Un tueur en série portant un masque de Freddy Krueger terrorise la ville de Virginia Beach.
Avis de John Roch :
S’il y a bien deux noms qui réveillent en moi la soudaine envie de me lancer à corps perdu et nu dans les tréfonds du nanar, c’est bien Claudio Fragasso et Bruno Mattei. Que ce soit en duo ou chacun dans son coin, quand bien même le second n’est jamais loin, Fragasso et Mattei ne seront peut être jamais étudié en fac de cinéma mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils ont réussi à mettre sur orbite le septième art dans les sphères nanardesque plus d’une fois, et quelles fois ! Troll 2, Zombie 3 et 4, Virus Cannibale, Robowar, Les Rats de Manhattan, Strike Commando, Monster Dog… Et pourtant il reste des titres à découvrir dans les deux filmographies. Coté Bruno Mattei, si La Création qui sera son dernier film avant son décès est souvent évoqué, il est assez étrange, et dommage, que La Tombe et L’Ile Des Morts-Vivants ne soient pas plus mis en avant. Coté Fragasso, deux films ont attisé ma curiosité car sortis entre deux œuvres immanquables : Zombie 4 et Troll 2, soit le zénith de sa carrière : Au-Delà du Cauchemar, et ce Night Killer inédit dans nos contrées. Un film important pour l’histoire du cinéma mine de rien puisqu’il sonne le glas de l’association Fragasso-Mattei. Dans l’océan de nanars, de navets et de propos visant à toujours le discréditer de l’échec de ses films, quitte à parfois aller à la limite du mytho à retardement (voir le documentaire Best Worst Movie pour constater la mauvaise foi parfois assez folle du réalisateur, ou le cas Zombie 3, et même 4) qu’est la filmographie de Claudio Fragasso, Night Killer tend plutôt à lui donner raison. Enfin ça, c’est tant que lui, et sa femme et collaboratrice Rossella Drudi auront la parole dans les bonus des éditions physiques de leurs méfaits.
Mais après avoir vu Night Killer, j’ai bien envie de le croire ce brave Claudio. Claudio qui a tenté avec ce film de faire autre chose que d’accoutumé, à savoir un thriller psychologique, sans sang qui gicle. Ce manque de sang, la production ne l’accepte pas, et engage Bruno Mattei pour tourner dans le dos de Fragasso des scènes additionnelles qui remplissent le quota. Le produit fini sera distribué en Italie sous le nom Non Aprite Quella Porta 3, soit Massacre à La Tronçonneuse 3 la même année que la sortie du film de Jeff Burr sur les écrans, qui sera lui baptisé Aprite Quella Porta – Parte 3, histoire de différencier l’original de la copie. Copie qui n’en est pas une, car rien, mais rien de rien, ne rattache d’une manière ou d’une autre ce film et la saga initiée par Tobe Hooper. Mais c’est le côté malin des Italiens ça, ils nous avaient déjà fait le coup avec Evil Dead qui est devenu La Casa là-bas, qui comptait quatre opus avant même la sortie du troisième film de la trilogie de Sam Raimi. Mais le film dans tout ça ? Et bien s’il y a bien de quoi rire par moments, je fus bien déçu du voyage qui tient plus du navet que du nanar que j’espérais, surtout venant d’un métrage que le cercle des nanardeurs Ricains appellent « une arnaque à Elm Street ». Tout un programme donc.
Je m’attendais donc à un rip-of de la saga Freddy pourtant, et c’est surprenant, Night Killer n’a rien à voir, et n’en pique rien (enfin si, mais nous verrons cela dans quelques lignes). Surprenant car si la Freddy mania qui a contaminé les États-Unis touchait à sa fin avec le pas forcément très aimé mais néanmoins excellent cinquième opus qui fera deux fois moins que le précédent au box-office (tout en faisant rentrer dans les caisses plus de trois fois sa mise tout de même), il est étonnant que Fragasso n’ait pas porté la pierre à l’édifice du sous Freddy, genre qui est devenu pendant quelques années à part entière (les Dream Demon, Panic, Pledge Night et autres Forces du Mal qui pour certains sont de très bonnes séries B). Non, comme susmentionné, ici ce qui intéresse Claudio Fragasso, c’est de faire un bon film avec une bonne histoire (un peu), de bons acteurs (en plein déclin et uniquement motivés par le chèque à encaisser), du suspens (la, je blague), du twist de folie (deux fois), sans oublier une pointe d’érotisme (Tara Buckman qui finit systématiquement à poil en tombant des hauts bien trop larges qui en dévoilent déjà beaucoup même quand elle est habillée)… enfin tout sauf les débordements de schizophrénie cinématographique dont lui et Bruno Mattei se sont fait une spécialité. Seulement d’une part, la production en aura décidé autrement et, d’autre part, toutes les cases que Fragasso voulait cocher avec Night Killer pour en faire un bon film, il les a cochées avec du Tipp-Ex.
