[Film] Insaisissables, de Louis Leterrier (2013)


« Les Quatre Cavaliers », un groupe de brillants magiciens et illusionnistes, viennent de donner deux spectacles de magie époustouflants : le premier en braquant une banque sur un autre continent, le deuxième en transférant la fortune d’un banquier véreux sur les comptes en banque du public. Deux agents spéciaux du FBI et d’Interpol sont déterminés à les arrêter avant qu’ils ne mettent à exécution leur promesse de réaliser des braquages encore plus audacieux. Ils font appel à Thaddeus, spécialiste reconnu pour expliquer les tours de magie les plus sophistiqués. Alors que la pression s’intensifie, et que le monde entier attend le spectaculaire tour final des Cavaliers, la course contre la montre commence.


Avis de Iris :
J’ai peut-être passé l’année 2013 dans une grotte ou mon cerveau avait-il jugé bon de l’oublier pour ne pas avoir à le voir, il se trouve que j’avais oublié jusqu’à l’existence de cet Insaisissable, premier du nom. Mais au détour d’une bande annonce promettant un film à la croisée entre Mission Impossible et Ocean’s Eleven avec un prisme inspiré de l’Illusionniste ou du Prestige de Nolan venant donner un nouveau souffle aux films de braquage, on s’est dit « pourquoi pas ». Le sujet a l’air sympa, le casting est prometteur, la durée est honnête, allez on se lance. Et c’est alors que l’on découvre qu’on peut tout à la fois n’avoir pas de préjugé, avoir envie de passer un bon moment, bref les meilleures intentions du monde, et se retrouver victime d’une imposture cinématographique, d’une injure à l’œil et à l’intelligence, mais dans l’indifférence totale tant le film ne nous accrochera à aucun moment. Un prodige que nous allons analyser, tel un prestidigitateur qui explique ses tours aux enfants.

Alors Insaisissable c’est donc l’histoire de 4 magiciens, illusionnistes ou autres télékinésistes qui vivent de petits tours de passe-passe pour passants crédules et qui sont contactés par quelqu’un qu’ils ne voient jamais, via des cartes type cartes de tarot leur indiquant un jour et une adresse où se rendre. Cartes au demeurant pas plus attractives que ça, voire inquiétantes façon psychopathe, mais qu’importe le traquenard que l’on renifle à des kilomètres, nos magiciens qui n’ont peur de rien vont donc s’y rendre. Et bien que l’endroit empeste le coupe-gorge aucun ne fera demi-tour et tous accepteront de faire partie d’une « troupe », sans y être contraint, sans y avoir d’intérêt, au risque de passer les prochaines 20 années de leur vie en taule…. Bref de participer à une entreprise de braquage sans en retirer quoi que ce soit… En gros le banditisme caritatif, conceptuel n’est-ce pas ? Evidemment, la petite troupe qui met quelques mois à se préparer reviendra dans d’immenses shows pourvus de moyens colossaux au cours desquels elle va braquer une banque parisienne et dépouiller un multimillionnaire peu scrupuleux. Il n’en faudra pas plus pour coller à leurs trousses rien de moins que le FBI et Interpol. Deux heures durant nous suivront donc le chassé-croisé entre les deux, entre la police la plus stupide et mal organisée du monde et les Copperfield les plus mutants de l’univers.

Parce que oui, si tant est que le thème aurait pu apporter un angle nouveau aux thèmes du braquage ou de la vengeance, tout retombe comme un soufflet au bout d’une demi-heure, temps suffisant pour que l’indifférence remplace la curiosité. En effet, la première demi-heure, avec la présentation des personnages, nous maintient un tant soit peu en haleine, le casting ne s’y distingue certes pas par son implication ou ses prouesses mais on reste curieux de voir où tout cela va mener. Hélas, cela ne mène nulle part et à l’issue de ces premières trente minutes (au cours desquelles même le plus naïf des spectateurs a réussi à comprendre toutes les ficelles et rebondissements à venir sans pour autant être touché ou passionné par des acteurs au minimum syndical de leur art et de leur jeu et une histoire capillotractée à la limite du scalp) on n’en n’a plus rien à secouer. On a lâché prise. Le cerveau passe à autre chose. Il divague. On a même commencé à se demander comment faire pour se lécher le coude…
Et c’est là que c’est prodigieux avouez ! Avec un thème comme celui-ci, on devrait être éblouis, presque hypnotisés. Parce qu’avec une utilisation pertinente des ressorts de l’illusion et de la prestidigitation, des David Copperfield de la délinquance, ça le faisait tout de même ! Sauf qu’ici ce n’est pas le cas. Parce que scénaristiquement on a fait le choix de facilités éhontées qui ne laissent de place qu’à de grossières incohérences.

