[Film] Ça Tourne à Séoul !, de Kim Jee-Woon (2023)


Séoul, 1970 : le réalisateur Kim souhaite refaire la fin de son film « Cobweb ». Mais les autorités de censure, les plaintes des acteurs et des producteurs ne cessent d’interférer, et un grand désordre s’installe sur le tournage. Kim doit donc surmonter ce chaos, pour achever ce qu’il pense être son chef-d’œuvre ultime…


Avis de Cherycok :
J’adore Kim Lee-Woon. The Quiet Family a été mon premier film coréen il y a bien 23 ans de cela, et j’avais tellement adoré que je m’étais mis à regarder chaque nouveau films (ou presque) qu’il sortait. The Foul King, A Bittersweet Life, Le Bon La Brute et le Cinglé, J’ai Rencontré le Diable, The Age of Shadows et même son passage américain Le Dernier Rempart ont tous été de bonnes, voire d’excellentes surprises. Lorsque sa dernière bobine en date, Ça Tourne à Séoul !, a commencé à faire le tour des festivals et que les retours étaient tous extrêmement enthousiastes, je trépignais forcément de le découvrir. Surtout que le rôle principal est tenu par Song Kang-Ho, déjà vu dans une bonne partie de la filmographie du réalisateur, et qui à chaque fois délivre d’excellentes prestations. Alors forcément, je me suis jeté sur le film et là, la douche froide. La même chose que pour le japonais One Cut of the Dead que tout le monde adore et qui m’a profondément irrité. A croire que je ne suis pas fait pour les films qui font une mise en abyme du cinéma…

Sélectionné hors compétition au Festival de Cannes 2023, Ça Tourne à Séoul va nous raconter l’histoire d’un réalisateur qui, après un premier chef d’œuvre, se perd un peu et qui veut refaire la fin de son nouveau film à venir après qu’il ait vu plusieurs fois en rêves des scènes qui pourraient en faire un chef d’œuvre. Il a du mal à convaincre sa productrice et donc il va, dans son dos, réunir toute l’équipe du film pour essayer de retourner la fin de son film Cobweb en un temps très limité. bien entendu, ce tournage intense et express ne va pas se passer comme prévu, entre caprice des acteurs, soucis de production et autres problèmes techniques. Ça Tourne à Séoul, c’est donc un film dans le film et durant 2h12, nous allons assister à une alternance entre scènes de tournage avec leurs péripéties (en couleurs) et scènes entières du film qui est en train d’être tourné (en noir et blanc). Au fil du le film, la frontière entre la réalité et la fiction va devenir de plus en plus mince jusqu’à presque se dissoudre. Nous sommes donc ici dans du cinéma qui filme du cinéma comme ça semble être la mode en ce moment, entre le Babylon de Damien Chazelle, le The Fabelmans de Steven Spielberg, le Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino, ou encore le Coupez de Michel Hazanavicus, remake du japonais One Cut of the Dead cité plus haut, le film de Kim Jee-Woon va plutôt lorgner du côté de ce dernier en se la jouant farce parfois potache cachant une critique du milieu du cinéma. Il va situer son histoire dans les années 70 alors que le régime politique coréen a un droit de regard et de censure sur tout ce qui sort de la Corée en termes de cinéma, malgré l’essor de ce dernier dans le pays. L’ensemble va devenir rapidement, comme le souligne l’affiche française, un « joyeux bordel ». Personnages excentriques, situations parfois rocambolesques, scènes vaudevillesques, sur le papier le programme est très alléchant et promet qu’effectivement ce « joyeux bordel » devienne rapidement jouissif mais il n’en sera au final rien.

On comprend très vite le fond du film, avec le milieu du cinéma qui en prend pour son grade, aussi bien les réalisateurs qui se croient parfois bien plus compétents qui ne le sont réellement ; les acteurs également, qui n’hésitent pas à faire des caprices d’enfants lorsqu’ils n’ont pas ce qu’ils veulent : les conditions de tournage, qui virent parfois au n’importe quoi à cause de certaines contraintes ; les producteurs, qui veulent avoir la main mise sur tout alors que parfois ils n’y connaissent rien ; même les critiques cinéma, le temps d’une phrase se font allumer. La mise en abyme est totale mais Ça Tourne à Séoul a de sérieux problèmes. Déjà, le film est trop long pour ce qu’il raconte et, malgré les personnages loufoques, il devient rapidement ennuyeux. D’autant plus que les différentes problématiques rencontrées par ce tournage sont au final très vite balayées et n’impactent pas forcément ce qui va suivre, même lorsque les idées sont très bonnes sur le papier. Sans parler du fait que rapidement, une certaine redondance se fait ressentir. Il y a également bien trop de personnages et, même s’ils sont au demeurant sympathiques, soit par leur connerie, soit par leur vision des choses, ils n’ont pas le temps de s’installer réellement (à part le personnage du réalisateur) et deviennent tout simplement inutiles au récit. En ce qui concerne l’humour, c’est la même chose, c’est souvent à côté de la plaque, avec un décalage entre ce qu’il se passe et ce qu’on ressent. On voit bien que tout ce petit monde s’amuse comme des fous, mais le spectateur est oublié. La mise en scène est appliquée, avec une jolie photo et des effets visuels intéressants (les transitions lors du passage entre la couleur et le noir et blanc par exemple), mais on a l’impression que le réalisateur se regarde filmer et au final, l’ensemble parait souvent surfait, comme s’il ne s’agissait là que d’autocongratulation alors que, au départ, Ça Tourne à Séoul semble dénoncer entre autres ce milieu du cinéma souvent vérolé sur bien des aspects. La subtilité a été laissée en coulisses et même ce plan séquence dont on nous parle tout le long n’a au final rien d’exceptionnel et nous donne cet effet de soufflé qui retombe. Alors oui, la toute dernière partie vient heureusement sauver les meubles d’un film qui s’était enlisé 1h40 durant, mais ce n’est pas suffisant pour sauver les meubles et au final, Ça Tourne à Séoul est une énorme déception.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des acteurs compétents
♥ Une jolie photographie
♥ La mise en abyme
⊗ Un humour à côté de la plaque
⊗ Trop de personnages pas assez développés
⊗ Bien trop long pour ce que ça raconte
⊗ De bonnes idées pas exploitées
⊗ Une certaine redondance

Avec Ça Tourne à Séoul, Kim Jee-Woon réalise un film qui parle du cinéma et qui se veut être un « joyeux bordel ». Mais au final, le divertissement n’est pas là, avec un humour raté, un côté narcissique trop prononcé, et un film qui ne mène à rien.

LE SAVIEZ VOUS ?
• C’est la cinquième collaboration entre Kim Jee-Woon et l’acteur Song Kang-Ho après The Quiet Family, The Foul King, Le Bon La Brute et le Cinglé et The Age of Shadows.



Titre : Ça Tourne à Séoul ! / Cobweb / 거미집
Année : 2023
Durée : 2h12
Origine : Corée du Sud
Genre : Mise en abyme ratée
Réalisateur : Kim Jee-Woon
Scénario : Shin Youn-Shick

Acteurs : Song Kang-Ho, Lim Soo-Jung, Oh Jung-Se, Jeon Yeo-Bin, Krystal, Jang Young-Nam, Park Jung-Soo, Cha Seo-Hyun, Kim Min-Jae, Kim Dong-Young

Cobweb (2023) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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