[Film] Hana & Alice, de Shunji Iwai (2004)


Hana et Alice sont des amies d’enfance. Inséparables, on ne voit jamais l’une sans l’autre : à l’école, aux cours de danse classique, également lorsqu’il s’agit de courir les hommes. Hana tombe ainsi sous le charme d’un jeune garçon prénommé Masashi. Ce dernier ne semble pourtant pas prêter beaucoup d’attention à Hana. Jusqu’au jour où le garçon va tomber quelques courts instants dans le coma. Hana sera la première personne à le secourir, et profitera de la situation pour lui faire croire qu’il souffre d’amnésie. Elle lui inventera alors des histoires à dormir debout afin de le convaincre qu’ils étaient tombés amoureux l’un de l’autre… avant que son amnésie ne le prive de ce souvenir préfabriqué.


Avis de Oli :
A l’origine HANA & ALICE était un court métrage (une publicité pour une marque de chocolat célèbre), qui fut bientôt suivi de quelques autres. Iwai ne tarda pas à transformer son travail en un véritable long métrage devant l’immense succès des spots de pub. Le résultat est bien évidemment probant, même s’il n’atteint pas le niveau des précédents longs métrages d’Iwai. On regrettera notamment le fait que le réalisateur signe lui-même la musique de son film, musique qui rappelle directement des sons de Remedios, mais sans atteindre la justesse de titres signés par Kobayashi. Surtout, la musique est un peu trop envahissante. Mais gardons surtout à l’esprit que ce film ci fut la dernière collaboration entre le réalisateur japonais et le talentueux directeur de la photographie Shinoda Noboru, décédé courant 2004. Incontestablement, il y aura un avant et un après Shinoda.

Mais revenons en maintenant au fond du film plus directement : Iwai Shunji n’a pas son pareil pour filmer les jeunes, ces adolescents qui sont le plus souvent moqués ou tout simplement mal cernés, dans la grande majorité des cas aujourd’hui. Ainsi lorsque l’on souhaite parler d’amour et de passion, envisage-t-on le plus souvent des personnes entre 25 ou 45 ans. Rarement plus âgés (SUR LA ROUTE DE MADISON constituant une merveilleuse exception à ce principe), et rarement plus jeunes. Parler de passion avec des adolescents qui ne connaissent rien (ou si peu) de l’amour pourrait ainsi s’avérer être une mission des plus périlleuse. Oui mais voilà Iwai Shunji n’en est pas ici à son coup d’essai, et connaît à présent tous les rouages narratifs et scénaristiques les plus à même de bercer ses longs métrages dans une étrange et douce mélancolie. Surtout il sait mieux que quiconque cerner la beauté et cette pointe de tristesse qui se dégagent immanquablement des amours juvéniles. Le film HANA & ALICE ne déroge ainsi pas à la règle, et Iwai Shunji nous prouve une nouvelle fois que la naïveté sait aussi être belle.

Là-dessus Iwai Shunji plaque une trame amusante, puisque la jeune Hana profite d’un léger coma de l’homme dont elle est secrètement amoureuse pour faire croire à ce dernier qu’il l’aimait avant de se cogner la tête. Iwai a l’intelligence de retourner le phénomène du  » stalker « , puisqu’ici ce n’est pas l’homme mais bel et bien la femme, en l’occurrence Hana, qui va se retrouver obnubilée à un tel point qu’elle suivra partout son phantasme d’un jour. Une telle situation va bien entendu se révéler propice à des scènes cocasses à souhait, d’une bonne humeur si communicative qu’elle fera souffler un vent frais sur l’ensemble du récit. Mais les apparences heureuses sont parfois trompeuses, et si ce film ci d’Iwai Shunji est malgré tout moins sombre que les précédents, ces petites blessures habilement dissimulées dont je vous ai déjà parlé, si elles ne poindront jamais véritablement à la surface du récit, transpireront suffisamment des cœurs d’Hana et d’Alice pour colorer l’histoire et ses visages d’une désagréable surface de noir.

S’il l’on sourit ainsi très souvent, quelques instants d’une tristesse intense vont ainsi éclore, pour disparaître presque instantanément. Car Alice, la partenaire de jeu idéale, l’amie à laquelle on peut soumettre tous les services, garde ses plaies tendrement enfouies en elle, à l’abri de ces regards mêlant curiosité et malice. A ses amis elle ne confiera rien. A ses parents encore moins. Pour illustrer ce mal-être des plus discrets, Iwai Shunji va bien entendu délicatement nous exposer les relations qu’Alice entretient avec sa mère, meurtrie et distante, ainsi qu’avec son père, si confiant qu’il paraîtra étranger aux douleurs de sa fille. Mais le réalisateur ira encore plus loin, puisque ces relations et surtout la rupture qui fit d’Alice une triste enfant de divorcés, seront l’un des points d’ancrage du film. En effet, lorsque Hana demandera à sa meilleure amie de faire croire à Masashi qu’elle vient de rompre avec ce dernier, Alice improvisera pour lui une histoire amoureuse parfaite : leur premier baiser, leur premier repas ensemble… Tous ces détails qui tissent et posent les bases fondatrices de relations durables, Alice les imaginera. En reconstituant les bribes de souvenirs qu’elle garde de l’histoire de ses parents, elle rétablira ce qui reste, pour elle, la relation d’amour parfaite. Lorsque son père et sa mère s’étreignaient encore. Lorsqu’ils s’embrassaient sans penser aux lendemains, sous la pluie, sous cet arbre. Sans jamais songer au futur et à ses désordres. Alice remettra ainsi ses rêves directement en scène, jusqu’au moment où elle s’apercevra qu’elle avait peut-être raison, jusqu’à cette carte improbable trouvée à l’occasion d’un jeu sur la plage. Et si elle avait vu juste ? Et s’ils s’étaient tant aimés ?

LES PLUS LES MOINS
♥ Le traitement de « l’amour »
♥ Les scènes cocasses
♥ Les personnages
⊗ Musique un peu envahissante
Alternant avec talent des moments d’une grande légèreté avec d’autres instants flirtant directement avec une certaine gravité, Iwai Shunji nous dépeint tout ce qui fait et défait détresse et allégresse. Pour chaque mal il y a une solution. Pour chaque sourire il y a également un nuage susceptible de l’obscurcir. Non rien n’est simple, pas même ces premiers pas où tant de choses se jouent. Il faut alors savoir faire preuve de courage, pour se défaire d’un cortège de peines. A l’image d’Hana ou d’Alice. Savoir sourire à ses amis, aux difficultés aussi. Pouvoir prendre sa vie directement en mains, serrer les personnes aimées dans ses bras. A l’image d’Alice ou d’Hana.



Titre : Hana & Alice / Hana and Alice / 花とアリス
Année : 2004
Durée : 2h15
Origine : Japon
Genre : Drame / Romance
Réalisateur : Shunji Iwai
Scénario : Shunji Iwai

Acteurs : Anne Suzuki, Yu Aoi, Tomohiro Kaku, Shoko Aida, Hiroshi Abe, Sei Hiraizumi, Tae Kimura, Takao Osawa, Ruoko Hirosue, Makoto Sakamoto

 Hana to Arisu (2004) on IMDb


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Auteur : Oli

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