[Film] Taboo, de Nagisa Ôshima (1999)


Le Shinsen gumi, milice protégeant le Shogun, décide d’enrôler de nouvelles recrues. Pour cela, il organise un tournoi afin de déceler les bretteurs les plus doués. Pour prouver leur talent, chaque participant doit affronter l’officier Soji Okita. Le jeune Sozaburo Kano, de bonne famille et aux ambitions relativement floues, fait partie des heureux élus. Dès son entrée dans le Shinsen gumi, Kano, à la beauté androgyne, ne laisse personne indifférent.


Avis de Oli :
Kyoto, 1865. Le film se situe donc exactement au crépuscule de l’ère Edo, c’est-à-dire à la fin du règne des Tokugawa. Le tort du clan aura peut-être été d’ouvrir les portes de son pays aux étrangers (américains, anglais, hollandais et russes) tandis qu’un fort courant de xénophobie courait dans l’archipel. Débordé par les rebellions internes, le Shogunat assista malgré lui à la restauration du Pouvoir Impérial, en 1868 (début de l’ère Meiji et fin pure et simple des samouraïs).

En 1865 le clan de Shinsen gumi cherche donc de nouvelles lames afin de mater les rébellions et tenir à distance les clans de Satsuma et Chôshû (qui souhaitaient renverser le Shogun). Le film de Ōshima s’inscrit donc dans une réalité historique précise, et les personnages de Hijikata, Kondo, Okita Soji et Inoue qui apparaissent dans GOHATTO sont bien réels, ce sont eux qui dirigeaient le Shinsen gumi. Pour coller davantage à l’Histoire avec un grand H, Ōshima a bien évidemment souhaité tourner sur les lieux mêmes de ces temps troublés, minés par les tragédies, les traîtrises et les bains de sang. Si GOHATTO a donc été filmé pour une bonne partie à Kyoto, Ōshima n’a pourtant pas abusé des perles architecturales de la cité : le temple Nishi Honganji, ou encore le Nijō-jō ne s’aperçoivent que furtivement. Nous avons aussi droit à quelques scènes de studio, notamment pour la dernière séquence où le réalisateur a semble-t-il souhaité souligner le côté artificiel même du décor. Le dénouement bascule alors en pleine irréalité, le personnage androgyne interprété par Matsuda Ryūhei épouse alors encore davantage les formes d’un ange exterminateur, naviguant dans un monde qu’il se plait à tordre et distordre, faisant chavirer celui-ci du rêve érotique au plus impitoyable cauchemar.

À seulement 16 ans, le jeune Matsuda incarne avec brio l’élégant et énigmatique Kano, homme de bonne famille dont le visage de cristal va rapidement affoler les libidos de quelques-uns des membres de la milice. Désir, mort, jalousie, sexe et vengeance, on reconnaît ici les thèmes chers à Ōshima qui revient donc par la grande porte, après 13 ans d’absence derrière la caméra. Réussite plastique indéniable, GOHATTO pourrait néanmoins décevoir les spectateurs sur quelques points : si les inserts expliquant les pensées et motivations des protagonistes apportent une sympathique touche d’humour, le système des voix off est à mon avis de trop. De plus, certains pourront regretter le flou assumé dans lequel baigne parfois le film, les pensées profondes de la plupart des personnages nous échappant ainsi à plusieurs reprises.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement superbe, histoire intrigante
♥ Les petites touches d’humour
♥ Le casting
⊗ Des non-dits qui pourraient déranger

Pour ma part, ce côté « suggéré » m’a plutôt ravi, j’ai pris beaucoup de plaisir à imaginer ce que pouvaient bien dissimuler ce sourire à peine esquissé, ou encore ces quelques mots chuchotés, amoureusement à l’oreille d’un amant condamné.



Titre : Taboo / Gohatto / 御法度
Année : 1999
Durée : 1h40
Origine : Japon
Genre : Chambara / Film d’auteur
Réalisateur : Nagisa Ôshima
Scénario : Nagisa Ôshima, Ryôtarô Shiba

Acteurs : Takeshi Kitano, Ryûhei Matsuda, Shinji Takeda, Tadanobu Asano, Yôichi Sai, Jirô Sakagami, Kei Satô, Masatô Ibu

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Auteur : Oli

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