Quatre tortues entraînées aux arts martiaux combattent des criminels qui sèment la terreur dans New York.
Avis de John Roch :
Dès le premier coup de crayon qui allait donner naissance aux chevaliers d’écailles et de vinyle, Kevin Eastman et Peter Laird étaient loin de se douter que les tortues ninjas allaient devenir aussi phénoménales. Au départ, simple pastiche des comics book en un tome, le succès surprise de l’unique volume transforme l’œuvre en une série de comics. La tortue (torture pour les adultes de l’époque) mania arrive à la fin des années 80 : une gamme de figurines est lancée, mais pour sonder le possible succès sur un panel plus large de la population, la société Playmates Toys commande un dessin animé. La suite, on la connaît, cette série fait l’effet d’ un raz-de-marée, et les produits marketing affluent : figurines, jeux vidéo (dont l’ adaptation sur NES, qui en aura traumatisé plus d’un), vaisselle, fringues, sac à dos en forme de carapace… Toutes les formes possibles et imaginables des objets du quotidien sont adaptés à la sauce tortue. Si vous vouliez être In dans la cour de récré à la fin des années 80, début 90, il vous fallait au moins un accessoire qui ramenait aux quatre tortues d’enfer dans la ville.
À ce stade, un long métrage est inévitable. A la production, on retrouve la New Line Cinema, de plus en plus puissante à Hollywood grâce à sa star maison Freddy Krueger, mais surtout la mythique Golden Harvest. Son dirigeant historique, Raymond Chow tentait à cette époque une approche de l’occident en coproduisant et en tentant d’imposer des stars maison telles que Jackie Chan et Michael Hui (spoiler alert : échec, bien que Jackie Chan deviendra une star mondiale par la suite avec Rush Hour). À la réalisation, on retrouve Steve Barron, rentré dans la légende pour avoir réalisé le meilleur clip des années 80 : Take on Me du groupe a-ha. Le film envahit les écrans en mars 1990 pour les USA, puis pendant les fêtes de fin d’année en Europe. Sans surprise c’est un carton, et Les Tortues Ninja restera le plus grand succès du cinéma indépendant jusqu’à la sortie du Projet Blair witch.
L’histoire, on la connaît par cœur : Leonardo, Raphaël, Michelangelo et Donatello sont 4 tortues mutantes, découvertes par Splinter, qui est leur maître, leur chef, leur professeur. C’est l’ennemi fatal du sinistre Shredder, responsable de la mort du maître du rat mutant. Celui-ci prend peu à peu le pouvoir sur New York en recrutant des jeunes paumés et les intègre au clan des foot, des voleurs ninja. La vie des tortues va basculer le jour où ils sauvent April O’ Neil, une journaliste à la langue un peu trop pendue, qui va indirectement mener le clan des foot à la planque des bouffeurs de pizza. Leur maître disparaît, et pour venger Splinter, ils sortent les katanas, accompagnés de April et de Casey Jones, sorte de sportif vigilante.
On imaginait une adaptation du dessin animé, c’est pourtant bel et bien une adaptation du comic book que propose ce premier volet, qui corrige au passage quelques libertés prises par la série : Splinter est bel et bien un rat qui a appris les arts martiaux auprès de son maître Yoshi, et non pas ce dernier qui se transforme en rat au contact d’un produit radioactif. Le clan des foot, des robots dans le dessin animé (il fallait bien que les tortues se servent de leurs armes sans choquer la ménagère), sont ici de nouveau des humains. Autre élément repris du comics, la rivalité entre Leonardo et Raphaël sur le leadership de la fratrie, un élément essentiel au développement des personnages, qui n’est pas aussi exploité qu’il devrait l’être. Il est également dommage que Donatello, sensé être l’intellectuel de la bande, soit relayé au rang de sidekick comique, ce qui ne le détache pas de Michelangelo ; heureusement, il y a les bandeaux de couleur, car sinon rien ne les diffère. Shredder est également trop en retrait, trop peu présent, le personnage ne brille que lors du final. En dehors de celui-ci, ses apparitions sont si anodines qu’il n’ apparaît jamais comme une menace. En dehors de la rivalité entre les deux frères, d’autres thèmes sont abordés tel que l’absence de la figure paternelle ou la peur de la perte de celui-ci. Mais là encore, bien que leur présence soit à saluer et que certains moments sont vraiment touchants, ce n’est jamais réellement exploité. Coté effets spéciaux, c’est au Jim Henson Creature Shop qu’est revenue la tache de donner vie aux tortues ninja, des hommes en costumes coiffés de têtes animatroniques blindées de nouvelles technologies qui permettent d’êtres animées à distance. Du bon boulot, que ce soit du coté technique et du coté des cascadeurs qui réussissent des mouvements incroyables quand on sait que les costumes pesaient un poids non négligeable.
