[Film] Magic Crystal, de Wong Jing (1986)

Andy, un jeune casse-cou expert en kung fu, part aider un ami archéologue en Grèce. Ils deviennent la cible de Karov, un chef d’agents du KGB et redoutable combattant martial, à cause d’une pierre de jade d’origine extraterrestre et pourvue de nombreux pouvoirs. Cyndi, une agent d’Interpol également experte en kung fu va leur prêter main forte.


Avis de John Roch :
Si Wong Jing n’était pas le prolifique réalisateur, producteur et scénariste que l’on connaît, il aurait sûrement été chef cuistot, spécialisé dans les plats revisités, ce que sont ni plus ni moins ses films. Car la méthode Wong Jing, c’est de prendre une base, ou plutôt une vague ou une mode sur laquelle surfer, y ajouter des ingrédients de son cru et faire déguster sa tambouille. Un exemple de recette du chef Jing : prenez une cuillerée de E.T, une pincée de Indiana Jones (l’un de ses ingrédients favoris en cette année 1986, puisqu’en parallèle il produira et scénarisera The Seventh Curse du grand Lam Nai- Choi), un soupçon d’espionnage, une bonne dose de comédie et une grosse louche de Kung-Fu. Mettez le tout dans un robot cuiseur qui se charge de mélanger le tout dans une intrigue qui part dans tous les sens, et vous obtenez Magic Crystal, un métrage fun, divertissant, qui se regarde avec un sourire idiot sur le visage et qui rappelle à quel point la folie du cinéma de Hong Kong manque terriblement aujourd’hui. Agent spécial d’une branche officieuse de la police, Andy reçoit un appel d’un vieil ami qui lui demande de le rejoindre en Grèce car il a trouvé quelque chose. Ça tombe bien, c’est la destination de ses vacances, ainsi que de celles de Pin-Pin, son neveu, et de son collègue et ami Pancho. Sur place, Andy découvre que son collègue est pourchassé par le KGB, qui en a après le contenu de sa valise, qui eux sont pourchassés par Cindy et son collègue, tous les deux d’Interpol.

De retour à Hong Kong, Pin-Pin ramène le contenu de la valise tant convoitée : un gros morceau de Jade avec des pattes et doué de parole qui est en réalité un mélange de programme informatique capable d’influer sur les ondes cérébrales des humains et d’animaux de compagnie d’un extra terrestre qui va lier un lien télépathique avec le garçon, que recherche Karov, le méchant Russe de service parce que oui, Wong Jing pour sa recette a piqué un ingrédient à son correspondant Américain : le méchant Ruskoff tout droit sorti du cinéma d’action US Reaganien, très à la mode à cette époque. A la différence qu’ici c’est un rouge certes, mais raffiné et très à la page sur la culture asiatique, il parle même 12 dialectes Chinois et connaît les différentes boxes du pays. Tout ceci n’est que le point de départ d’une intrigue qui va à 100 à l’heure, par moments incompréhensible, où s’enchaînent l’introduction de personnages qui apparaissent et disparaissent, qui forment chacun à leur manière des petits groupes qui se rencontrent avant de s’éloigner pour mieux se rencontrer par la suite, où les incohérences et les facilités scénaristiques se bousculent, tout comme des situations où se retrouvent les protagonistes qui sortent de nulle part (Andy en taule, dans les grandes lignes j’ai compris, mais, ça m’échappe encore). Reste que tout aussi bancale soit l’histoire, qu’elle devienne de plus en plus improbable au fur et à mesure qu’elle progresse au même titre que les effets spéciaux kitchs qui habitent les dernières minutes, elle s’avère incroyablement rythmée et suffisamment drôle et riche en baston pour remporter l’adhésion. Sur ces deux points, Magic Crystal réussit son pari. L’humour n’est pas trop lourd, ainsi les farces du E.T de jade, le sidekick qu’est Pancho (Wong Jing himself) donnent le sourire. Quelques répliques font mouche et un gag qui s’étale sur plusieurs minutes renvoie aux pitrerie de Richard Ng dans les premiers Lucky Stars (encore un ingrédient détecté dans la recette de chef Jing).

