[Film] Le Dernier Voyage, de Romain Quirot (2021)


Dans un futur proche où tout n’est plus que dévastation écologique, une mystérieuse lune rouge – apparue dans le ciel quelques années plus tôt – est exploitée à outrance pour son énergie. Elle change brusquement de trajectoire et fonce droit sur la Terre. Paul W.R, le seul astronaute capable de sauver l’Humanité, disparaît à l’aube de sa mission. Il a découvert le secret de la lune rouge et la raison pour laquelle celle-ci ne doit pas être détruite… Traqué sans relâche, Paul croise la route d’Elma, une adolescente au tempérament explosif qui va l’accompagner dans sa fuite à travers une France désertique.


Avis de Cherycok :
Le Dernier Voyage m’intriguait. Il m’intriguait parce que le cinéma de genre français, et plus particulièrement la SF, ce n’est pas si souvent que ça. Bien entendu, il y a Luc Besson, son Cinquième Élément ou son Valerian. Plus récemment, on a vu passer Ares et son univers bien travaillé ou Oxygen sur Netflix, mais on ne peut pas dire que c’est vraiment prolifique. Alors oui, Le Dernier Voyage m’intriguait, surtout qu’en pleine période de COVID, c’est ce film-là qui a été mis en avant lors de la réouverture des salles en Mai 2021. Pourquoi ce film-là ? Aucune idée, parce qu’avec son petit budget, son absence de grosse tête d’affiche (Jean Reno n’a qu’un tout petit rôle), son tout petit budget de 3M€ pour un film de SF, et le fait justement que ce soit un film de SF français (ce qui sur le papier peut faire fuir bon nombre de gens), ce n’était pas gagné. Pas ou peu de surprise, le film s’est planté au box-office. Certes, le COVID a aidé, mais il n’a sans doute pas donné au spectateur ce qu’il attendait. Pourtant, Le Dernier Voyage a bien des atouts, pas tous très bien exploités, mais il n’est pas la catastrophe que certains disent.

Le Dernier Voyage de Romain Quirot est l’adaptation de son propre court métrage sorti en 2015, Le Dernier Voyage de l’Énigmatique Paul W.R. qui a connu une belle carrière dans les festivals puisqu’il est auréolé de nombreux prix et est même présélectionné aux oscars. Cinq ans après, il adapte donc son court en long sous le titre Le Dernier Voyage. Romain Quirot avait envie de proposer quelque chose de différent dans le paysage cinématographique français, et pour cela, il va s’appuyer sur de nombreuses références ainsi que sur des acteurs de la nouvelle vague, pas encore très connus du public, afin de rendre l’ensemble le plus crédible possible. L’histoire est on ne peut plus simple. Dans le futur, une lune rouge s’est rapprochée de la Terre et l’homme a commencé à exploiter ses ressources car la Terre était à bout de course à ce niveau-là. Mais soudain, elle relance sa course et se met à dangereusement se rapprocher de la Terre au point que les scientifiques estiment que dans sept jours, les deux astres entreront en collision et ça sera la fin de l’humanité. Un homme et un seul pourrait éviter cela, l’astronaute Paul W.R. Sauf que ce dernier demeure introuvable. Il a pris la fuite, car une petite voix dans sa tête le persuade qu’il ne faut pas toucher à cette lune rouge et il est persuadé qu’il a raison. Alors que les autorités sont à ses trousses, il va faire équipe avec la jeune Elma afin de trouver une forêt qu’il avait dessinée petit sur un bout de papier, seul réel souvenir matériel de son enfance. Le premier problème du Dernier Voyage, c’est sa bande annonce qui a dû tromper pas mal de monde en mettant en avant l’action du film. Le Dernier Voyage n’est pas un film d’action. Le Dernier Voyage est plus une sorte de road trip initiatique et poétique, une quête de la vérité, un drame sur fond de SF avec un peu d’action. Le Dernier Voyage est, comme le dit son réalisateur, une fable d’anticipation, une fable écologique. Romain Quirot était conscient de ne pas avoir le budget pour proposer un spectacle à l’américaine et il tente donc autre chose. Il semble que cela n’a pas plu au public qui, rien qu’avec les références visibles dans la bande annonce, s’attendait peut-être/sans doute, à un mix entre Le Cinquième Élément (la voiture qui ressemble au Taxi de Korben Dallas, le héros décoloré en blond) et Mad Max Fury Road (les étendues désertiques, le nuage de poussière rouge).

