[Film] Last Night in Soho, de Edgar Wright (2021)


Une jeune fille, passionnée par la mode, parvient mystérieusement à voyager dans les années 1960 où elle rencontre son idole, une éblouissante chanteuse en devenir. Mais le Londres des années 1960 n’est pas ce qu’il paraît, et le temps semble se désagréger avec d’obscures conséquences.


Avis de Cherycok :
Edgar Wright fait partie de ces réalisateurs que je considère n’avoir aucun déchet dans sa filmographie. De ses débuts avec la série Les Allumés (1999-2001) et Shaun of the Dead (2004), à plus récemment Baby Driver (2017), en passant par Scott Pilgrim (2010), il n’y a que du bon, avec à chaque film une mise en scène impeccable et un réalisateur qui se renouvelle et expérimente. Il me manquait à voir sa dernière bobine en date, Last Night in Soho, dont j’avais retardé le visionnage pour cause d’avis mitigé de la part de certain, parce qu’il était bien plus sérieux qu’à l’accoutumé puisque lorgnant du côté de l’horreur psychologique couplé à un film de fantômes. Bref, il manquait à l’appel jusqu’à aujourd’hui, deux ans après tout le monde, où il fallait bien que je rattrape le retard. D’autant plus que, entretemps, étaient venus s’accumuler pas moins de 24 Prix dans les divers Festivals par lequel le film est passé, que des personnalités telles que le cinéaste George Miller (Mad Max Fury Road) ou encore l’auteur Stephen King (Misery, Shining) ont avoué avoir été bluffés par Edgar Wright. Je n’avais plus aucune excuse pour voir Last Night in Soho.

La première chose qui saute aux yeux, c’est la photographie du film absolument sublime. Edgar Wright rend avec Last night in Soho un hommage appuyé aux giallos. Filtres rouges, jaunes, bleus, c’est visuellement un plaisir pour les yeux, avec cet éclairage au néon quasiment omniprésent et qui sans cesse fait changer l’ambiance du film. Quand on lui parle de ses inspirations, le réalisateur cite des films tels que Inferno (1980), Suspiria (1977) et il est très facile de voir à quel niveau. Wright a choisi de faire appel à Chung Chung-Hoon, directeur photo de Old Boy, Lady Vengeance ou encore Mademoiselle, il aurait été étonnant de ne pas avoir un travail ultra léché à ce niveau-là. La mise en scène d’Edgar Wright est assez hallucinante et fait un sans-faute de la première à la dernière seconde. Chacun de ses films peut se targuer d’avoir une excellente mise en scène, mais là il est encore un cran au-dessus. Le réalisateur joue avec des effets qui, en temps normal, auraient pu paraître clipesque, mais qui ici sont complètement dans le propos. Le résultat est parfois assez hallucinant au point qu’on se demande comment cela a été possible de mettre certaines scènes en images (la scène de danse). Tout est calculé au millimètre, rien ne dépasse du cadre, rien n’est superflu. Les ambiances cauchemardesques sont très bien retranscrites et donnent au film un côté parfois claustrophobique, tout comme le côté glamour des années 60 qui rend extrêmement bien à l’écran. Wright a déclaré être fan de cette période et on peut s’en rendre clairement compte avec ce film qui rend hommage à cette décennie. Une fois de plus, il est un maitre des transitions, et Last Night in Soho passe du présent au passé (et inversement) avec une facilité déconcertante, parfois ludique, souvent ingénieuse. Le scénario, bien que paraissant alambiqué avec ces allers et retour passé / présent, est au final très simple, très habilement construit, permettant à Wright de s’interesser à tout ce qui va graviter autour, en particulier les personnages très réussis. Oui, il y aurait peut-être à redire sur l’intérêt amoureux de l’héroïne, ou certains personnages secondaires, sans doute pas assez approfondis ou pas assez utilisés. Mais au final, y’en avait-il vraiment besoin ?

