[Film] Space Jam, de Joe Pytka (1996)

Il s’agit d’un cauchemar: les Nerdlucks, de méchants extraterrestres aux allures de gnomes, viennent de capturer les héros de dessins animés préférés pour redorer le blason du « Pic des Abrutis, » leur parc d’attractions qui n’attire plus grand monde!


Avis de John Roch :
Inutile de revenir sur sa carrière. Michael Jordan est et restera à jamais comme une légende du Basketball et l’un des sportifs les plus populaires de tous les temps, c’est un fait. C’est également une bénédiction pour Nike qui a trouvé son meilleur VRP pour vendre des pompes, en lançant les Air Jordan. D’abord conçues pour le Basketteur et seulement lui, la marque a commercialisé la gamme à partir de 1985 avec le succès que l’on connaît. Basket toujours, aussi bien commercialement que sportivement et vestimentairement parlant, Nike s’associe avec la Warner pour les publicités des Air Jordan VII et VIII, respectivement diffusées en 1992 et 1993, dans lesquelles His Airness fait équipe avec une autre légende, animée celle-ci : Bugs Bunny. Deux spots publicitaires que l’on peut considérer comme le point de départ de la mise en chantier de Space Jam. Il faut dire que la popularité desdits spots n’est pas tombée dans des oreilles de sourds, en l’occurrence celles de la Warner et de Ivan Reitman, producteur de la chose (qui a, sur les conseils de Robert Zemeckis, décliné le poste de réalisateur pour le refiler à un certain Joe Pytka, réalisateur de pubs et de clips dont certains de Michael Jackson), qui voient ici l’occasion rêvée de se faire de l’argent en reprenant l’association des deux icônes de la pop culture pour les placer dans un long métrage. Bien entendu Nike non plus ne va pas faire la fine bouche question placement de produit, et va en profiter pour mettre en valeur les (superbes) Air Jordan XI dans le métrage. Pas la peine de faire un dessin, Space Jam est avant tout une énorme opération commerciale dont le succès était couru d’avance. C’est aussi, et surtout, un piètre film duquel on ne retiendra au final que l’exploit technique qu’il fut en son temps. Pour ce qui est du reste, et bien pour résumer, je dois dire que c’est limite flippant de savoir que sa suite tardive, que je n’ai pas encore vu, soit considérée comme pire quand on voit la qualité de ce premier opus.

Dévasté par l’assassinat de son père, Michael Jordan se retire de la NBA et prend sa première retraite entre 1993 et 1995, années pendant lesquelles il signe en ligue mineure de Baseball. Space Jam se déroule en gros pendant cette période pas si anodine que ça puisque le rêve de James Jordan était de voir son fils devenir joueur professionnel de Baseball. On peut y voir une forme d’hommage, chose que pourrait confirmer l’introduction du métrage dans ce qui est la seule forme de sincérité qui s’en dégage. Ce seul moment qui ne tient pas de la machine à fric évacuée, Space Jam rentre dans le vif du sujet et nous envoie dans l’espace, plus précisément dans un parc attraction sur le déclin nommé Moron Mountain. Pour faire revenir du public son propriétaire, Swackhammer, cherche une attraction phare et tombe par hasard sur les Looney Tunes à la télé. Il envoie donc ses sbires méchants mais tout petits et tout mignons kidnapper Bugs Bunny et compagnie pour en faire des esclaves. Sur place, les Looney Tunes leur proposent un deal : un match de basket dont l’issue est la liberté ou l’esclavage pour les personnages de dessins animés. Ces dernier sont sûrs de leur victoire vu le gabarit de leurs adversaires mais il y a un double problème : d’une part les sbires de Swackhammer volent les skills de basketteurs de la NBA et deviennent surpuissants. D’autre part, les Looney Tunes sont vraiment cons. Non mais vraiment, pourquoi proposer un match de basket, face à des adversaires aussi chétifs soient-t-ils, alors qu’ils ne savent pas y jouer ? Bref, tout ça n’est que prétexte pour amener Michael Jordan dans le monde des Looney Tunes (qui se situe sous terre), qui se la joue un peu héros de film d’action qui refuse de rempiler pour une dernière mission, du style « je suis à la retraite, ce n’est pas ma guerre » mais qui finit par accepter tout simplement parce que les Monstars, nom de l’équipe des aliens, l’ont un peu vexé quant à sa capacité à jouer au basket.