Mais le plus drôle, c’est la VF de Magic Crystal, qui s’éloigne de sa version originale et est par moment le contraire de ce qui est prononcé, vire parfois au hors sujet total, quand ce n’est pas des éléments de l’histoire qui sont modifiés. On passe ainsi de preuves compromettantes volées par la pègre à des codes nucléaires interceptés par des soviétiques, d’une explication sur une arme faite en alliage qui résiste à toutes formes de magnétisme à une autre sur la pratique de ces armes pendant l’adolescence de l’intéressé, et quand en VO on dit « sois prudente », en VF on entend « on fonce dans le tas », « les griffes de l’aigle » se transforme en « sexy »… Du grand art, qui peut pousser les plus fous à revoir le film en version française sous titrée pour se poiler un bon coup, et ça marche. Mais Magic Crystal est un film qui mérite une vision ne serait-ce que pour ses bastons nombreuses et démentielles. À la chorégraphie, on retrouve Tony Leung Siu-Hung, qui va faire combattre absolument tous les personnages présents dans le film, artistes martiaux ou non. Grace à une mise en scène et un montage dynamiques, il réussit non seulement à insuffler une énergie folle aux combats, mais également de rendre crédible ceux qui ne sont pas des pratiquants martiaux, même si on repère ici et là quelques cascadeurs assez mal camouflés (l’asiatique à la perruque et la fausse barbe mal collée qui double Richard Norton, assez rigolo quand on a repéré le truc). Vu le genre de film qu’est Magic Crystal, on aurait pu s’attendre à de la comédie Kung-Fu, et c’est une surprise à ce niveau puisque, à quelques détails près, les combats sont tournés avec sérieux et aux nombreux enchaînements pieds-poings on retrouve des styles de combats traditionnels Chinois et des démonstrations d’armes qui en jettent : lance, sabre, tonfa et même de Saï par un Richard Norton, qui n’oublie pas de sortir sa réplique fétiche (“painful ?”, deux fois !), du plus bel effet. Des bastons surprenantes, typiques de ce que Hong Kong avait pour habitude de balancer sur les écrans, auxquelles on ne s’attend pas en lançant Magic Crystal, un film bancal certes mais sympathique, divertissant, fun, et pas aussi kitsch que ça au final, que demander de plus ?

LES PLUS LES MOINS
♥ Les bastons, nombreuses et de qualité
♥ Un rythme de folie
♥ La magie du cinéma HK des années 80 qui opère
♥ Un humour qui fonctionne
♥ Un film généreux, divertissant et fun
♥ Pour les plus masos, la VF
⊗ Des incohérences et des facilités scénaristique de partout
⊗ Un scénario qui mélange un peu tout et n’ importe quoi
⊗ Quelques effets spéciaux kitschs dans les dernières minutes
Bien que taxé d’œuvre kitch, la magie du cinéma de Hong Kong des années 80 opère et Magic Crystal en devient un film certes bancal, mais attachant, fun, divertissant, rempli de bastons folles et nombreuses pour lesquelles le métrage de Wong Jing mérite le détour.

Magic Crystal est sorti chez Spectrum Films en combo DVD/Blu-ray au prix de 25€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Présentation de Arnaud Lanuque, Interview de Cynthia Rothrock, Interview de Richard Norton, VF d’époque et jaquette réversible.



Titre : Magic Crystal / Mo fei cui
Année : 1986
Durée : 1h35
Origine : Hong Kong
Genre : E.T phone Wong
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing

Acteurs : Andy Lau, Cynthia Rothrock, Richard Norton, Nat Chan, Bin Bin, Wong Jing, Max Mok, Sharla Cheung Man, Phillip Ko Fei, Sek Kin, Shum Wai, Chung Fat, Hung San-Nam

 Magic crystal (1986) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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