La première partie du film nous scotche à l’écran, avec ce scénario qui se met en place et qui interroge le spectateur sur la direction que va prendre le film. Tout est fluide, extrêmement compréhensible sans forcément que le film nous explique les choses. Il suffit parfois d’un plan, d’un cadrage, d’un regard, plutôt que de longues palabres, pour que le film nous parle. La deuxième partie est un peu en deçà. Elle est toujours superbement mise en scène, toujours aussi folle dans les idées qui fourmillent de partout, mais elle devient plus classique lorsqu’elle embrasse le film de fantômes. Pourtant, elle ne démérite pas pour autant car en faisant se rejoindre les rêves et la réalité, cela permet au réalisateur d’à nouveau expérimenter, d’à nouveau amener des idées nouvelles de mise en scène. Alors oui, c’est bien plus prévisible ici et il ne faut pas être un expert en cinéma pour voir au final qui est qui et comment cela va se terminer, mais pourtant on continue d’être happé par cette histoire. D’autant plus que la bande son est assez folle. On connait l’importance de la musique pour Wright, de Shaun of the Dead et la scène des vinyles à Baby Driver où les images sont entièrement calquées sur la bande son. Le travail est dans Last Night in Soho une fois de plus excellent, très ancré dans les 60’s étant donné que c’est une des thématiques du film. Nous finirons par le casting, plus particulièrement le duo principal. Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la Dame, le futur Furiosa) est comme à son habitude parfaite, mais elle n’est pas ici la vedette puisque c’est la toute jeune Tomasin McKenzie (Jojo Rabbit, Lost Girls) qui tient le premier rôle et qui est très convaincante dans un rôle clairement pas facile du tout, l’obligeant à faire ressortir toutes les émotions humaines les plus compliquées (la peur, le doute, la terreur, la colère, …), et elle s’en sort à la perfection. Leur duo a parfois quelque chose de mystique. On regrettera malgré tout que le film laisse quelques questions en suspens, comme par exemple comment un certain personnage a fait pour ne jamais être inquiété par la Police par exemple, ou pourquoi le personnage de Eloise a ces visons ou fait ces rêves. Mais au final, si on prend le film dans son ensemble, ces questionnements sont vite éclipsés par le spectacle souvent hypnotisant qui est proposé.

LES PLUS LES MOINS
♥ La photographie, superbe
♥ Le casting
♥ La mise en scène millimétrée
♥ La construction du scénario
⊗ Une deuxième partie prévisible
⊗ Des personnages secondaires pas assez exploités

Bien que Last Night in Soho ne soit pour beaucoup de monde pas le meilleur film d’Edgar Wright, il en reste néanmoins le plus abouti techniquement et le plus impressionnant visuellement. La découverte vaut clairement le détour. A quand le prochain ?

LE SAVIEZ VOUS ?
• Il s’agit du dernier rôle de Diana Rigg (Chapeau Melon et Bottes de Cuir), décédée le 10 septembre 2020. Le film est dédié à sa mémoire. Son unique enfant, l’actrice Rachael Stirling, reçoit un « Special Thanks » dans le générique de fin.

• La séquence de danse est un autre exemple de magie créée par une combinaison de technologie et d’ingéniosité. Il y a une coupe/transition rapide au début, mais le reste est réalisé en direct avec une chorégraphie précise qui permet à McKenzie et Anya Taylor-Joy (dans le rôle de Sandie) d’entrer et de sortir du cadre. Le Blu-ray présente la séquence non coupée en plan large pour que tout soit visible.



Titre : Last Night in Soho
Année : 2021
Durée : 1h56
Origine : Angleterre
Genre : British giallo
Réalisateur : Edgar Wright
Scénario : Edgar Wright, Krysty Wilson-Cairns

Acteurs : Thomasin McKenzie, Anya Taylor-Joy, Matt Smith, Diana Rigg, Terence Stamp, Rita Tushingham, Michael Ajao, Synnove Karlsen, Jessie Mei Li

Last Night in Soho (2021) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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