[Film] Wild, de Jean-Marc Vallée (2014)

« Si ta volonté te lâche, dépasse ta volonté », écrit Emily Dickinson. C’est ainsi que, à la suite d’une rupture amoureuse et du décès de sa mère, Cheryl Strayed décide en juin 1995 sur un coup de tête de quitter son ancienne vie d’addiction et d’errance pour se lancer en solo dans une aventure de 1 700 km sur le Pacific Crest Trail dans le but d’être uniquement confrontée à elle-même. Jalonné de rencontres et de flashbacks, ce road movie marque la renaissance de la jeune femme.


Avis de Rick :
Wild, en lisant le pitch, cela fait inévitablement pensé à Into The Wild, le film de Sean Penn qui adaptait le roman de Jon Krakauer écrit en 1996. Wild est d’ailleurs lui aussi l’adaptation d’un roman signé Cheryl Strayed, roman autobiographique paru en 2012 dont les droits sont acquis par Reese Whiterspoon. L’actrice d’ailleurs se lance sérieusement dans la production, créée sa société. En 2014, elle produit Gone Girl de David Fincher, pour lequel elle abandonne l’idée de tenir le rôle principal, et produit à côté Wild, en jouant donc le rôle. Un rôle exigeant et physique. Elle confie la mise en scène à Jean-Marc Vallée, réalisateur et scénariste canadien à qui l’on doit par exemple C.R.A.Z.Y. ou Demolition (avec Jake Gyllenhaal). Choix intéressant au final. Et au final, et bien on va sans doute me lancer des tomates, mais j’ai préféré ce Wild à Into the Wild. Non pas que le film de Sean Penn soit mauvais, loin de là, je l’avais beaucoup aimé à sa sortie ciné, mais il suffit de comparer les deux personnages principaux des deux films pour voir une différence significative. Dans Into the Wild, nous suivions un personnage diplomé à qui la vie réussissait, mais qui après un repas familial, se disait, basiquement, « fuck la société » et décidait de tout plaquer pour partir dans la nature, juste pour… ben par esprit de contradiction. Et il en pyait le prix. Dans Wild, Cheryl est au bout du rouleau, vient de divorcer, a trompée son mari, a perdu sa mère avec qui elle était proche, elle ne s’aime pas, s’en veut, et a plongée dans les drogues dures. Elle entame un voyage pour faire la paix avec soi-même, pour mieux se connaître, se pardonner, et enfin se permettre de se reconstruire et d’avancer plus tard dans sa nouvelle vie.

Le personnage de Cheryl Strayed me paraît donc immédiatement bien plus intéressant, et bien plus consistant. Plus facile de s’y attacher, puisque bien plus facile de la détester au départ. Mais l’une des forces de Wild réside bien dans son personnage principal (et dans le personnage de sa mère que l’on voit dans les flashbacks) et dans les acteurs. Car Reese Whiterspoon fournit ici un excellent travail, l’actrice est crédible de la première à la dernière scène, et la réalisateur a parfois eu recourt à certaines idées originales pour rendre son jeu plus réaliste. Cheryl doit monter une tente pour la première fois de sa vie ? Le réalisateur a fait le choix de ne pas montrer les instructions à Reese Whiterspoon. Sa réaction à l’écran est donc totalement réaliste, la jeune femme essaye des choses, échoue, s’énerve avant d’y arriver. Cheryl fait son voyage avec un sac beaucoup trop gros et donc beaucoup trop lourd pour elle qui ne connaît absolument pas les bases des longues randonnées ? Oui, Reese Whiterspoon sera encore une fois crédible, le réalisateur ayant décidé qu’il fallait remplir son sac à dos de bottins en papiers. Oui oui, un bon gros paquet de bottins qui pèsent une tonne. Le réalisateur serait même allé plus loin, allant jusqu’à refuser à l’actrice de se voir dans un miroir durant tout le tournage. En résulte une interprétation parfois à fleur de peau, parfois tendre, mais toujours juste. On pourra également saluer le rôle de Laura Dern (Blue Velvet, Jurassic Park, INLAND EMPIRE) dans le rôle de la mère de Cheryl, personnage également torturé par son passé mais qui décide de sourire malgré tout à la vie, pour ses deux enfants.

C’est du très bon boulot, et le réalisateur sait capturer l’émotion qui peut se dégager de ces personnages durant la centaine de jours durant lesquels il filme le voyage de Cheryl, au fur et à mesure de ses rencontres, et de ses souvenirs, parfois tendres, parfois beaucoup plus douloureux. Non sans hésiter à mettre par moment quelques notes d’humour, comme lors du premier arrêt de Cheryl dans un refuge où on lui donnera quelques conseils sur ses provisions, comme d’arracher les pages déjà lues de ses livres (ce qu’elle refuse au départ), et que l’on remarquera que juste par « précaution », la jeune femme aura emmenée une douzaine de préservatifs durant son voyage, comme s’il lui était encore trop difficile de faire un trait sur son ancienne personnalité d’un seul coup. Wild réussit le portrait d’une femme blessée et perdue qui va finir par se trouver, ou plutôt par trouver le moyen de faire la paix avec elle-même et donc la force de se reconstruire. La très solide interprétation des rôles principaux ainsi que les splendides décors naturels aident à l’immersion dans le voyage proposé. Wild m’aura donc conquis, les 2h passent sans aucun souci, même si j’aurais personnellement coupé la scène finale un peu plus tôt (un moment en particulier me semblait très beau et aurait pu avoir plus d’impact). Il manque peut-être un peu d’envergure dans certaines scènes, justement pour ne pas trop dramatiser l’ensemble, ce qui ne plaira pas à tous, mais me convient parfaitement.

LES PLUS LES MOINS
♥ Reese Whiterspoon et Laura Dern excellentes
♥ Un portrait intéressant
♥ De très beaux décors
⊗ Peut-être un petit manque d’envergure
note8
Wild, c’est le chemin que parcourt Cheryl, pour se pardonner, se faire payer ses erreurs, souffrir pour mieux se reconstruire et savoir où elle en est. Un beau film.



Titre : Wild

Année : 2014
Durée :
1h55
Origine :
U.S.A.
Genre :
Drame
Réalisation : 
Jean-Marc Vallée
Scénario : 
Nick Hornby d’après le roman de Cheryl Strayed
Avec :
Reese Whiterspoon, Laura Dern, Thomas Sadoski, Kenne McRae, Michiel Huisman, W. Earl Brown et Gaby Hoffman

 Wild (2014) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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