[Avis] Dead Girl Walking, de Shiraishi Kôji

Titre : Dead Girl Walking / Kaiki! Shinin shôjo
Année : 2004
Durée : 44 minutes
Origine : Japon
Genre : Morte vivante

Réalisateur : Shiraishi Kôji

Acteurs : Maeda Ayaka, Karasawa Moe, Nagashio Katsumi, Morishita Yoshiyuki, Tankobo Kibaji et Eto Kansai

Synopsis : Sayuri est déclarée morte par son docteur, mais son corps continue de bouger, elle continue de penser, de ressentir des émotions. Mais son corps commence à pourrir, et la situation effraie sa famille, qui va tenter par tous les moyens de se débarrasser d’elle.


Avis de Rick :

Dead Girl Walking est un autre film imaginé par Hideshi Hino, célèbre mangaka. Il fait parti d’une saga de six courts métrages, contenant par exemple les sympathiques Doll Cemetary ou encore Boy From Hell. Des films en général très plaisant, relativement bien mis en scène (vu le peu de budget et d’ambitions des métrages), et souvent mettant en avant le fun. Lizard Baby sortait quelque peu du lot, en proposant un film plus sérieux et des thèmes qui font réfléchir. Dead Girl Walking se rapprochera plus de ce dernier que des autres, même si certains moments pourront faire rire. Comme l’indique le titre, il s’agît donc ici d’une fille, morte, mais qui continue de marcher, et donc de vivre. Si beaucoup de films nous ont montrés que la vie était une dure épreuve à surmonter parfois, le métrage, durant 44 minutes, nous montre que la mort peut parfois être tout aussi difficile. Sayuri est une jeune lycéenne. Sa vie est banale, elle vit avec son père, sa mère, et sa petite sœur dans un appartement, sans doute en banlieue. Elle s’occupe d’une fleur dans sa chambre, et c’est là un des premiers points intéressants du métrage. La fleur éclot, tient quelques jours, puis fane et meurt. La métaphore avec l’homme, qui nait, vit puis meurt, et finalement, dans la mort, se décompose, est flagrante, et intéressante dans ce film. Sayuri vit dans un monde coloré, mais quelques instants après le début du métrage, son cœur s’arrête, sans raison apparente, et c’est la fin. Le film passe en noir et blanc, un noir et blanc très contrasté pouvant rappeler d’ailleurs certains travaux de grands réalisateurs, comme celui de Lynch sur Eraserhead, ou encore mieux, Elephant Man, avec lequel Dead Girl Walking partagera quelques points communs. Sayuri est morte physiquement, mais continue de bouger, de vivre, de parler. Le monde qui l’entoure est gris, dangereux, antipathique. Sa condition effraie sa famille autant qu’elle. Après tout, que pourrait-il bien arriver de pire à quelqu’un ?

Voilà donc le funeste point de départ de cette histoire, qui au final, si elle n’est pas la plus palpitante de cette anthologie, en reste une des plus réfléchies et poignantes avec Lizard Baby. Sayuri va devenir, au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire, une fille provoquant la crainte, puis la peur, le dégoût, et parfois, l’amusement. Continuant de vivre chez elle, auprès de ses parents, ceux ci font le choix de l’ignorer totalement, de continuer leur vie, mais cela n’empêche pas le malaise de s’installer entre les différents membres. Repas de famille totalement silencieux, Sayuri entre dans la pièce, et c’est tout la famille qui l’a quitte. La solitude s’installe pour Sayuri, mais ce n’est pas tout, puisque cliniquement morte, son corps va commencer à pourrir, et la peur s’empare d’elle, peur qui sera amplifiée par ses parents, qui, ne supportant pas la situation, décident d’y mettre un terme, de manière radicale. Par le meurtre. Mais peut-on tuer ce qui est déjà cliniquement mort ? Les parents vont redoubler d’efforts, ne comprenant pas ce que peux endurer leur fille, décidemment vraiment seule. Ce fardeau se porte seul, et Sayuri va quitter la maison familiale et errer, faire différentes rencontres. Les gens vont la craindre, autant ceux qui la connaissent que les autres. Sayuri est morte, comme nous le rappelle souvent les indications venant s’inscrire sur fond noir entre plusieurs scènes, son état se dégrade, elle fait peur aux autres, qui la rejettent. Forcée de fuir d’un endroit à l’autre, Sayuri ne peut compter sur personne, si ce n’est elle même.

Dans un beau noir et blanc renforçant l’amertume et la peur du monde qui l’entoure, Dead Girl Walking remettra lors de son final le parallèle entre le corps humain, et ici en particulier celui de Sayuri, et la fleur du début, que l’on reverra à de maintes reprises. Aucune explication rationnelle ne viendra expliquer le fin mot de l’histoire, mais il vaut mieux ne pas savoir au risque d’être déçu parfois. Toujours est-il qu’un fossé douloureux pour l’héroïne sépare le début (la vie) de la fin du métrage (la fleur fanée). Un parcours de moquerie, de peur. Une scène, poignante, nous raménera à tous ces films de gentils monstres, différents des hommes, qui en profitent pour se moquer d’eux, en les montrant sur scène, en les faisant passer pour des monstres sans cœur, ce qu’ils possèdent pourtant. Malheureusement, la courte durée du métrage, qui était une des qualités dans les autres films de la collection, se retrouve être un frein pour le développement des situations et des personnages. Le tout va vite, trop vite parfois, et du coup certaines situations semblent précipitées. On pensera notamment à cette scène entre les parents et Sayuri dans un immeuble désaffecté, où de plus, l’usage d’effets numériques bas de gamme retire la crédibilité de la scène, et c’est bien dommage, surtout que jusque là, les différents effets de maquillages étaient réussis, et le film ne cherchait jamais à en faire trop, en ne montrant que ce qui était nécessaire. Heureusement, la scène finale rattrape quelque peu ses petits défauts et permet d’achever la courte vision du film sur une note positive. Au passage, on reconnaîtra musicalement la patte de D.R.A, qui avait déjà composé une belle musique d’ambiance sur le film Ju-Rei, également réalisé par Shiraishi Kôji, qui débutait donc ici sa carrière.

Note : 6,5/10

Finalement un peu trop court, Dead Girl Walking n’en reste pas moins intéressant dans ses thèmes et visuellement. Un petit film plus sérieux que la plupart des autres de l’anthologie dont il fait parti. Alors certes, des effets numériques sont totalement ratés, parfois le ton est trop sérieux, mais le film est intéressant et Shiraishi Kôji montre ce qu’il sait faire avec une caméra.

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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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