après un braquage. Ces mêmes hommes étant auteurs d’un crime impuni sur ce territoire verront également se dresser contre eux la police locale.


Avis de Sanjuro :
A l’instar de Black Rain de Ridley Scott et de Double Détente de Walter hill, Rock n’Roll cop nous montre deux flics de nationalité différente (et que tout oppose) obligés de faire équipe pour arrêter un dangereux criminel : D’un côté, on a Anthony Wong dans le rôle du flic hongkongais gouailleur aux attitudes de rock star (ça + sa passion pour la gratte = le titre du film !), de l’autre, on a un flic chinois rigoureux, plus effacé et droit comme la justice. Via ce schéma classique mais parfaitement exploité, Kirk Wong entreprend son film comme étant une métaphore sur la rétrocession (oui je sais, on emploie cette grille de lecture à tort et à travers… Mais ici, c’est le cœur même du film).

Contrairement à nombre de films HK, Rock n’Roll cop propose une vision optimiste du rapprochement (et de la collaboration) entre « mainlanders » et chinois de Hong-Kong. A ce titre la réplique finale adressée au « rock n’roll cop » par le flic chinois (« We cops don’t give a shit about politics, We just know how to arrest criminals. After 1997, this border line will be vanished. By them, we won’t be pointing our guns at each other anymore. »), bien que non dénuée d’une certaine naïveté, est plus qu’éloquente et perdure dans la tête du spectateur une fois le film terminé. Même si ce point de vue relativement atypique dans l’univers du polar HK fait de Rock n’Roll cop le volet le plus optimiste de la « trilogie du crime », Kirk Wong n’hésite cependant pas à pointer du doigt le caractère expéditif de la justice chinoise… En témoigne cette séquence où braqueur / tueur campé par Yu Rong Guang s’exclame « Captain what a different world. This side is so free ! » lorsqu’il passe la frontière afin d’être jugé à Hong Kong. Au-delà de sa portée politique, Rock n’Roll cop est avant tout un polar hyper tendu, mené tambour battant du début à la fin… A ce titre, la première bobine, enchaînant les moments forts sans le moindre temps mort (un meurtre bien sordide, une scène de braquage de banque aussi sèche que brutale etc … ), est à marquer d’une pierre blanche. Au rayon des qualités, on mentionnera aussi la mise en scène à la fois nerveuse et sophistiquée de Kirk Wong (soutenue par une photo soignée, à mi-chemin entre stylisation et réalisme… à l’image du film donc), ainsi que d’excellents personnages : Anthony Wong, dont le talent n’est plus à prouver, y trouve un de ses meilleurs rôles, Yu Rong Guang campe un braqueur aussi charismatique que profondément pourri (il tue et torture à tout va, juste pour le fun !), mais le plus beau protagoniste est, sans conteste, ce flic chinois déterminé à venger son meilleur ami… Un personnage noble, tragique et pétri d’honneur qui semble tout droit sorti d’un « hero-movie » de John Woo.

D’ailleurs Rock n’Roll cop ne cesse d’osciller, avec habileté, entre polar dit « réaliste » (même si on reste loin du réalisme maniaque d’un Full Alert par exemple) et mélo-polar type Beyond Hypothermia ou A Better Tomorrow, on citera à ce titre le triangle amoureux développé entre le policier chinois, la petite amie du tueur et (bien sûr) le « bad-guy », romance tragique qui se clôt de la façon la plus poignante et douloureuse qui soit. Les 2 séquences qui concluent cette histoire d’amour (une course poursuite contre la mort suivie d’un instant dont le calme et la plénitude ne parviennent pas à masquer la profonde tristesse) constituent ce que j’ai vu de plus beau dans le cinéma de Kirk Wong. Pour finir, venons à la scène d’action finale bourrée d’idées jouissives (un gunfight opposant des gangsters, au sol, à un groupe de flics qui vident leur chargeurs en sautant d’un pont), qui parviennent à dépasser le cadre du polar « réaliste » sans sombrer une seule fois dans le ridicule (contrairement au très bon OCTB où les quelques écarts sonnaient comme des fautes de goût) … Cette inventivité est relayée par quelques accès de barbarie qui ne sont pas sans rappeler le final de Beast Cops (la machette n’y est pas pour rien !).

LES PLUS LES MOINS
♥ Mise en scène maitrisée
♥ Excellent casting
♥ Tendu du début à la fin
♥ Vision inhabituelle de la rétrocession
⊗ …
Je m’arrête là mais je pourrais encore continuer à vanter les mérites de ce film étonnamment riche, dense (Rock n’Roll cop est tour à tour un polar carré, une love-story tragique, une métaphore politique, un film d’action barbare, etc …) et dont le style, en équilibre entre différentes tendances du polar HK, en fait une œuvre somme et, sans hésitation, le meilleur volet de la « trilogie » de Kirk Wong.

LE SAVIEZ VOUS ?
• La « trilogie » de Kirk Wong se compose de Crime Story (1993), de Organized Crime & Triad Bureau (1994) et donc de ce Rock N’Roll Cop (1994)

• Le film a rapporté 5 184 309 HK$ au box-office de Hong Kong lors de sa sortie en salle du 29 juin au 13 juillet 1994 à Hong Kong.



Titre : Rock N’Roll Cop / 省港一號通緝犯
Année : 1994
Durée : 1h32
Origine : Hong Kong
Genre : Policier
Réalisateur : Kirk Wong
Scénario : Lu Bing

Acteurs : Anthony Wong, Wu Hsing-Guo, Yu Rong-Guang, Carrie Ng, Jennifer Chan, Yau Gin-Gwok, Ha Xiao-Yao, Bruce Law, Chen Zhin-Lin, Lam Tak-Shing

 Sang gong yat ho tung kup faan (1994) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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