[Film] One For The Road, de Nattawut Poonpiriya (2022)


Boss, jeune expatrié thaïlandais, gère un bar à New York où il enchaine les conquêtes et les aventures d’un soir. Un jour son meilleur ami Aood lui apprend qu’il est atteint d’un cancer incurable et lui demande de rentrer en Thaïlande pour lui rendre un dernier service. Les deux hommes vont partir dans un ultime road-trip à travers les routes de Thaïlande où peu à peu le passé des deux hommes va se révéler.


Avis de Nasserjones :
En 2007, comme John Woo, Tsui Hark ou Ringo Lam avant lui, Wong Kar-Wai tentait l’aventure américaine. Contrairement à ses illustres prédécesseurs, Wong Kar-Wai ne fut pas obligé de passer par la case Jean-Claude Van Damme ou de diriger un produit de commande impersonnel et bénéficia d’une totale liberté pour réaliser son My Blueberry Nights. Mais comme ses prédécesseurs, le résultat fut mitigé. Certes My Blueberry Nights est loin d’être un mauvais film. On y retrouve toute la maestria visuelle du réalisateur hongkongais, toute la poésie et la mélancolie de son cinéma mais l’ensemble des spectateurs, y compris les défenseurs du film dont je fais partie, s’accordaient à dire qu’on ne retrouvait pas la magie du réalisateur dans cette transposition américaine de son univers sous forme de road-movie contemplatif. Vu la manière dont Wong Kar-Wai s’est toujours montré peu loquace concernant My Blueberry Nights (en gros il voulait juste faire un film avec Norah Jones parce qu’il adore sa voix), on peut aisément imaginer que le réalisateur nourrit quand même quelques regrets concernant ce film. C’est peut-être ce qui l’a motivé à retenter sa chance sur un road-movie mais cette fois-ci en tant que producteur.

Alors pour un road-movie, j’ai été un peu déçu par le manque de paysages de One for the Road, surtout que la Thaïlande et sa végétation luxuriante n’en manque pas de beaux paysages que les réalisateurs auraient pu mettre en avant. J’avais par exemple en tête des images inoubliables des majestueuses montagnes de l’ouest américain dans l’injustement méprisé The Sunchaser de Michael Cimino qui lui racontait le périple d’un héros atteint d’un cancer incurable. Il faut avouer qu’à part quelques plans de plages et de palmiers, on n’a finalement pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et d’ailleurs c’est le seul défaut que j’ai pu trouver au film. Même en essayant de faire preuve d’un maximum d’objectivité (chose pour laquelle je ne suis pas doué quand j’aime) je n’ai pas réussi à en trouver d’autres. Ni sa longueur de plus de deux heures, ni l’influence écrasante et assumée de Wong Kar-Wai en tant que producteur ne m’ont paru un tant soit peu dérangeants.

Ce n’est surement pas un hasard, One for the Road partage beaucoup de points communs avec My Blueberry Nights, à commencer par son point de départ. Comme ce dernier, One for the Road débute dans un bar à New-York, c’est un film très esthétique et comme dans toute l’œuvre de Wong Kar-Wai, One for the Road est un film plein de mélancolie où on retrouve cette même idée du temps qui passe inexorablement et des regrets qui vont avec. Ici l’idée du temps qui passe et des regrets de la vie est encore plus soutenue par le fait que le héros se sait condamné par un cancer et que son road-trip est une course contre la montre pendant laquelle il espère expier les fautes qui le hantent et principalement une qu’on découvrira en fin de film. C’est d’ailleurs cette grosse différence qui va permettre à One for the road de se démarquer des films du producteur hongkongais. Wong Kar-Wai n’a jamais caché son admiration pour Jean-Luc Godard et l’influence que ce dernier a eu sur son cinéma. Comme Godard, Wong est un adepte de l’improvisation et a souvent tourné sans véritable scénario, chose qu’on ressent sur beaucoup de ses films, la sensation que le réalisateur ne savait pas vraiment où il allait en débutant son tournage. Ici les scénaristes Nottapon Boonprakob et Nattawut Poonpiriya ont apporté un soin particulier à l’écriture et à travers de multiples flashbacks, ils ont construit leur film comme un puzzle où toute les pièces s’emboitent les unes avec les autres de manière très logique. A son début, la trame de One for the Road peut en effet paraître très légère. Quoi le gars va bientôt mourir et il ne trouve rien de mieux à faire que de retourner voir ses ex pour leur demander pardon d’avoir été un salaud ? Sauf que tout ceci n’est qu’un prétexte et que sa vraie motivation est toute autre et beaucoup plus profonde. Le récit qui démarre timidement va monter en puissance et ce qui à première vue semblait être un petit road-movie sympa, légèrement romantique, va s’avérer être un drame humain profond, très bien écrit. Et que dire de la dernière scène du film sur une plage déserte bouclant le film comme un rêve et achevant ce drame comme un feel good movie ? Tout simplement magnifique. Je suis sorti de ce film avec le sourire et j’espère vous avoir donné envie de le voir vous aussi.

LES PLUS LES MOINS
♥ Très beau esthétiquement
♥ Très bien écrit
♥ Une belle histoire touchante
⊗ Les paysages thaïlandais pas assez exploités pour un road movie

One for the Road est une des belles surprises asiatiques de l’année 2022. Un très beau road-movie romantique et dramatique, tourné entre la Thaïlande et New-York et marqué de l’empreinte magique de Wong Kar-Wai ici producteur.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film a été présenté en avant-première au Festival de Sundance de 2021 où il a remporté le prix spécial du jury. Il a également été sélectionné pour représenter la Thaïlande aux Oscars 2022.



Titre : One For The Road
Année : 2022
Durée : 2h07
Origine : Thaïlande
Genre : Road Movie / Drame / Romance / Fell Good Movie
Réalisateur : Nattawut Poonpiriya
Scénario : Nottapon Boonprakob, Nattawut Poonpiriya

Acteurs : Thanapob Leeratanakajorn, Nattarat Nopparatayapon, Violette Wautier, Chutimon Chuengcharoensukying, Ploi Horwang, Noon Siraphun

 One for the Road (2021) on IMDb


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Auteur : Nasserjones

Fan névrosé de cinéma HK, élevé aux girls with guns et heroic bloodsheed, j'essaye depuis quelques années de me soigner comme je peux en m'ouvrant un peu plus à des films plus intimistes et différents. Des Philippines au Kazakhstan, de la Corée à l'Indonésie, je poursuis tant bien que mal mon auto-thérapie.
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