[Film] Le Crime Farpait, de Alex de la Iglesia (2004)

Le vendeur le plus séduisant d’un grand magasin tue un collègue rival par accident. Une des vendeuses du rayon parfumerie est témoin de la scène et en profite pour lui faire un perfide chantage sexuel.


Avis de Cherycok :
Après vous avoir parlé d’Action Mutante (1993) il y a quelques temps et plus récemment de Mes Chers Voisins (2000), voici aujourd’hui une autre pièce maitresse de la filmographie de Alex de la Iglesia, le maitre incontesté de l’humour noir made in Spain. Deux prix au Festival du film policier de Cognac en 2005, six nominations aux Goya (les Césars espagnols) la même année, Le Crime Farpait est sans doute un des films les plus aboutis et représentatifs de son réalisateur. Selon l’aveu même de ce dernier, un clin d’œil au maitre du suspense Hitchcock ainsi qu’au personnage d’Obélix dans le tome Les Lauriers de César. L’histoire d’un crime presque parfait, portrait au vitriol d’une société de consommation pourrie où le culte de l’apparence est au centre de tout. S’il n’y avait qu’un seul film de Alex de la Iglesia à regarder, ça serait probablement celui-là.

Alex de la Iglesia va mettre en image une histoire des plus originales et mettant en vedette un duo d’acteurs tout bonnement génial. D’un côté Guillermo Toledo, incarnant Rafael, le meilleur vendeur de sa génération d’un des plus grands magasins de Madrid, égoïste notoire et faux-cul de première rêvant du poste de directeur, pour qui la forme prime sur le fond, enchainant les conquêtes aux mensurations de rêve entre deux ventes et refusant la vie « classique » femme / maison / enfants / chien. De l’autre côté Lourdes, interprétée par Monica Cervera, vendeuse à la beauté plus que discutable, très discrète et renfermée. Le duo d’acteurs est très inspiré, ils donnent vie à leurs personnages dès la première seconde en faisant preuve d’une grande justesse dans leur jeu malgré un côté caricatural, voulu, aussi bien dans les moments calmes que dans les pétages de câble. Car oui, lorsque Rafael va accidentellement tuer son rival et essayer de se débarrasser du corps, Lourdes est témoin de la scène et cette dernière va rapidement se montrer manipulatrice, castratrice, et le chantage sexuel qu’elle fera à Rafael va rapidement les faire tomber dans la folie pure.
Guillermo Toledo est tellement génial qu’on le plaint et qu’on souffre avec lui alors que c’est un connard fini qui ne pense qu’à lui. Même chose pour sa partenaire Monica Cervera qui malgré un côté farpaitement insupportable a un côté également très touchant. Et quand on connait un peu le cinéma de Alex de la Iglesia, on se rend compte que cette dernière incarne à elle toute seule le cinéma un peu fou du réalisateur. Les seconds rôles ne sont pas en reste, en particulier Luis Varela qui incarne Don Antonio et sa moumoute, le rival de Rafael dont le rôle prendra dans la 2ème partie du film une tournure encore plus marquante. Ou encore Enrique Villen, qui incarne l’inspecteur en charge de cette affaire, un habitué des productions de De la Iglesia puisqu’on l’a notamment vu dans Mes Chers Voisins ou encore Balada Triste.

Comme à chaque fois, la mise en scène de Alex de la Iglesia est très efficace, recherchée, et surtout très dynamique, avec comme souvent chez le réalisateur un gros travail sur les couleurs, la lumière, et l’ambiance de manière générale. La bande originale est très entrainante, rappelant tour à tour les scores de Kusturica et ceux de Danny Elfman période Pee-Wee, avec un compositeur qui n’hésite pas à intégrer des musiques très connues de manière très intelligente afin de donner encore plus de force au côté grotesque et rocambolesque de certaines scènes. Les gags sont très souvent hilarants et certaines situations ont de quoi devenir cultes instantanément. On rit du malheur de ce pauvre Toledo et l’humour y est à la fois noir, cynique, irrespectueux, grinçant et décalé. A travers ces personnages, De la Iglesia fait une critique amusante et à la fois acerbe de la société de consommation, mais aussi des moutons qui font qu’elle existe, nous. Le final fait d’ailleurs preuve d’une ironie bien sentie à ce sujet. Cette satire transpire jusque dans les dialogues très bien écrits, que ce soit dans les moments posés ou dans les scènes bien plus hystériques. Le film égratigne au passage « la real TV » qui a explosé au début des années 2000.
On pourra reprocher tout de même quelques redondances en milieu de film, lorsque Lourdes décide de faire un peu ce qu’elle veut de Rafael, même si c’est pour mieux appuyer le côté improbable et sans réelle issue de leur situation. La rupture de ton avec ce final devenant un peu plus sérieux, plus poussif, comme c’était déjà le cas par exemple sur Le Jour de la Bête, pourra en dérouter certains mais cela suit tout de même une certaine logique dans le déroulement de l’histoire.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le casting génial
♥ La réalisation
♥ La bande son
♥ On s’amuse beaucoup
⊗ Légère baisse de rythme au milieu
A la fois polar, thriller, satire, comédie, tantôt cruel, tantôt irrévérencieux, mais très souvent drôle, Le Crime Farpait est un film qui ne ressemble à aucun autre film. Un excellent divertissement.



Titre : Le Crime Farpait / Crimen Ferpecto
Année : 2004
Durée : 1h38
Origine : Espagne
Genre : Pétage de câble
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Scénario : Jorge Guerricaecheverria, Alex de la Iglesia

Acteurs : Guillermo Toledo, Monica Cervera, Luis Varela, Enrique Villen, Fernando Tejero, Javier Gutierrez, Kira Miro, Rosario Pardo, Gracia Olayo

 Le crime farpait (2004) on IMDb











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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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