L’Inde s’est distinguée pendant de longues années dans la confection d’affiches de films peintes à la main. Cet art particulier, qui se juxtaposait directement aux sorties de films, a connu un âge d’or jusque dans les années 80 mais s’est peu à peu éteint avec l’avènement de l’affiche photographique et le développement des logiciels informatiques de traitement de l’image. Habillant jusqu’au milieu des années 90 les mégalopoles asiatiques (la Thaïlande étant elle aussi l’un des derniers grands pays adepte de l’affiche peinte), la disparition des ces œuvres d’art a dramatiquement modifié le paysage urbain de ces pays. C’est malheureusement toute une tradition qui a décliné au cours de ces 20 dernières années. Seul le Myanmar semble être aujourd’hui l’un des derniers pays de cinéma à pratiquer cet art populaire et impressionnant.
Ces affiches (parfois de tailles monumentales) n’ont pas eu la chance d’avoir un mode de conservation digne du travail et du savoir-faire qui ont été nécessaire pour leur confection. Déjà que la conservation des films pose problème … le matériel promotionnel arrive alors en second plan. Certaines moisissent dans les caves des vieux studios ou des vieux cinémas. D’autres font le bonheur de collectionneurs chanceux et avertis.
Le métier de peintre d’affiches était un métier à part entière. S’il a presque totalement disparu aujourd’hui, certains artistes persistent à le faire perdurer tant bien que mal. C’est le cas de Suresh Sandal et de son fils Sushant qui parcourent le monde afin de faire connaître ce qu’il reste de cette tradition. De passage en France lors d’événements consacrant les cinémas indiens sous toutes leurs formes populaires (HKmania a pu les rencontrer lors du 14ème Festival Cinémas & Cultures d’Asie de Lyon en 2008), le duo présente régulièrement des performances dans lesquels ils se consacrent à la peinture.
Suresh Sandal est natif de Secunderabad dans l’Etat de Andra Pradesh dans le Sud du pays. Son père Kannaiah Sandal travaillait déjà dans la confection de poster en noir et blanc pour promouvoir les films du Sud à Hyderabad. C’est à la mort de son père que Suresh Sandal, il n’a que 17 ans à ce moment là, quittera le foyer pour s’installer à Mumbai pour reprendre l’héritage graphique laissé par son père. Et c’est à Mumbai, capitale indienne en ce qui concerne l’Entertainment dans le Nord du pays, qu’il deviendra l’un des peintres à succès dans le domaine de la publicité de films pour les grandes majors de la ville. Durant les années 70, il va grimper les échelons un à un (d’abord assistant au Jyoti Studio, V2 studio et au Soora Modi’s studio) il va créer en 1976 le studio Rangshalla pour lequel il va peindre des affiches de films et autres affiches publicitaires.
Alors que le métier de peintre d’affiches périclite durant les années 80, Suresh Sandal va se réorienter dans le cinéma d’animation de 1985 à 1992. Même si la concurrence japonaise, chinoise et coréenne laisse peu de place aux artistes indiens pour s’exprimer et s’exporter, force est de constater que depuis une dizaine d’années l’Inde progresse tout de même énormément dans le domaine avec toute une galerie de personnages mythologiques à animer (Hanuman, Bal Ganesh et Ghatothkach traduisent parfaitement le dynamisme actuel). De 1992 à 2005, Suresh Sandal retrouve ses premières amours de peintre d’affiches pour le bénéfice de Sureshbhai Arts. Il parcourt aujourd’hui le monde afin de faire partager sa passion et présenter ce qu’il reste d’un métier en voie de disparition qui a marqué durablement le paysage urbain des grandes villes d’Asie du Sud et d’Asie du Sud-Est (exhibitions au « Centre de la Danse » de Pantin en 2006, au « Bombayser de Lille » – Lille 3000 en 2006, au Namastey Trafalgar square festival de Londres en 2007 et au 14ème Festival Cinémas & Cultures d’Asie de Lyon en 2008).
35 années de métiers n’ont pas entachées la passion de ce grand monsieur qui a passé, à son tour, le flambeau à son fils Sushant Sandal. Ce dernier officie actuellement lui aussi dans le domaine de la peinture d’affiches et dans l’animation. Les quelques peintures présentées dans cet article ont été peintes par Suresh Sandal et envoyées tout spécialement pour les lecteurs d’HKmania.
Avec la disparition de cet art populaire, c’est aussi la mort d’un cinéma spontané et encore vierge (en partie) des codes cinématographiques occidentaux qui va perdre en puissance.