[Film] Neomanila, de Mikhail Red (2017)


Dans les bidonvilles de Manille, une tueuse de dealers prend sous son aile un jeune orphelin livré à lui-même.


Avis de NasserJones :
Neomanila est un polar philippin très noir et très dur s’inscrivant dans la lignée de films tels que Metro Manila, On the job ou Alpha the Right to Kill. Comme les trois autres films cités, il puise sa force dans la description très réaliste de la réalité sociale et politique du pays, un pays gangrené par la pauvreté, la drogue et la corruption depuis des décennies. Une situation chaotique qui a inspirée toute une génération de réalisateurs militants dès les années 70, emmenée par le parrain de cette vague néoréaliste made in Philippines, Lino Brocka. Après son décès dans les années 90, un certain Brillante Mendonza (grand habitué du festival de Cannes) pris la relève dès le début des années 2000 et, depuis quelques années, une troisième génération est en train d’émerger avec des gens comme Erik Matti ou Mikhail Red.

Comme ses illustres prédécesseurs, Mikhail Red pratique un cinéma ouvertement politique et engagé mais il sait aussi varier les plaisirs et alterner avec des films d’horreur ou même des films de zombie. Neomanila prend pour toile de fond la guerre de la drogue qui sévit aux Philippines depuis 2016, une situation complètement folle où on voit des milices et des policiers abattre des dealers au milieu de la rue et qui aurait fait près de 6000 morts en 5 ans. L’héroïne du film, interprétée par l’excellente Eula Valdez, fait donc partie de ces milices meurtrières, tuant sans pitié des adolescents ciblés par ses employeurs (des policiers) avec la froideur d’un terminator. Neomanila possède ce style très réaliste, quasi documentaire qu’affectionne particulièrement Brillante Mendonza mais il est aussi très esthétique. Mikhail Red n’hésite pas à utiliser une multitude de filtres violets ou roses, à utiliser des néons, soigner ses cadrages et à travailler l’ambiance de son film à la manière d’un Denis Villeneuve dans Sicario. Son film est visuellement très réussi et sa violence sèche dépourvue de toute fioriture fait froid dans le dos.

C’est au point de vue de ses personnages que Mikhail Red se loupe un peu. Ils sont très peu développés, voir bâclés. En effet, on aurait aimé comprendre comment une femme apparemment banale se transforme en tueuse sans remord, comprendre son acheminement psychologique. Certes l’argent semble être une de ses principales motivations, on apprendra en toute fin de métrage un élément important de sa vie, mais l’aspect psychologique de cette tueuse amatrice ne sera jamais approfondi. Pareil pour le jeune héros dont le destin nous laissera dans la plus profonde indifférence. Red se contente de filmer ses acteurs avec distance et froideur ne laissant place qu’à très peu d’émotions. Si bien que quand le clap de fin a sonné, et bien j’étais de marbre devant mon téléviseur. J’aurais aimé vibrer pour ce jeune héros et sa grande sœur/mère de substitution mais le réalisateur en a tout simplement décidé autrement puisque cette froideur semble tout à fait volontaire.

LES PLUS LES MOINS
♥ Une réalisation très soignée, avec une superbe photo et ambiance nocturne
♥ Un sujet terrifiant qui nous laisse bouche bée
⊗ Les personnages très peu développés
⊗ Un manque cruel d’émotion
Neomanila est donc un film stylé et intéressant, qui confirme tout le bien que je pense de Mikhail Red depuis que j’ai vu l’excellent Birdshot. Néanmoins, il manque cruellement d’émotion.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Selon le réalisateur, il aurait eu l’idée de Neomanila après avoir regardé une interview réalisée par la BBC, devenue virale, d’un couple marié qui travaillait tous deux comme tueurs à gages la nuit. Il a ajouté que ses recherches consistaient principalement à se rendre dans les commissariats du district de police de Manille et à enregistrer les événements violents tard dans la nuit.

• Lors d’une interview, Mikhail Red a insisté sur le fait que Neomanila était dépourvu de toute déclaration politique, et que la question de savoir si les décisions des personnages sont  » morales  » doit être laissée à l’appréciation du public.



Titre : Neomanila
Année : 2017
Durée : 1h41
Origine : Philippines
Genre : Polar
Réalisateur : Mikhail Red
Scénario : Mikhail Red, Rae Red, Zig Dulay

Acteurs : Timothy Castillo, Jess Mendoza, Eula Valdez, Rocky Salumbides, Ross Pesigan, Angeline Andoy, Angeli Bayani, Ron Villas, Raul Morit, Shandii Bacolod

 Neomanila (2017) on IMDb


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Auteur : Nasserjones

Fan névrosé de cinéma HK, élevé aux girls with guns et heroic bloodsheed, j'essaye depuis quelques années de me soigner comme je peux en m'ouvrant un peu plus à des films plus intimistes et différents. Des Philippines au Kazakhstan, de la Corée à l'Indonésie, je poursuis tant bien que mal mon auto-thérapie.
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