Que le métrage soit une machine à fric à peine déguisée est une chose, mais d‘en oublier de faire un film un minimum structuré en est une autre. Alors certes, Space Jam dans la forme est un métrage très rythmé et sans aucune baisse de rythme, la présence des Looney Tunes aidant évidement grandement. On notera également quelques gags qui feront vaguement sourire, en grande partie grâce à Daffy Duck. Pour le reste, c’est surtout un énorme bordel qui n’a pas grand sens dans sa structure incohérente et son humour qui fait trop le yo-yo entre gags pour les petits et ceux pour les grands. Space Jam peut être considéré comme méta dans le sens où il se passe dans la « vrai vie » et où la grande majorité des personnages jouent leurs propres rôles, mais dans le même temps brise le quatrième mur pour nous rappeler toute les 10 minutes que c’est un film, deux procédés incompatibles qui pourtant se mélangent parfois dans la même scène. Outre cette structure étrange, l’humour l’est également et ne trouve aucun équilibre qui aurait fait de Space Jam un métrage qui plaît aussi bien aux petits qu’aux grands. On ne sait jamais sur quel pied danser, bien évidement les Looney Tunes qui enchaînent les gags avec frénésie (un peu trop même, le montage lui-même n’arrivant parfois pas à suivre) raviront les plus petits et les grands souriront peut-être parfois. Ce qui tranche totalement avec un humour plus adulte, tel ce moment où un psy demande à l’un des joueurs de basket dépossédé de ses compétences si il souffre également d’impuissance. Alors oui, quelque part c’est drôle, mais cela aurait pu être introduit de manière un peu plus subtile que ça. L’autre problème du métrage, c’est que l’humour est bien trop ancré dans son temps et dans la personnalité des « acteurs » (les basketteurs, Jordan inclus, jouent comme des pieds). Ainsi une réplique, aussi anodine soit-elle, est en réalité une sorte de private joke que seuls les Américains, et encore, auraient pu comprendre. Répliques quasiment toutes en rapport avec un placement de produit bien évidement puisque celles-ci renvoient à des pubs que les stars présentes dans le métrage ont tournées quelques années auparavant. De toute manière, l’écriture de Space Jam ne rime à rien. Il n’ y a rien de cohérent ou de structuré, aucun personnages qui pourtant sont des tête connues, n’est développé (L’introduction pour la première fois à l’écran de Lola Bunny, qui ne sert strictement à rien), c’est cousu de fil blanc et blindé de facilités scénaristiques où des personnages disparaissent et réapparaissent en mode «tadam», ce que fait d’ailleurs explicitement Bill Murray (seul personne un minimum concernée par la chose et dont la présence a un minimum de sens) lors du final. Final par ailleurs expédié en moins d’un quart d’heure alors que ce que l’on attend avant tout de Space Jam, c’est ce match de basket tant attendu. Aussi expédié que le film lui-même qui si il affiche une durée de 1h29, se conclut réellement dix minutes avant.

Alors oui, Il y avait du monde à créditer au générique de fin (je vais y venir), et encore pas sur que tout le monde ait été inclus, mais c’est surtout l’occasion de se retaper la B.O dans sa quasi intégralité histoire de vendre des disques en plus des Air Jordan et des multiples produits dérivés en rapport avec les Looney Tunes. Et question B.O, il faut psychologiquement se préparer à se manger de la dance aux morceaux déjà obsolètes mais pas encore assez anciens pour être considérés comme un clin d’œil à une période donnée (« Pump Up The Jam » de Technotronic, sérieusement ?), mais surtout la fameuse « I Believe I Can Fly » de R. Kelly. Alors OK, ce fut un tube en son temps, mais de là à se la manger trois fois, c‘est une torture qui donne carrément à un moment des frissons de honte (cette scène où Michael Jordan descend d’un vaisseau spatial avec cette musique en fond : brr !). Le seul intérêt de Space Jam, il est d’ordre technique. 18 studios et 700 personnes furent employés pour envoyer Michael Jordan dans le monde des Looney Tunes. Space Jam est également le premier film à avoir été tourné dans un studio virtuel et à même nécessité le développement de nouveaux logiciels et technologies qui deviendront canon pour les blockbusters à gros effets spéciaux qui ont suivis. Et force est de constater que sur ce point, ça fonctionne, et même encore relativement bien de nos jours. Le rendu des Looney Toons en 3D, tout en gardant leur aspect 2D, rend bien à l’écran (bien mieux qu’un chien entièrement généré par ordinateur aux proportions vraiment cheloues), et malgré quelques incrustations des acteurs aujourd’hui datées et quelques ratés (avec quelques pauses, on peut constater que le public animé du match de basket est une succession de duplication à peine cachée), ça fait tout de même encore assez illusion de nos jours. Et heureusement, ça laisse au métrage une forme d’appréciation, car en l’état Space Jam ne cache jamais la pompe à fric qu’il est, quitte à sacrifier tout le reste.

LES PLUS LES MOINS
♥ Techniquement, ça tient encore la route…
♥ un rythme de folie
♥ Bill Murray et Daffy Duck
♥ On sourit, parfois
⊗ … malgré quelques incrustations qui ont pris un petit coup de vieux
⊗ Une grosse opération commerciale à peine cachée
⊗ Le manque d’équilibre entre humour destiné aux petits et aux grands
⊗ Les gags qui s’enchaînent de manière trop frénétiques
⊗ Une structure et un scénario inexistants
⊗ La B.O qui peut donner des frissons, mais pas dans le bon sens du terme
⊗ Les basketteurs, Jordan en tête, qui jouent mal

Space Jam n’est qu’une énorme opération commerciale à peine déguisée qui a contenté tous ceux qui y ont été impliqué. Dommage que la production ait oublié qu’avant tout, c’est un film qu’elle était censée mettre en place. Reste que l’exploit technique que fut le métrage en son temps tient encore relativement bien la route aujourd’hui, parce qu’en dehors de ça, il s’agit d’un piètre métrage. Et dire que sa suite est considérée comme pire…



Titre : Space Jam
Année : 1996
Durée : 1h29
Origine : USA
Genre : Opération commerciale
Réalisateur : Joe Pytka
Scénario : Leo Benvenuti, Steve Rudnick, Timothy Harris et Herschel Weingrod

Acteurs : Les Looney tunes, Michael Jordan, Bill Murray, Dany DeVito, Wayne Knight, Larry Bird, Charles Barckley, Patrick Ewing, Larry Johnson, Shawn Bradley, et plein de stars de la NBA

Space Jam (1996) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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