[Film] Elmer, Le Remue-Méninges, de Frank Henenlotter (1988)

Brian fait la connaissance de Elmer, une mystérieuse créature. Pour vivre, Elmer a besoin de dévorer des cerveaux humains, et Brian devra lui fournir ses futures victimes.


Avis de John Roch :
Retour dans le monde de Frank Henenlotter avec son second long métrage : Brain Damage, ou Elmer le Remue-Méninges chez nous. Malgré le succès de Frère de sang, six ans séparent les deux films, qui ont plusieurs points en commun : nouveau duo dont l’un est un homme et l’autre un monstre ; chambre d’hôtel crasseuse ; balade dans les rues toutes aussi crasseuses du New York pré-Giuliani. Pourtant, la comparaison s’arrête ici, Brain Damage n’est pas un Frère de sang bis, après une plongée de deux frangins dans la 42ème rue, Henenlotter nous parle ici du New York des camés, celle où la coke est depuis un bout de temps la « drug of choice » des Yuppies, et surtout celle où le crack fait des ravages dans les ghettos, cette époque où les messages du genre « say no to drugs » et autres « winners don’t take drugs » inondent la télé. Et bien Frank Henenlotter, avec un budget de 900000 dollars (un blockbuster comparé au 35000 de Basket Case) et une bande d’inconnus qui le resteront (exception de Rick Hearst qui se fera une place à la télé dans des rôles à rallonge dans des soaps tels que Hôpital Central ou Amour Gloire et Beauté), a lui aussi un message anti-drogue à faire passer, à sa manière. Brain Damage commence dans l’appartement d’un couple en apparence banal et propre sur lui. Monsieur ramène le repas que madame assaisonne d’herbes, de la cervelle achetée chez le boucher du coin destiné au troisième habitant des lieux qui a disparu. Paniqué, le couple recherche désespérément cet individu qui semble spécial, si spécial que les vieux changent rapidement de comportement et se transforment en junkies en pleine crise de manque. Au même moment dans l’appartement du dessous, Brian va faire la connaissance de cet habitant si spécial, voir indispensable : Elmer. Ce dernier propose à son nouvel hôte une vie sans angoisse, sans problème et avec des étoiles plein les yeux en lui injectant un liquide bleu dans le cerveau, en échange d’une balade pendant laquelle la créature va casser la croûte en dévorant de la cervelle humaine.

Pas la peine de faire un dessin, la relation Elmer/Brian est une allégorie de celle entre un dealer de drogue dure et un consommateur, Henenlotter va avant tout se concentrer sur cette relation. De ce fait, il y a très peu de personnages secondaires, et ceux-ci sont tout juste caractérisés sans pour autant être développés. Aux cotés du couple de vieux qui est toujours à la recherche d’Elmer et de personnages qui sont le repas de ce dernier, il n’y aura que le frère et la petite amie de Brian qui feront des apparitions ponctuelles dans l’intrigue. Ce choix de ne pas développer les personnages plus qu’ils ne le sont (choix qui est également fait pour Brian : bien qu’il soit le protagoniste, on fait sa connaissance en même temps qu’Elmer, sans aucun background pour s’y attacher avant sa transformation physique et mentale) est un petit défaut sans vraiment en être un, puisqu’ils remplissent leur fonction première : représenter le lien social que va perdre Brian. Henenlotter va faire passer son protagoniste par tous les stades d’un junkie : de la rupture des liens sociaux, à la sensation de manque, en passant par une tentative ratée de sevrage jusqu’au point de non retour qu’est l’overdose. Lors de ma redécouverte de la filmographie de Frank Henenlotter, j’avais lors de ma chronique de Frère de Sang premier du nom évoqué le coté dramatique du scénario qui prenait le dessus sur le coté gore et trash, ce qui a joué sur l’appréciation d’un métrage qui, il faut le reconnaître, a tout de même pris un sacré coup de vieux, mais dont la qualité du script qui décrivait la déchirure de deux frères est néanmoins restée intacte.

Avec Brain damage, le cinéaste confirme qu’il sait raconter une histoire. Passé son coté trash et gore par moments assez dégueulasse (la fameuse scène de la fellation, coupée dans de nombreux pays à sa sortie, vaut le détour), et sa créature mi-ver, mi-étron et mi-phallus, c’est encore une fois le coté dramatique du script qui surprend et prend le dessus. Cette histoire de descente aux enfers d’un junkie, Henenlotter la raconte avec sérieux et premier degré, pleine de détails qui ne sont pas laissés au hasard (Brian est l’anagramme de brain ; l’hôtel dans lequel le héros se réfugie a pour nom Sunshine, terme utilisé pour définir un trip hallucinogène…). Des hallucinations dues à la sensation de manque, à une séquence onirique étrange où Brian et Elmer ne font qu’un, en passant par ce qui est le point d’orgue du film, à savoir la partie très glauque dans un hôtel miteux où Brian tente de se sevrer, avant de supplier Elmer de lui donner sa dose, chose qu’il fera si son client lui rapporte une victime, dans une scène de douche qui représente ni plus ni moins que la prostitution d’un junkie en manque, on ne rit jamais devant Brain Damage, bien au contraire, la déchéance du personnage principal fonctionne parfaitement. Alors oui, Brain Damage a, tout comme Frère de Sang (dont les héros viennent faire un coucou), vieilli sur certains aspects, notamment un Elmer au look cartoonesque en demi-teinte, parfois crédible mais par moments pas du tout qui témoigne d’un manque de pognon, mais la très belle photographie, la réalisation parfois surprenante (le premier trip de Brian et la première apparition de Elmer ont franchement de la gueule), et le sérieux du traitement du thème rapporte tout les suffrages, pour ce qui reste à ce jour et probablement pour toujours le meilleur film de Frank Henenlotter, qui est décidément un cinéaste bien plus intéressant que l’étiquette trash qui lui a été attribuée ne le laisse entendre.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le duo Elmer/Brian
♥ La photographie
♥ Un vrai film sur la descente aux enfers d’un junkie
♥ Un scénario vraiment bien écrit
♥ Parfois très trash
⊗ Ça a un peu vieilli sur certains aspects
Très bien écrit, toujours sérieux dans le thème abordé et par moments bien trash, avec Elmer, le Remue-Méninges, Frank Henenlotter signe un film surprenant, son meilleur, qui montre une fois encore après Frère de Sang que le réalisateur est bien plus intéressant que sa réputation de cinéaste du gore et du mauvais goût ne le laisse entendre.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Franck Henenlotter a pris de la cocaïne et à accouché sur papier ses expériences qui se retrouvent dans le film.
• La voix d’Elmer est non-créditée au générique. La créature a été doublée par John Zacherle, présentateur télé et animateur radio spécialisé dans le fantastique et l’horreur, bien connu des amateurs du genre aux États-Unis.
• Le premier montage durait 66 minutes. Henenlotter a rajouté des scènes qu’il avait au départ coupées pour atteindre la durée d’une heure et demi.



Titre : Elmer, le remue-méninges / Brain Damage
Année : 1988
Durée : 1h28
Origine : U.S.A
Genre : Say no to drugs
Réalisateur : Frank Henenlotter
Scénario : Frank Henenlotter

Acteurs : Rick Hearst, Gordon MacDonald, Jennifer Lowry, Theo Barnes, Lucille Saint-Peter, Vicki Darnell, Joseph Gonzalez, John Zacherle

 Elmer le remue-méninges (1988) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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