[Film] Aggression, de Rick Jacquet (2017)

Après douze années d’exile en Angleterre, Sarah revient en France après le décès de son père. Dans l’imposante maison de campagne de la famille, Sarah retrouve sa sœur, muette, mais aussi des murs qui portent encore des traces… de souvenirs, de blessures ? Tandis que les deux femmes règlent les derniers détails de la succession, deux intrus, visiblement violents, profitent de la nuit pour s’introduire dans la bâtisse.


Avis d’Oli :
Agressions… Oui, j’ai déjà été victime de plusieurs agressions. De la part de films à petit budget, de longs ou moyens métrages indépendants. Mal aux yeux. Douleurs aux tympans. Quand on n’a pas les moyens de ses ambitions, il est difficile de tourner un film dans de bonnes conditions, de répéter les prises à l’envi… AGGRESSION, de Rick Jacquet, n’agresse heureusement que ses acteurs, et se contente le plus souvent de brosser le spectateur cinéphile dans le sens de la pellicule, avec son film noir mais lumineux (photographie pesante dans le bon sens du terme) qui rend un hommage glorieux au giallo, avec en ligne de mire Argento, le tout saupoudré de quelques références plus ou moins marqués à Tourneur et… à d’autres joyeusetés.

Mais comme je l’ai précisé un peu plus haut, AGGRESSION c’est également ce film doté d’un budget minuscule, réalisé avec trois bouts de ficelles par un passionné qui a beaucoup donné de sa personne. Aussi, les spectateurs peu ou pas habitués aux toutes petites productions et aux défauts inhérents au genre, risquent fort de grincer des dents. Malgré son originalité (AGGRESSION n’est pas « qu’un » giallo), le film de Rick Jacquet cumule en effet deux problèmes majeurs, qui se révèleront rédhibitoires pour les néophytes, élevés au biberon des sirènes hollywoodiennes : le casting est extrêmement bancal, et les rôles masculins sont moins réussis que leurs pendants féminins. Ces deux points noirs ont d’ailleurs tendance à se recouper – au couteau mal aiguisé ? L’acteur incarnant le flic n’est ainsi jamais crédible (il a même été doublé en post-prod) et les intrus manquent de consistance. Si le couard s’en sort relativement bien (sa faiblesse faisant partie intégrante du personnage), le plus costaud, aka le barbu, peine à s’imposer alors qu’il aurait dû faire peur, et ce dès le début du film. Dès lors, difficile de croire à la menace qu’il est censé représenter – ce qui, accessoirement, désamorce quelque peu l’impact du revirement (pourtant bien amené) prenant place à mi-parcours. La scène d’action, relativement ratée, où l’intrus s’en prend à Sarah sur le sol, achèvera de convaincre les plus sceptiques : ce personnage a vraiment du mal à exister.

Tout cela est fort dommageable car pour le reste, AGGRESSION fait passer un agréable moment – si vous êtes fan de films noirs, violents et dérangeants, cela va sans dire. La présence de Sarah Nicklin dans le rôle principal a d’ailleurs presque un effet pervers : Sarah est tellement douée que les autres acteurs paraissent bien pâles à côté ! Aussi bien à l’aise dans les scènes intimistes, que lorsqu’il faut rire d’une situation tragique (it won’t hurt… much!), Sarah est pour beaucoup dans la réussite du film. Elle intrigue, et peut se jouer des spectateurs en naviguant sur plusieurs registres à la fois – la fragilité, la peur… la dureté, la douleur.

Le film s’ouvre sur des non-dits, une famille étrange et désunie, avec quelques thèmes communs à l’excellent film indépendant FOUND, de Scott Schirmer. Une campagne française reculée, une grande bâtisse isolée, un flou/fou artistique loin d’être innocent dans le jardin, pour une sensation de huis clos ouvert parfaitement mis en scène jusque dans ces longs voyages en taxi. Froids. Silencieux. Comme le calme avant la tempête ? Bien évidemment, celle-ci finira par frapper. Par contre, vous pourriez bien vous méprendre sur le sens que prendront les rafales de vent… Attendez-vous donc à être surpris et surtout éclaboussé, avec de l’hémoglobine pour simuler les gouttes de pluie, et un meurtre « à l’italienne » absolument magnifique sur le pas de la porte, suivi par une conclusion elle aussi particulièrement réussie.

Avec un tout petit budget, des idées, une bande originale divine qui aurait mérité un article dédié, des personnages féminins forts et quinze dernières minutes inspirées, Rick Jacquet parvient à s’extirper des défauts qui minent partiellement son film pour livrer, au final, un divertissement sanguinolent qui devrait plaire aux passionnés du genre.



Titre : Aggression

Année : 2017
Durée :
1h17
Origine :
France
Genre :
Cinquante nuances de giallo
Réalisation : 
Rick Jacquet
Scénario : 
Rick Jacquet
Avec :
Sarah Nicklin, Marie Duchez, Cédric Torriani, Rick Jacquet, Sylvain Gonzales

 Aggression (2017) on IMDb


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Auteur : Oli

Amateur de cinéma japonais mais de cinéma avant tout, de Robert Aldrich en passant par Hitchcock, Tsukamoto, Eastwood, Sam Firstenberg, Misumi, Ozu, Claude Lelouch, Kubrick, Oshii Mamoru, Sergio Leone ou encore Ringo Lam (un intrus s'est glissé dans cette liste, sauras-tu mettre la main dessus - attention il y a un piège).
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