1987, Angleterre. Javed, adolescent d’origine pakistanaise, grandit à Luton, une petite ville qui n’échappe pas à un difficile climat social. Il se réfugie dans l’écriture pour échapper au racisme et au destin que son père, très conservateur, imagine pour lui. Mais sa vie va être bouleversée le jour où l’un de ses camarades lui fait découvrir l’univers de Bruce Springsteen. Il est frappé par les paroles des chansons qui décrivent exactement ce qu’il ressent. Javed va alors apprendre à comprendre sa famille et trouver sa propre voie…
Avis de Iris :
Parce que les Anglais ont donné au monde le téléphone, l’ampoule, le vaccin, le Bluetooth, la Spitfire, les Monty Pythons, le punk, l’Habeas Corpus mais aussi le gigot à la menthe, Thatcher, le plum pudding, les chips au vinaigre, la porcelaine à l’effigie de la famille royale, Maltus, les jellied eels et Owen Farell, ils nous ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient capables du pire comme du meilleur. On se méfie donc parfois avant de se lancer dans un film même si souvent ce sont d’agréables surprises qu’on savoure tel un toffee et une tasse de thé noir. Mais que vient faire Bruce Springsteen dans le tableau ? Eh bien il vient faire rocker un peu tout ça !
Music of my life (Blinded by the light en VO… oui parce qu’il était absolument nécessaire de changer un titre anglais par un titre anglais pour que ce soit plus parlant…), c’est un film basé sur le récit autobiographique du journaliste Sarfraz Manzoor (ici Javed Khan), journaliste britannique d’origine pakistanaise, immigré en Angleterre en 1974 avec sa famille dans un trou paumé nommé Luton. Et alors que la politique de Madame Thatcher plonge l’Angleterre dans le chômage et les inégalités économiques, un ado rêve de briser ses chaines et de vivre ses rêves. Il a d’autres ambitions que celles que son père lui destine. Il a un talent, celui d’écrire. Sa professeure d’anglais va le révéler, l’encourager, le pousser. Un homme va lui donner la force de s’émanciper et d’oser se rebeller contre le carcan d’une éducation traditionnelle pakistanaise étouffante : cet homme c’est le Boss, son outil une cassette, son média un walkman. Et alors que les guitares et l’harmonica assourdissants vont imposer leur tempo tant au héro qu’au métrage, les paroles du Boss toucheront ce jeune homme et lui ouvriront des horizons insoupçonnés. Et tandis que les guitares remplacent les sitars, nous suivons Javed et sa famille dans cette Angleterre en tension.
La BO est nécessairement omniprésente, comme souvent dans ce genre de récit. Elle porte le film, guide les pas du héros comme Dieu guide Ophélie Winter. Les paroles de Springsteen vont jusqu’à composer certains dialogues du film selon l’habitude des adolescents de répondre par des citations. Et amateurs de Springsteen ou pas, on ne peut que constater qu’elle est tellement collée au propos qu’elle l’accompagne à merveille.
Les personnages sont de suite attachants, et assez justes, portés par un casting de têtes pour la plupart inconnues ou presque mais hautes en couleurs. 80’s obligent (l’action se déroule en 1987) c’est un festival de fluo, bandanas, et de coiffures dignes d’un pub Vivel Dop ou d’un clip de Culture Club. C’est un peu un revival des « années collège » qui nous permet en plus de voir le très sage Tommen Baratheon coiffé à la Robert Smith. Mais au-delà des apparences, le film se fait plus profond, plus politique, avec en trame de fond la critique d’une société abîmée par un thatchérisme impitoyable, où les difficultés économiques semblent étouffantes, où le racisme défile au grand jour désinhibé par des partis d’extrême droite qui ne se cachent plus, où les injustices s’assument, où le communautarisme semble être salvateur, où l’adolescent doit trouver sa voie sans renoncer à ses racines ou son éducation. Et c’est réussi ! De ce point de vue-là, on retrouve un peu les références distillées comme dans le film Pride. Une toile de fond assez noire en réalité mais qui n’étouffe pas le spectateur. D’aucuns diraient grâce au Boss.
On pourrait tout de même reprocher au film certaines facilités scénaristiques, un côté parfois un peu Bollywood avec une tendance à tomber dans la comédie musicale qui pourrait en rebuter certains. C’est parfois un peu mièvre, plein de bons sentiments et très très prévisible. Mais ce film hurle aux adolescents « allez-y ! suivez vos rêves ! » et fait réellement du bien. Puisqu’il est inspiré d’une histoire vraie et que son héros est réellement devenu journaliste et écrivain, c’est un peu comme un CQFD pour les plus sceptiques. Un feel-good movie bien foutu malgré ses quelques défauts.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le casting ♥ La BO ♥ La critique |
⊗ Son côté “déjà vu” ⊗ Sa mièvrerie |
Music of my life est un film qui fait sourire et réfléchir. On passe un bon moment bercé par les musiques de Bruce Springsteen. Mais malgré toute l’affection qu’on porte au héros et aux personnages, il ne passera pas le cap du divertissement sympa avec son petit côté déjà vu et son air de comédie romantique pour ados. Un poil dommage. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Le titre original du film vient de la chanson « Blinded by the Light » de Bruce Springsteen. Cette dernière n’a d’ailleurs lors de sa sortie pas trouvé le succès escompté. Elle devint mondialement connue lorsque le groupe Manfred Mann’s Earth Band en fait une reprise rock trois ans plus tard, reprise d’ailleurs vivement critiquée par Bruce Springsteen qui la juge trop rock alors que c’était au départ une balade.
• La musique originale du film est composée par A. R. Rahman. Bruce Springsteen autorise l’utilisation de 12 de ses chansons, dont certaines très rares. En effet, l’OST du film contient des titres du chanteur qui n’ont jamais été commercialisés.
• Divers clins d’œil à des films cultes / marquants des années 80 sont présents dans le film. On aperçoit par exemple des posters de Furyo (1983), Absolute Beginners (1986) et Mona Lisa (1986). Le film Rocky (1976) est également cité lors d’un échange entre deux personnages.
• Le vrai Javed dont s’inspire le film a vu plus de 150 fois Bruce Springsteen en concert.
Titre : Music of my Life / Blinded by the Light
Année : 2019
Durée : 1h58
Origine : Angleterre / U.S.A
Genre : Bruce tout puissant
Réalisateur : Gurinder Chadha
Scénario : Sarfraz Manzoor, Gurinder Chadha
Acteurs : Viveik Kalra, Dean-Charles Chapman, Lee Barnett, Kit Reeve, David Hayman, Kulvinder Ghir, Nikita Mehta, Rob Brydon, Meera Ganatra, Tara Divina