[Film] Steel Flower, de Park Suk-Young (2016)


Ha-dam, une adolescente démunie, débarque à Busan. Errant avec sa valise cassée, elle n’a qu’une volonté : se sortir de la misère. Mais sans adresse ni téléphone portable, la quête d’un job, même modeste, devient un véritable chemin de croix. Face à une société individualiste, Ha-dam va devoir se battre pour retrouver sa dignité.


Avis de Cherycok :
Né en 19723, Park Suk-Young étudie la littérature coréenne à l’université de Sogang, puis le cinéma à l’université Columbia à New-York. Il travaille ensuite comme acteur dans le film Lost & Found (2010) de Jeon Kye-Soo avant de réaliser son premier long métrage en 2014, Wild Flowers, puis Steel Flower en 2016 et enfin Ash Flower, également en 2016, complétant ainsi sa « trilogie des fleurs » qui traite du thème des adolescents en crise. Grâce à l’éditeur Badlands, le deuxième opus de sa trilogie (chaque film peut être vu indépendamment) arrive en blu-ray dans nos vertes contrées après avoir remporté de nombreux prix dans divers festivals comme le Grand Prix au 41st Seoul Independent Film Festival, celui du Prix Spécial du Jury au Festival International du Film de Marrakech ou encore celui de la Meilleure Actrice Au 36th Korean Association of Film Critics Awards. Des récompenses clairement méritées tant ce petit film indépendant coréen vous prend aux tripes et ne vous lâche pas même lorsque le générique de fin retentit.

Steel Flower est presque filmé comme un documentaire, caméra à l’épaule, au plus près de son personnage principal, tout en faisant en sorte que nous restions toujours spectateur de ce qu’il se passe. Le montage de l’introduction est haché, parfois chaotique, comme pour représenter l’état d’esprit dans lequel se trouve le personnage qu’on va suivre durant les 80 minutes restantes. Nous allons donc suivre cette jeune femme anonyme dont on ne nous explique jamais la souffrance et pourquoi elle est sans abri, une jeune fille un peu perdue, visiblement mentalement un peu instable, qui récupère dans un tupperware ce qu’il reste dans les assiettes des clients d’un restaurant, qui squatte là où elle peut pour dormir en fin de journée, qui colle comme elle peut les semelles de ses chaussures car elle n’a pas d’argent pour en changer, qui erre dans ce grand Busan impitoyable comme une âme en peine avec sa valise cassée tenant par une sangle. Son instinct de survie est là, mais pas complètement opérationnel, l’obligeant à essayer régulièrement de trouver du travail (dans un café, dans une entreprise de nettoyage, …), mais sans adresse postale et sans téléphone portable, tout devient compliqué, voire parfois impossible. Sans compter les mauvaises rencontres, engendrant des bagarres, l’abus de naïveté, voire pire, comme cette scène assez violente, intense, voire carrément déplaisante avec une femme alcoolique et revancharde dont elle aurait dû éviter de croiser la route. Sa seule échappatoire, c’est ce cours de claquettes qu’elle aime observer discrètement, reproduisant ensuite les mouvements qu’elle a vus lors de ses errances nocturnes, dans la rue, dans les stations de métro. Une façon pour elle de retrouver un peu de normalité, un peu de joie, dans cet environnement hostile qui la malmène et ne lui fait aucun cadeau.

Quand on est livré à soi-même, des choses au demeurant insignifiantes peuvent avoir une grande importance, et c’est la très discrète unique musique du film qui vient appuyer cela. La bande son a d’ailleurs une place très importante dans le film, et en particulier les bruitages qui vont en quelques sortes nous faire comprendre l’évolution du personnage. Le premier acte est rythmé aux sons des roues de sa valise cassée qu’elle trimballe avec à l’intérieur ses maigres possessions. Lorsqu’elle arrive à avoir suffisamment d’argent pour se payer des chaussures de claquettes, leur cliquetis vient prendre le dessus sur le reste, avant que cela ne vienne se mélanger aux vagues de la mer lors de la scène finale, lorsqu’elle danse au milieu des vagues pour évacuer sa douleur, interrogeant sur la suite des évènements que le film nous laisse imaginer, des évènements que le personnage affrontera avec un peu d’espoir si on en croit ce sourire qu’elle tente d’esquisser.

Jeong Ha-Dam (The Age of Shadows, Decision to Leave) livre une prestation fabuleuse malgré le côté inexpressif et le regard parfois presque vide de son personnage, laissant transparaitre son désespoir. Son personnage est réservé, facilement manipulable, sa lutte de survie en devient, pour le coup, encore plus périlleuse, et Jeong Ha-Dam arrive à parfaitement retranscrire toutes les émotions que lui font subir les difficultés que traverse son personnage, aussi bien la peur que sa ténacité. Toute son énergie est consacrée à sa survie, et c’est sans doute pour cela que la caméra s’attarde souvent sur ses pieds, son seul moyen de locomotion, et sur ses mains, son outil de survie. Steel Flower est un film intimiste, et réaliste, il est en plus presque muet, accentuant le côté oppressant mais aussi captivant de ce qui nous est raconté en images. Le réalisateur ne nous met pas à l’aise, nous contraignant, impuissants, à regarder le traitement douloureux que subit le personnage central. Cela accentue ce côté oppressant et cela créé une ambiance assez particulière constituant l’essentiel du film. Certes, le scénario n’approfondit jamais son personnage principal, et la sous-intrigue de la femme jalouse n’apporte au final pas grand-chose, si ce n’est une embuche de plus pour le personnage principal, mais l’ensemble est suffisamment riche pour que ce cri de désespoir d’une jeunesse abandonnée par une société d’adultes ait suffisamment de résonnance chez le spectateur un tant soit peu empathique. Oui, l’intrigue est mince et n’arrive jamais réellement à atteindre tout son potentiel, mais pourtant Steel Flower reste en tête, signe qu’il a réussi son pari.

LES PLUS LES MOINS
♥ Une ambiance très âpre…
♥ La performance de Jeong Ha-Dam
♥ Des scènes chargées en émotion
♥ La mise en scène documentaire
⊗ … qui pourra laisser sur le bas-côté

Steel Flower est film pas facile d’accès, clinique et austère, terriblement triste et sombre, mais qui mérite d’être vu tant ce qu’il nous raconte est prenant, captivant, fascinant, et émotionnellement fort. Une bien belle réussite !


STEEL FLOWER sort le 30 juillet 2025 chez Badlands en blu-ray au prix de 20€. Il est possible de le précommander / acheter : ICI

1920×1080 – 23,976p – Coréen DTS-HD MASTER AUDIO 2.0 et 5.1, sous-titres français.

En plus du film, on y trouve : Présentation du film par Bastian Meiresonne (43min), Bandes annonces, Livret de 28 pages



Titre : Steel Flower / 스틸 플라워
Année : 2016
Durée : 1h24
Origine : Corée du Sud
Genre : Survie dans un Busan hostile
Réalisateur : Park Suk-Young
Scénario : Park Suk-Young

Acteurs : Jeong Ha-Dam, Kim Tae-Hee, Yu ann, Park Myung-Hoon, Choi Moon-Soo


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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