[Film] Les Vampires, de Kaneto Shindo (1968)


Une femme et sa belle-fille sont violées et tuées par un groupe de samouraïs. Ivres de vengeance, elles renaissent sous la forme d’esprits chats et jurent de tuer tous les samouraïs. Jusqu’au jour où leur victime désignée est le fils de la femme, et donc mari de la jeune femme, revenu de la guerre.


Avis de Yume :
Avec Kuroneko, Kaneto Shindo revient au genre qui lui avait apporté un succès critique avec le magnifique Onibaba quatre années plus tôt. Un retour vers le fantastique qui est loin de n’être qu’une copie de ce précédent succès puisque plus encore qu’Onibaba, Kuroneko est un véritable kaidan eiga classique dans son thème et forcément intriguant dans son traitement.

La base du film est une histoire connue du folklore japonais, que l’on retrouve dans maints films comme The Mansion of the Ghost Cat de Nakagawa ou même Blind Woman’s Curse de Ishii. Les traditions racontent qu’un chat buvant le sang de ses maîtres assassinés absorbera aussi les dernières rancœurs de ceux-ci et deviendra un monstre qui vengera ses anciens maîtres. Genre nommé bakeneko eiga ou kaibyo eiga, les films de ce type sont basés sur la vengeance pure et simple. Mais Kaneto Shindo ira beaucoup plus loin dans la réflexion, créant une intimité inédite. Formellement donc, Kuroneko est un parfait kaidan eiga, filmé de main de maître. On y retrouve tous les éléments propres au genre comme les apparitions furtives et éthérées ainsi que les morts forcément violentes. Comme en plus la photographie se révèle parfaite avec des jeux de lumières et contrastes étudiés pour donner un impact visuel fort aux apparitions fantomatiques, Kuroneko reste sur le papier un film classique. Mais en une simple question Shindo renverse le film : que se passe t’il si ces esprits ivres de sang et de vengeance se retrouvent face à un samouraï qu’ils connaissaient et aimaient dans leur vie mortelle ? Car finalement une des victimes désignées sera le fils de la femme tuée (et donc mari de la jeune femme), revenu de la guerre. On pense bien sur tout de suite à une variation sur Onibaba dans lequel le fils ne revenait pas.

Les rôles sont complètement inversés et ce sont les deux femmes qui meurent. D’ailleurs, en clin d’œil, Kaneto Shindo commence son Kuroneko par un plan sur un champ de roseau. Mais là où Onibaba sombrait dans la relation bestiale à base de sexe et de haine, Kuroneko se fait sensuel. Sensuel et complexe. La vengeance sera-t-elle plus forte que l’amour. Shindo apporte les deux réponses. Toutes aussi tragiques l’un que l’autre, bien sûr. Et par-delà le cruel dilemme intérieur qui ronge les protagonistes, on retrouve un thème habituel dans la filmographie de Kaneto Shindo. En effet sous ces aspects de kaidan eiga, Kuroneko se veut aussi une critique sociale, où le samouraï n’est pas montré sous son côté doré d’apparat, mais plutôt comme lâche, violent et arriviste.

LES PLUS LES MOINS
♥ Très bonne mise en scène
♥ Visuellement très beau
♥ Les apparitions fantomatiques
♥ La critique sociale
⊗ …
Kuroneko est un superbe film. Shindo livre ici une pièce maîtresse du kaidan eiga, dont il détourne cependant les usages pour s’intéresser à la psychologie des personnages. Le film a néanmoins moins d’impact que son prédécesseur, Onibaba, car beaucoup moins cru et vif. Pourtant Kuroneko est un film à voir, absolument. Son coté sensuel et envoûtant ne peut laisser indifférent.



Titre : Les Vampires / Kuroneko / 藪の中の黒猫
Année : 1968
Durée : 1h35
Origine : Japon
Genre : Bakeneko
Réalisateur : Kaneto Shindo
Scénario : Kaneto Shindo

Acteurs : Kichiemon Nakamura, Nobuko Otawa, Kiwako Taichi, Kei Satô, Hideo Kanze, Taiji Tonoyama, Yoshinobu Ogawa, Rokko Toura

 Les vampires (1968) on IMDb


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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