[Film] The Substance, de Coralie Fargeat (2024)

Elisabeth Sparkle, vedette d’une émission d’aérobic, est virée le jour de ses 50 ans par son patron à cause de son âge jugé trop élevé pour la suite de sa carrière. Le moral au plus bas, elle reçoit une proposition inattendue, celle d’un mystérieux laboratoire lui proposant une « substance » miraculeuse : si elle se l’injecte, elle deviendra « la meilleure version » d’elle-même, « plus jeune, plus belle, plus parfaite » grâce à une modification cellulaire de son ADN.


Avis de Rick :
Le précédent long métrage de Coralie Fargeat, Revenge, je l’avais trouvé extrêmement sympathique, mais totalement imparfait à plus d’un niveau. Mais imparfait ne veut pas dire qu’on ne peut pas être marqué par un film. Quelques images restent en tête, et la musique de Rob également. Voir donc la réalisatrice continuer son petit bonhomme de chemin en 2024 avec un récit de body horror de 2h21 mettant en avant les dénudées Demi Moore et Margaret Qualley dans un métrage qui de manière surprenante récolte le prix du meilleur scénario à Cannes, ça rendait plus que curieux. Car Cannes et Body Horror. Car Coralie Fargeat et Prix du meilleur scénario. Coupons court à tout suspense, si le prix à Cannes reste un mystère total à mes yeux, autant car le scénario est loin d’être parfait que parce que Coralie Fargeat ose représenter des femmes qui aiment être sexy et le montrer à une époque où on nous fait souvent chier avec ça, The Substance m’aura séduit par sa proposition totalement grotesque et déviante qui rappelle tout un pan de cinéma des années 80 et 90. Avec The Substance, on pense à David Cronenberg évidemment (et les clins d’œil à son œuvre, que ce soit La Mouche ou Videodrome, sont présents), mais aussi à Brian Yuzna (quelques visions bien gluantes, un liquide jaune fluo aux propriétés bénéfiques pas si bénéfiques que ça, sans oublier le culte de l’apparence qui peut faire penser à Society), pour un résultat certes imparfait, mais tellement attachant dans sa proposition.

Elizabeth Sparkle, 50 ans, est une ancienne gloire d’Hollywood qui a même son étoile sur le Hollywood Boulevard, et qui se retrouve maintenant à présenter une émission de fitness à la télévision. Mais son âge n’aidant pas dans une société où l’apparence fait tout, son patron joué par un Dennis Quaid souvent filmé en gros plan avec focale déformante voudrait bien la remplacer par une jeune femme plus jeune et dynamique. La pauvre Elizabeth, jouée avec justesse par Demi Moore, est au bord du gouffre, jusqu’à ce qu’on lui parle de The Substance, une… substance comme le titre l’indique, censé créer une version plus jeune d’elle. La demoiselle se laisse tenter, et après injection, le miracle s’accomplit et elle donne naissance à Sue, Margaret Qualley, plus jeune, plus belle, plus dynamique, plus sexy, qui va faire tourner les yeux de tous les hommes, et sans doute de toutes les femmes aussi. Le récit classique de la quête de jeunesse, de reconnaissance, de célébrité comme on en a tant vu. Par certains aspects, on aurait même envie de penser à Requiem for a Dream, avec cette obsession qui semble sans fin, obsession pour la célébrité, d’être aimé et adulé des autres. Et pendant un bon 1h40, voire 1h50, The Substance séduit, malgré son côté vulgaire, non pas dans ce qu’il montre (les femmes ont le droit d’être sexy et de vouloir mettre leur corps en avant, rien de choc là-dedans), mais dans sa manière de mettre tout ça en boite. Les couleurs sont pétantes, le montage est cut, les plans sont rapprochés, souvent tordus, déformés, la musique est agressive. Mais c’est le choix de la réalisatrice, qui s’avère au final payant alors qu’il aurait pu aussi être très rapidement vain. Cette approche stylistique finalement colle bien avec l’univers que le film dépeint, avec ses personnages, et avec l’expérience qu’il souhaite proposer. Pas subtile pour un sous, mais qui fait plus qu’honorablement le job.

Scénaristiquement par contre, si le concept du métrage est intéressant et qu’il pointe du doigt ce qu’il faut, on pourrait, si l’on s’arrête un peu pour réfléchir, trouver des failles par centaine. Une substance permettant de créer un double plus jeune de soi, c’est alléchant, mais jamais Elizabeth et Sue ne semblent partager leurs souvenirs, donc finalement, la gloire de l’une ne bénéficie jamais à l’autre. Du coup on peut rapidement se demander pourquoi Elizabeth n’arrête pas l’expérience quand ça commence à mal tourner. Ou même, pourquoi prendre de tels risques pour permettre à un double de vivre sa vie pendant une semaine pendant que nous, nous dormons à l’état végétatif, en attendant sagement la semaine suivante pour alterner. Oui les failles sont nombreuses dans le scénario, et il faut en réalité accepter l’univers proposé par Coralie Fargeat plus qu’essayer d’y déceler une logique de notre monde à nous. Quand au côté body horror du métrage, si ça commence doucement, comme toujours vous me direz, et que cela reste cohérent (dans son univers à lui), le film passe pour sa dernière demi-heure la seconde et là, il ne recule plus devant le spectacle déviant et grotesque que le genre est censé nous proposer. D’où un final qui divise énormément auprès du public, là où ce qui précédait séduisait (sauf les deux ou trois spectateurs choqués par la nudité). Les corps sont déformés, mutilés, ne ressemblent parfois plus à rien, le tout est en train de pourrir, le sang recouvre les murs, les figurants, Coralie Fargeat se lâche totalement dans un final débridé, voué à diviser. Car si les deux premières heures, malgré ses excentricités, parvenait à accrocher au final un public assez « large » (pour le genre), son final lui ferme la porte pour contenter l’amateur de pellicules plus déviantes, quitte à aller dans le grotesque, dans l’excès total, et à perdre tout côté dérangeant par la même occasion.

LES PLUS LES MOINS
♥ Demi Moore et Margaret Qualley, excellentes
♥ Une mise en scène vulgaire qui créé un univers
♥ Un final déviant et grotesque qui fait plaisir
♥ Un film qui se revendique de Cronenberg, de Yuzna
⊗ Scénaristiquement c’est blindé de failles et facilités
⊗ Le final déviant fascine, mais le film perd en puissance
note2
Imparfait, surtout scénaristiquement (ironique pour le prix du scénario à Cannes), The Substance néanmoins fait du bien. Il ose mutiler les corps, il ose les faire pourrir, il ose aussi les dénuder et les filmer de manière sexy et non complaisante. Un amour certains pour les corps, dans leur beauté et dans leurs travers.


Titre : The Substance
Année : 2024
Durée :
2h21
Origine :
Etats Unis
Genre :
Body Horror
Réalisation :
Coralie Fargeat
Scénario :
Coralie Fargeat
Avec :
Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid, Edward Hamilton Clark, Gore Abrams, Oscar Lesage, Christian Erickson et Robin Greer
The Substance (2024) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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