Mais pour la seconde fois : le film dans tout ça ? Le temps de résumer le film et j’y viens. Dans Night Killer (disons dans le Fragasso cut) on suit Melanie, dont on ne sait pas grand-chose. elle vit avec sa fille qui part en vacances chez ses voisins, elle est du genre à avoir le regard vide en mangeant un sandwich. Melanie va avoir la malchance de tomber sur un maniaque qui terrorise la Floride (bien que le film ait été tourné en Virginie en plein hiver, coté décors urbains on est donc tout sauf raccord, ça commence fort). Après 24h de viols et de torture, le voisin de Melanie finit par la libérer mais cette dernière développe non seulement une amnésie, ce qui est dommage puisqu’elle en oublie le visage de celui qui lui a fait passer sa nuit magique, mais aussi de grosses tendances à vouloir se foutre en l’air. Pas de chance pour elle, c’est justement lorsqu’elle tente de mettre fin à ses jours qu’elle est sauvée par un autre psychopathe violeur et tueur qui lui propose un genre de deal : si elle se soumet à ses jeux pervers, il la laissera se suicider. Jeux pervers qui bizarrement ressemblent à ceux que le précédent détraqué lui a fait subir. Résumer Night Killer est simple tout en étant un brin compliqué du fait de l’intrusion des scènes tournées par Mattei qui s’accordent tant bien que mal à ce que Fragasso avait mis en boite à l’origine. Rien de bien fou à comprendre, mais il y a un côté film « 2 en 1 » qui fait que le métrage est parfois incompréhensible tant le montage est par instants une épreuve, mais une fois le générique de fin terminé, tous les morceaux se recollent, un peu n’importe comment certes mais ça colle.
Si le pitch de base n’est pas inintéressant, et se trouve même l’espace de deux scènes prenant dans la relation entre la victime et son bourreau, du moins sur le papier, le ridicule n’est jamais loin dans Night Killer. Ce qui amène un petit lot de scènes par moments surréalistes tel que cette scène impayable où le maniaque déclare son amour pour le KFC, ou un double twist : le premier lève les zones d’ombre autour de l’intrigue, et ça vaut le coup, le second n’a absolument aucun sens mais pourquoi pas, il faut bien assurer une fin ouverte, aussi débile soit elle, pour laisser le champ libre à une éventuelle suite. Des situations invraisemblables encore plus décrédibilisées par des acteurs qui, soit en fond de trop, soit pas assez, voire rien du tout. Mais il ne s’agit là que de la partie tournée par Fragasso, pas si nanarde que ça et parfois gonflante. Tout le contraire des scènes tournées à l’arrache par Bruno Mattei qui font du métrage un genre de slasher qui s’incorpore mal au reste. C’est ainsi que, aléatoirement, notre maniaque qui porte un masque de Freddy Krueger acheté au hard discount du coin, fausses griffes ringardes comprises, frappe afin de délivrer le quota de gore. Quand je dis à l’arrache, ce n’est pas par affirmation, mais cela se ressent tellement que le contraire serait étonnant. Qui d’autre que Bruno Mattei pourrait laisser tant de tares transparaitre ? Et il y a de quoi faire. Bruno est le seul capable de filmer un plan gore et de le réutiliser à chaque meurtre. Il est aussi le seul à insérer un gros plan d’une gorge qui se fait bien taillader en gros plan alors que dans la scène qui suit, ladite gorge va très bien en plan large. Il est également le seul à garder un plan absolument honteux où les Griffes de la Nuit discount prouvent leur fabrication 100% plastique. Bruno est aussi le seul à engager des actrices incapables de jouer la terreur au point de chuchoter leurs agonies tant elles sont mauvaises, quand il ne laisse pas tourner la caméra en laissant une interprète tenter de rattraper sa prise dans un genre d’impro qui oscille entre le génie et la gêne. De quoi fracasser le métrage encore plus que de raison. L’intervention de Bruno Mattei met au moins un peu de beure dans les épinards, car ce n’est pas avec ce que Claudio Fragasso avait en tête au départ que Night Killer allait être un bon film, ou un nanar. En résulte un film qui ne remplit pas entièrement son quota. A la frontière du nanar et du navet, Night Killer devrait ravir les amateurs de nanars curieux et affamés de péloches inédites. Quant aux autres, comme toujours, fuyez loin, vous ne loupez rien.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Parfois c’est rigolo ♥ Les scènes tournées par Bruno Mattei : de l’art ♥ Les boobs de Tara Buckman ♥ Le Freddy discount, il fallait l’oser ♥ L’espace de quelques minutes il est possible de se plonger dans l’intrigue avec un minimum de sérieux |
⊗ Des acteurs à la rue ⊗ Des reshoots et un montage qui font parfois mal au cerveau ⊗ Un récit d’une incohérence complète ⊗ Le Freddy discount, il fallait vraiment l’oser ⊗ Le double twist aussi débile qu’improbable ⊗ Dans sa globalité, on est plus proche du navet complet que du nanar pur jus ⊗ C’est parfois un peu chiant |
Note : |
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A la frontière entre le nanar et le navet, parfois chiant mais traversé de quelques fulgurances qui raviront les amateurs de mauvais films sympathiques, Night Killer est à réserver aux nanardeurs en manque d’inédits. Ces derniers y trouveront leur compte dans les scènes tournées par Bruno Mattei, mais aussi dans certaines orchestrées par un Claudio Fragasso qui a ici voulu faire le meilleur film possible, en faisant le contraire. |
Titre : Night Killer / Aprite Quella Porta – Parte 3
Année : 1990
Durée : 1h30
Origine : USA
Genre : Freddy Mattei
Réalisateur : Claudio Fragasso (et Bruno Mattei)
Scénario : Claudio Fragasso (et Rossella Drudi)
Acteurs : Peter Hooten, Tara Bruckman, Richard Forster, Mel Davis, Lee Lively, Tova Sardot, Gaby Ford, Claudio Fragasso, Bruno Mattei