[Film] La Tour Du Diable, de Jim O’Connolly (1972)

Deux pêcheurs accostent sur la petite île de Snape Island, où se dresse un phare isolé. Sur place, ils découvrent les cadavres de trois adolescents, ainsi qu’une survivante. Visiblement terrorisée, la malheureuse est conduite dans un hôpital psychiatrique. L’une des victimes, retrouvée empalée par une lance en or phénicienne, provoque la curiosité d’un groupe d’archéologues, qui décident de monter une expédition sur l’île.


Avis de John Roch :
A l’instar du Grand Inquisiteur, La Nuit Des Maléfices ou The Wicker Man, La Tour Du Diable fait partie de ses films qui ont mis un coup de pied dans la fourmilière de l’horreur à l’Anglaise. Au début des années 70, la Hammer est en perte de vitesse. L’horreur gothique et les grandes figures de fantastique n’attirent plus autant de spectateurs, et la concurrence émerge pour proposer quelque chose de nouveau dans le cinéma de genre British, une réinvention qui passe par plus de modernité, de sexe et de violence pour s’aligner sur une production horrifique qui n’a plus peur de choquer. Encore plus quand une production est à la fois pensée pour le publique Anglais et Américain. La Tour Du Diable est produit par l’Anglais Richard Gordon, qui a bossé avec Terence Fisher ou Freddie Francis et a permis de vendre des métrages Britanniques en les adaptant aux exigences du marché Américain, et Norman T. Herman, Américain à la tête de la branche Anglaise de AIP. L’aventure La Tour Du Diable commence mal puisque les producteurs rejettent le scénario écrit par George Baxt (scénariste de La Cité Des Morts et Le Cirque Des Horreurs) jugé trop comique par des producteurs qui voulaient un film dans l’esprit du cinéma d’exploitation. Le scénariste réécrit donc son script pour en supprimer l’humour, renforcer le côté graphique des meurtres et inclure plus de nudité. Scénario validé, plus qu’a trouvé un réalisateur capable de travailler rapidement et efficacement, et à gérer des tournages en studio avec budget serré. Norman T. Herman et Richard Gordon jettent leur dévolu sur Jim O’Connolly, qui venait de terminer La Vallée De Gwangi pour Ray Harryhausen. Si son titre de gloire restera ce western sauce dinosaures, Jim O’Connolly livre avec La Tour Du Diable un film qui certes pourra paraitre vieillot et ne surprendra personne aujourd’hui après six décennies de productions horrifiques qui nous séparent de sa sortie initiale.

Mais remis dans le contexte de son époque, La Tour Du Diable est un métrage intéressant qui témoigne de la mutation de l’horreur Anglaise, quelque part entre tradition de l’épouvante gothique et modernité amenée avec le cinéma d’exploitation. Le film peut même être considéré comme précurseur avec des éléments qui préfigurent le slasher movie. Avec de superbes décors et une ambiance gothique, on pourrait s’attendre à ce que l’une des créatures du bestiaire fantastique débarque comme dans tout bon Hammer, mais il est question ici d’un massacre perpétré sur une île où trône un phare. La première partie de La tour Du Diable est étonnante en cassant sa narration en deux intrigues : ce qu’il s’est passé et ce qu’il va se passer. Pour se faire, on assistera à une succession de flashback nous relatant le funeste destin d’une bande de jeunes touristes américains venus passer la nuit dans un lieu de mauvaise réputation, et à la présentation d’une équipe qui part en expédition sur l’île. La seule arme du crime étant prémisse à une découverte archéologique majeure, l’équipe se compose de chercheurs et d’un détective privé qui est là pour lever le voile sur ce qu’il s’est réellement passé sur place. Une équipe dont on retiendra surtout les histoires de sauteries car La Tour Du Diable, pensé avant tout comme un film d’exploitation, pousse l’érotisme aussi loin que la censure Anglaise le permettait, quitte à alourdir le rythme.

Heureusement ils reprennent leurs rôles plus sérieusement dans une seconde partie plus linéaire qu’une première qui surprend par son montage aussi nerveux pour l’époque que cohérent, tout autant que de petites et discrètes mais efficaces scènes gores, mais qui permet aujourd’hui de constater que La Tour Du Diable était en avance sur son temps. Lieux réputé maudit, tueur caché dans l’ombre, meurtres à l’arme blanche, tueur tapi dans l’ombre, vue subjective qui observe et attaque… avec La Baie Sanglante sorti l’année précédente, La Tour Du Diable est aujourd’hui considéré comme les prémices du slasher movie, et à raison tant il instaure des règles qui seront le cinéma d’horreur de demain. Le film reste néanmoins ancré dans son temps en restant atmosphérique et livre de beaux moments d’épouvante grâce à une mise en scène appliquée et une très belle photographie. En mélangeant épouvante, nudité, meurtres graphiques et codes qui annonçaient le slasher movie, La Tour Du Diable peut paraître daté mais demeure une œuvre singulière, un film de transition témoignant de la réinvention du cinéma d’horreur Anglais.

LES PLUS LES MOINS
♥ Techniquement carré
♥ A la fois un film d ‘épouvante et un slasher avant l’heure
♥ Un film qui témoigne du renouveau du cinéma d’horreur Anglais
♥ La première partie qui surprend par sa narration
⊗ Un rythme qui baisse parfois

En mélangeant épouvante, nudité, meurtres graphiques et codes qui annonçaient le slasher movie, La Tour Du Diable peut paraître daté mais demeure une œuvre singulière, un film de transition témoignant de la réinvention du cinéma d’horreur Anglais.


La Tour Du Diable est disponible en Combo Blu-ray DVD chez Rimini Editions pour 24.99€.

En plus du film, on y trouve Derrière la Brume : une présentation du film par Eric Peretti et un livret de 24 pages écrit par Marc Toullec.



Titre : La Tour Du Diable / Tower Of Evil
Année : 1972
Durée : 1h29
Origine : Angleterre
Genre : Proto slasher
Réalisateur : Jim O’Connolly
Scénario : George Baxt et Jim O’Connolly

Acteurs : Bryant Haliday Jill Haworth Mark Edwards, Jack Watson, Anna Palk, Derek Fowlds, Dennis Price, Anthony Valentine, Gary Hamilton, George Coulouris


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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