Produit calibré pour une jeune audience oblige, Les Tortues Ninja ne reprend pas la violence du matériau de base. En revanche, niveau dialogue, c’est la foire aux jurons. Du moins dans sa version française, qui contient des répliques savoureuses (le mythique “salut pédé, j’ai du boulot !”) que l’on entendra plus jamais dans une production de ce genre. Il est amusant de noter que pour la sortie du film en dvd en France, la VF avait disparu au profit de la version québecoise, expurgée de nom d’oiseaux, VF qui est revenue pour sa sortie en bluray, ouf. Des dialogues orduriers qui contrastent avec les scènes d’action, car si elles demeurent impressionnantes pour l’époque avec des tortues agiles, acrobates, combatives et de plus montrées sous tout les angles, quand il s’ agit de s’ amuser, finie la terreur on est là pour rigoler. Les bastons sont remplies d’humour, limite si chaque coup, chaque cascade ne sont pas accompagnés d’une vanne ou d’un gag. Une dédramatisation de la supposée violence des combats, qui n’aura pourtant pas suffit, car quand les frères sortent les nunchakus, c’est la panique, en particulier en Angleterre où les associations parentales ont réussi à en faire un scandale et la BBFC a ainsi coupé toutes les scènes où l’arme de prédilection de Michelangelo apparaît. Un peu sévère pour une œuvre pourtant considérée comme enfantine, mais avec un regard adulte, passée la nostalgie qui demeure intacte, on se surprend à se dire que les tortues ninja n’est pas un film si innocent que ça.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les tortues, qui tiennent encore la route aujourd’hui ♥ Les dialogues orduriers ♥ Les bastons… ♥ Des thèmes qui donnent de la maturité à l’œuvre… |
⊗ Donatello, transparent ⊗ Shredder, peu présent ⊗ … gâchées par l’humour trop présent ⊗ … mais au final peu exploités |
Les Tortues Ninja plaira non seulement aux enfants, mais également aux adultes grâce à son petit coté irrévérencieux. Profitez en bien, car la suite corrige le tir. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Les acteurs sous les costumes des tortues ont un petit rôle à visage découvert dans le film.
• Josh Pais, qui joue Raphaël, est claustrophobe. Entre chaque prise, son casque devait être enlevé le plus rapidement possible pour qu’il ne fasse pas de crise.
• Il existe un fin alternative, dans laquelle April et Dan, accompagnés des dessins que l’on voit dans le film, soumettent l’idée des tortues ninja a un producteur de comic book, celui ci réplique qu’une telle idée ne marchera jamais.
Titre : Les tortues ninja / Teenage Mutant Ninja turtles
Année : 1990
Durée : 1h33
Origine : U.S.A
Genre : Cowabunga !
Réalisateur : Steve Barron
Scénario : Bobby Herbeck, Todd W. Langen
Acteurs : Judith Hoag, Elias Koteas, Josh Pais, David Forman, Brian Tochi, Leif Tiden, Corey Feldman , Michelan Sisti, Kevin Clash James Saito, Michael McConnohie