Ce ne sont d’ailleurs pas les seules références du film, et le réalisateur ne s’en cache d’ailleurs pas en interview où il cite entre autres Blade Runner. Mais nous pourrions aussi citer Métal Hurlant, District 9, Star Wars, Sunshine, ou The Last of Us et Cyberpunk 2097 du côté des jeux vidéo. Ces références, Romain Quirot les assemble pour créer un univers SF post-apo plutôt bien retranscrit. On pourra penser ce qu’on veut de son film, il est visuellement une réussite. Son univers a une vraie identité visuelle, une vraie personnalité, avec une photographie superbe (beaucoup de couleurs chaudes) et des cadrages qui pourraient sans souci faire office de tableaux. Romain Quirot a su s’entourer d’une jolie brochette d’acteurs dont on voit bien qu’ils croient au projet et s’y investissent. La jeune Lya Oussadit-Lessert (Mon bébé, Pacte Sacré) s’en sort bien dans son personnage plein d’énergie, qui représente l’espoir ; Hugo Becker (les séries Baron Noir et Au Service de la France), bien que plus passe-partout, donne tout ce qu’il a pour rendre son rôle crédible ; Paul Hamy (L’autre Continent, Furie) est un peu too much mais a une vraie gueule de cinéma. Même Jean Reno ne s’en sort pas trop mal en restant sobre, et sortant de ses mimiques habituelles. Le Dernier Voyage est un film plutôt intéressant, qui a des idées, de l’ambition, mais qui se révèle maladroit sur bien des points. Le film tourne un peu en rond dans sa deuxième partie, alors que la première était plutôt punchy. Il s’attarde parfois sur des scènes où il n’y avait pas besoin et, à contrario, va trop vite par moments, avec cette impression de saut dans le temps entre deux scènes. L’histoire est assez simple, avec en contexte sous-jacent l’écologie (la métaphore avec la lune rouge), posant la question de savoir si l’homme doit agir ou s’il faut laisser faire la nature, mais devient rapidement un peu confuse à cause de l’abus de flashback qui nuisent pas mal au film. D’autant plus que les dialogues sont parfois assez mauvais et ne mettent pas toujours en valeur le jeu des acteurs qui lui est plutôt bon. Au niveau de la bande son, le travail est par contre à saluer. Romain Quirot va sans cesse jouer avec le décalage entre les images et la musique n’hésitant par exemple pas à coller du Eddy Mitchell sur une scène de combat. Le résultat est déroutant au début, mais pourtant ô combien intéressant lorsqu’on prend le film dans son ensemble. En fait, il y a du bon et du moins bon dans Le Dernier Voyage. Il est néanmoins important de rappeler qu’il s’agit d’un premier film et que, en plus, le budget n’était pas très conséquent. Mais on sent une réelle envie de proposer autre chose en France, qui plait ou pas. Il faudrait que le cinéma français continue dans ce sens à essayer des choses. En tout cas, Romain Quirot est un réalisateur à suivre.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un visuel très réussi
♥ Le bon casting
♥ Rythme lent mais hypnotisant
⊗ Des dialogues mal écrits
⊗ Des idées mal exploitées
Réussi sur de nombreux points, très bancal sur plusieurs autres, Le Dernier Voyage est une proposition intéressante, à la beauté plastique indéniable, dans le paysage cinématographique français mais qui n’a malheureusement pas réussi à trouver son public à sa sortie.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Romain Quirot a mis presque cinq ans à écrire Le Dernier voyage et trouver les bonnes personnes pour l’accompagner. Entre temps, il a mis en scène le documentaire Sans réseau et a écrit la saga « Gary Cook », en collaboration avec le scénariste Antoine Jaunin, publiée chez Nathan. Finalement, grâce à la productrice Fannie Pailloux et à David Danesi (de la firme d’effets spéciaux Digital District), Romain Quirot a réussi à monter le film.

• Les effets spéciaux ont été conçus par Digital District qui est entré en coproduction avec Apaches. Il y avait énormément de choses à créer : la Lune Rouge, les voitures volantes, une gigantesque tempête de poussière ou encore les paysages apocalyptiques. Romain Quirot tenait à s’appuyer sur un maximum d’éléments réels. « Qu’il s’agisse d’une carcasse d’avion au milieu de la route, d’un immense mur qui scinde la France en deux (et protège à la fois des tempêtes et des réfugiés climatiques) ou des vestiges de la tour Eiffel, effondrée dans le désert », ajoute-t-il.

• Le tournage a lieu à Paris et au Maroc, notamment à Ouarzazate et Casablanca. Romain Quirot explique avoir cherché avec son équipe de véritables lieux existants et dans un style art déco : « Une bonne partie de la base spatiale est en fait un centre sportif des années 30 ; l’intérieur de la navette, lui, a été construit dans une grange au bord de la ville… Ensuite, on est parti dans le désert de Ouarzazate. On a tourné dans un vieux décor de station-service (vestige d’un film américain), ou dans une usine perdue au milieu de nulle part, qui nous a servi de base pour le camp de réfugiés. »



Titre : Le Dernier Voyage
Année : 2021
Durée : 1h24
Origine : France
Genre : Héros ou Zéro ?
Réalisateur : Romain Quirot
Scénario : Romain Quirot

Acteurs : Hugo Becker, Lya Oussadit-Lessert, Paul Hamy, Jean Reno, Philippe Katherine, Bruno Lochet, Emilie Gavois-Kahn, Jean-Luc Couchard, Darius Garrivier

 Le dernier voyage de Paul W.R (2020) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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