Partant du principe que la magie n’existe pas, on explique les tours réalisés par de simples humains. Certes ! Et on nous les explique tout le long tant laisser le spectateur chercher le « truc » des magiciens serait lui reconnaitre une intelligence qu’on lui refuse d’emblée. Mais on lui balance des tours qui n’en sont pas, pas sans l’aide de CGI (pas trop trop dégueu faut reconnaitre ça tout de même) à un rythme qui ne permet pas le questionnement ou la réflexion (ah ah mais ça c’est la prestidigitation me direz-vous !) et hop on vous l’explique façon « easy ! » via un Morgan Freeman empaillé. Ouais ben sauf que l’explication est en bois. Ou nécessiterait des moyens colossaux, des dizaines de techniciens ou collaborateurs, des effets spéciaux phénoménaux, des réseaux électrique et vidéo que la petite équipe de 4 personnes n’est pas censée avoir. Et là difficile d’en dire plus sans dévoiler les dessous de l’histoire alors [SPOILERS ALERT] le coup du braquage de la banque parisienne et de la découverte à Paris d’un coffre vide en s’introduisant dans un fourgon blindé à double fond ? Et les convoyeurs de fonds eux ils ne s’en rappellent pas ? Ah non l’hypnose c’est vrai ! Mais lors de l’arrivée des billets dans la banque, personne ne les vérifie ? mouais… On les arrête mais on n’a rien contre eux ? ben euh c’est moi ou on vient de les voir vider une banque et redistribuer le fric à leur public. Ah ok alors, si ça c’est pas un motif pour laisser les gens en taule, ça pourrait bien faire tomber certains freins aux attaques de banques. Le coup du miroir est le meilleur de tous. Ils sont tellement forts nos magiciens que personne ne les voit venir installer un miroir de 50 m2 dans une pièce gardée. Parce que c’est bien joli de nous dire « oui euh c’est le coup de la boite à double fond ». Ouais sauf que ta boite elle fait 5 mètres de haut et 10 de large et qu’un miroir de cette taille c’est un putain d’engin à trimballer et que faut être plus que magicien pour le faire dans New-York sans que personne ne le voie, sans grue, sans des dizaines de personnes pour l’installer. Sans compter que c’est un miroir magique car il ne reflète que les murs, pas les gens présents dans la pièce… Prodigieux je vous dis !

