[Film] Sicario, de Denis Villeneuve (2015)

La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.


Avis de Cherycok :
Denis Villeneuve est un réalisateur canadien qui en peu de temps est devenu une des étoiles montantes aux Etats-Unis, livrant des films « différents » de ce que le public a l’habitude de voir, certains le targuant même de dépoussiérer le genre Polar qui, il faut l’avouer, en a bien besoin. Que ce soit Prisoners, Enemy ou même Incendies, tous possèdent à chaque fois une ambiance très forte pouvant déstabiliser le spectateur. Son dernier film en date Sicario, auréolé de moult nominations dans de nombreux festivals, suit le même chemin et fait l’unanimité auprès de la presse spécialisée, affichant des moyennes impressionnantes sur des sites tels que IMDB (7.7/10 pour 153000 votants), Rotten Tomatoes (93% de critiques positives) ou encore Metacritic (8.1/10 sur plus de 40 critiques pro). Et c’est vrai que le résultat est tout bonnement stupéfiant. Sauf que Sicario est essentiellement un film d’ambiance. Et si on ne rentre pas dans l’ambiance d’un film d’ambiance, et bien on s’ennuie. Et là, je me suis sacrément ennuyé…

En toute objectivité, Sicario est techniquement parlant une claque. Tout semble orchestré au millimètre près et le travail fourni est dantesque. Visuellement tout d’abord, le film est une merveille. Chacun des plans affiche une photographie d’une beauté hallucinante, nous présentant des paysages semi désertiques donnant un sentiment d’étouffement, un Mexique hostile jusque dans ses reliefs et sa flore locale, écrasés par le soleil. Des plans d’une justesse sans faille aidés par une bande son tout bonnement assourdissante. Pourtant, la bande originale signée Johann Johannsson (déjà l’œuvre sur Prisonners) se fait la plupart du temps discrète, mais elle est omniprésente, parfois simplement avec quelques notes ou quelques légers bruitages mais qui pourtant mettront vos tympans et surtout votre cerveau à rude épreuve tant cela renforce la tension permanente qui se dégage du film et qui ira crescendo. Une tension psychologique lancée par la scène d’introduction, où la violence sèche et le réalisme viscéral nous présentent des personnages humains, choqués par ce qu’ils voient, pris de vomissements devant les agissements immondes des cartels d’Amérique Centrale, et pas des pseudos supers héros façon Expendables et consort. Ces personnages sont d’ailleurs magnifiquement interprétés par un casting impeccable. Que ce soit Emily Blunt (Petits Meurtres à l’Anglaise, Edge of Tomorrow), Josh Brolin (Avé César, Les Goonies) ou Benicio Del Toro (Che, Paradise Lost), tous nous montrent à l’écran une prestation d’une justesse sans faille, épatants de bout en bout. Les seconds rôles ne sont pas en reste et seul Jon Bernthal (The Walking Dead) semble un peu en deçà de ses camarades.

Denis Villeneuve nous dépeint un tableau excessivement noir et nihiliste des cartels mexicains et des méthodes punitives et à la limite de la légalité des autorités américaines, où le seul remède pour combattre la violence est la violence en elle-même, où la lutte contre les narcotrafiquants est au final complètement vaine puisqu’un mal en remplace fatalement un autre et que la seule chose qu’on puisse espérer est que ce nouveau mal soit plus facile à endiguer que le précédent. Une vision assez désespérée qui pourtant semble très réaliste dans le sens où le film de Denis Villeneuve a un coté docu fiction. En s’intéressant d’un peu plus près à la génère du film, on découvre rapidement que le scénariste Taylor Sheridan a mené pas mal d’investigations avant d’écrire son scénario, allant même jusqu’à interroger des immigrés dans les villes du désert de Chihuahua, en essayant de gagner la confiance des gens qui ont été le plus touchés par ces trafics de drogue. L’aspect très froid du film s’en retrouve pour le coup encore plus renforcé et en devient même électrisant lorsqu’on repense à cette situation qui ne semble pas avoir de fin. Il paraitrait même que la municipalité de Suarez ait porté plainte contre le film, c’est dire si l’ensemble doit être assez proche de la réalité…

Mais comme je le dis plus haut, Sicario est un film d’ambiance et uniquement d’ambiance. Et en ce qui me concerne, j’y suis resté complètement hermétique, à tel point que les deux heures du film m’ont semblé bien longues. Non pas que le visionnage eut été pénible, mais il m’a laissé quelque part un peu de marbre. Les très rares incursions dans le domaine de l’action qui auraient pu me sortir de ma torpeur sont trop brèves et sans réel suspense. On sent bien une montée en puissance, qui va certes lentement mais surement, et alors que j’attendais pour le final une explosion de violence avec un affrontement dantesque, nihiliste, sorte d’apothéose mettant un point final à toute cette tension, celui-ci est expédié en quelques secondes, sans aucun souffle épique, le film se concluant par un message un peu trop basique, pour ne pas dire « neuneu » (cf Postscriptom sur le forum). C’est une sorte de petit malaise que j’ai ressenti à l’arrivée du générique de fin, ce petit « Tout ça pour ça !?! » qui quelque part nous gêne. On repense alors à ce qu’on vient de voir et on se rend compte que le scénario est au final assez plat, sans surprise. Les personnages, aussi bien joués qu’ils soient, sont toujours à la limite du cliché, que ce soit celui de la femme flic (Emily Blunt) qui se retrouve plongée dans un monde qui la dépasse, Josh Brolin qui lui incarne le perso « cool », avec ses tongs et son chewing gum, ou encore celui de Benicio Del Toro, sorte de machine de guerre, à la fois mystérieux et dangereux. L’originalité n’est pas forcément de mise et il en ressort une certaine frustration tant le sentiment d’accomplissement auquel on s’attend est absent. C’est sans doute voulu par le réalisateur mais pour le coup, certains risquent de rester sur leur faim…

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement magnifique
♥ Bande originale
♥ Acteurs impeccables
⊗ Rythme trop lent
⊗ Scénario sans surprise
⊗ Il faut arriver à rentrer dans l’ambiance
Techniquement irréprochable, dépeignant une réalité glaçante, Sicario est l’exemple même du film faisant quasi l’unanimité mais qui m’aura laissé de marbre.



Titre : Sicario
Année : 2015
Durée : 2h02
Origine : U.S.A
Genre : Once Upon a time in Juarez
Réalisateur : Denis Villeneuve
Scénario : Taylor Sheridan

Acteurs : Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin, Jon Bernthal, Victor Garber, Jeffrey Donovan, Daniel Kaluuya, Raoul Trujillo, Maximiliano Hernandez

 Sicario (2015) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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