Bref il y aurait d’autres exemples, la poursuite en voiture, la seule police au monde qui ne remonte pas la généalogie d’un mort suspect, le seul multimillionnaire qui a tout son fric dans le même compte en banque et qu’il gère seul avec des codes d’espace client lambda de type « le nom de votre ville de naissance », une documentaliste d’Interpol qui potasse sur l’Œil d’Horus et que rien ne met sur la piste de la vengeance d’un fils alors que même Wikipédia il te le dit, etc. Mais il est temps de clore cette [SPOILER ALERT FIN].
Alors c’est sûr, utiliser les ressorts de l’illusion pour faire un truc génial, ça limite un peu et ça demande du boulot, ce n’est pas si simple, alors ben ce n’est pas grave, on fait des trucs dignes de sorciers purs et durs et on dit « bah c’est un truc de magicien » … Soit sauf que c’est le contraire du propos même du film, qui lui nous dit que non, ça n’existe pas… Vous voyez ? En parallèle, les deux policiers incarnés par Mark Ruffalo et Mélanie Laurent, membres respectivement du FBI et d’Interpol (autant dire que c’est pas le shérif de pétaouchnok ou le club des cinq, le FBI et Interpol mais là ils font figures de bons gros nazes de l’enquête parce que tous courent, ils courent beaucoup, mais aucun ne fait de recherche genre boulot d’enquêteur quoi) ne sont jamais crédibles, jamais justes, et l’histoire d’amour entre les deux qui va s’imposer, plus écrite que logique, est plus inutile qu’émouvante. Sans compter qu’on essaie de coller une organisation « ésotérique » derrière tout ça façon Da Vinci Code mais de façon tellement anecdotique qu’elle ne retient à aucun moment l’attention. En fait, on sait déjà tellement ce qui va arriver qu’on ne retient pas l’explication qu’on essaie de nous en livrer. On enrobe le tout dans une action qui n’a rien de mémorable ni dans sa mise en scène, ni dans sa réalisation. Bien entendu, on n’est pas à un cliché près donc on a du twist, grossier, qu’on voit venir parce que dans les films il faut un twist, qui arrive comme un cheveu sur la soupe mais du twist quand même. Le truc c’est que quand tout ça arrive, il est trop tard, on s’en fout déjà de savoir, le film nous a perdus, c’est le moment où le cerveau trouve une réponse à la question qu’il s’est posée à la trente et unième minute : les pingouins ont-ils des genoux ?

LES PLUS LES MOINS
♥ La promesse
♥ Les CGI
♥ La tôle froissée
⊗ Un casting transparent
⊗ Trop prévisible
⊗ Trop d’incohérences
Rarement film ne m’a fait cet effet-là. Parfois je suis déçue, en colère, frustrée quand un film ne répond pas à mes attentes. Là, Insaisissable c’est le film qui porte bien son nom, le film que l’on ne capte pas, que l’on ne retient pas, qui ne nous marque pas. Un film bien dispensable.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Malgré les critiques presse mitigées, le film est un succès au box-office et une suite verra le jour en 2016. Intitulée Insaisissables 2 et réalisée par Jon M. Chu, elle fera également un joli score au box-office au point qu’un troisième volet et un spin-of se déroulant en Chine sont également prévus.
• Lorsque les personnages de Woody Harrelson et Jesse Eisenberg se croisent pour la première fois, ce dernier lui dit « On ne s’est pas déjà rencontré ? ». C’est un clin d’œil à Bienvenue à Zombieland, sorti quatre ans avant, dans lequel les deux acteurs campent un des personnages principaux.
• Philip Seymour Hoffman, Jim Carey, Hugh Grant et Sacha Baron Cohen et Colin Firth étaient au départ pressentis pour incarner les personnages principaux du film. Les producteurs ont finalement décidé de mettre des acteurs plus jeunes.
• Ce n’est pas la première fois que Michael Caine apparait dans un film ayant pour thème la magie, puisqu’il tenait déjà un rôle dans Le Prestige (2006) de Christopher Nolan.


Titre : Insaisissables / Now You See Me
Année : 2013
Durée : 2h08
Origine : U.S.A / France
Genre : Poudre aux yeux
Réalisateur : Louis Leterrier
Scénario : Ed Solomon, Boaz Yakin, Edward Ricourt

Acteurs : Jesse Eisenberg, Mark Ruffalo, Woody Harrelson, Isla Fisher, Dave Franco, Melanie Laurent, Morgan Freeman, Michael Caine, Michael Kelly

 Insaisissables (2013) on IMDb


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Auteur : Iris

Aime tout ce qui de près ou de loin fait appel à tout sauf au réalisme, fan de SF, tombée petite dans l’Heroïc Fantasy, amatrice de grandes sagas impliquant Elfes, nains et autres trolls, fan de vampirades en tous genres ou de délires Lycanthropiques. Peut se satisfaire de l’esthétique et relativement bon public dès lors que cela ne concerne pas les requins à trois têtes ou la nouvelle vague. Impressionnable en cas de scènes de torture ou d’esprit malfaisant, a parfois besoin de décompresser devant un gros blockbuster décérébrant.
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