[Film] Demons 2, de Lamberto Bava (1986)


Dans un immeuble ultra-moderne, la jeune Sally, en l’absence de ses parents, fête son anniversaire avec un groupe d’amis. A la télévision, un film d’horreur est diffusé, illustrant la prophétie des démons. Quelques jeunes gens explorent une zone sinistrée et découvrent le cadavre d’une créature démoniaque. Une goutte de sang ramène le monstre à la vie. Alors que chacun dans le gratte-ciel vaque à ses occupations, le démon assoiffé de sang du film surgit de la télévision de Sally et l’attaque. C’est le début d’une horrible contagion : alors que l’immeuble se retrouve sans électricité, ce qui bloque toutes les issues, les habitants tentent d’échapper aux démons qui sont toujours plus nombreux…


Avis de Ghoulish :
Gros succès de l’année 1985, ‘Démons’, film d’horreur généreux, stylé et nerveux, semble être une nouvelle poule aux œufs d’or pour Dario Argento le producteur et Lamberto Bava le réalisateur. Quoi de plus logique que d’engager le tournage d’une suite très rapidement ? Il faut battre le fer tant qu’il est chaud, comme on dit. D’autant plus que le cinéma fantastique italien, d’une manière globale, commence sérieusement à se rabougrir. Le duo fonce et met en boîte ‘Démons 2’ en 1986, en profitant pour reprendre à quelques exceptions près la même équipe : Sergio Stivaletti et Rosario Prestopino aux maquillages et effets spéciaux, Gianlorenzo Battaglia à la photographie, Dardano Sacchetti et Franco Ferrini à l’écriture, quelques acteurs (Bobby Rhodes, Pasqualino Salemme) … Le compositeur Claudio Simonetti, ex Goblin, est remplacé par l’anglais Simon Boswell, qui est encore inconnu, et qui nous livrera plus tard des merveilles comme les bandes originales de ‘Santa sangre’, ‘Hardware’ et ‘Petits meurtres entre amis’. Même si tout est un peu (trop) précipité, la belle équipe est motivée, bien capable de livrer un film réussi, malgré un but uniquement commercial. Ce qui n’empêche pas un soin artistique hérité de l’école argentesque.

Précisons d’emblée que ‘Démons 2’ n’est pas une véritable suite à proprement parler. En effet, le lien par rapport au premier se fait uniquement par la voix-off du début, qui explique vaguement l’attaque du cinéma et l’invasion qui suit, puis fait une ellipse en concluant vite fait ‘Les forces du mal furent vaincues’. L’autre rapport se fait via le film dans le film, où la zone sinistrée et interdite se raccroche au chapitre précédent. Mais c’est tout : rien d’autre ne nous est expliqué sur ce qu’il s’est passé, alors qu’à la fin de l’opus 1, les démons commençaient à envahir le monde. Une facilité scénaristique qui rapproche donc plus cette ‘suite’ du remake immédiat, puisque ce ‘Démons 2’ va suivre à la séquence près le schéma du premier film.
Résumons brièvement : un huis-clos dans un grand bâtiment dont toutes les issues se retrouvent bloquées (le cinéma dans l’original, le méga gratte-ciel ici ), un film d’horreur qui va directement agir sur la réalité, des personnages stéréotypés de tous bords qui vont tenter de fuir, un groupe de punks extérieur qui ne sert pas à grand-chose, une issue finale incertaine pour quelques rescapés… Rien ne manque, c’est la même chose, seul le décor change, ainsi que quelques éléments. La télévision remplace donc cette fois l’écran de cinéma. Ce n’est pas un masque démoniaque qui blesse une jeune femme et dont on retrouve une variante à l’écran, mais directement un démon ressuscité dans le film qui va surgir d’un poste de télé pour agresser sa victime ! Lamberto Bava dit s’être inspiré de ‘La rose pourpre du Caire’, mais la séquence à l’écran rappelle beaucoup ‘Vidéodrome’, grâce à un effet spécial plutôt réussi.

Si ‘Démons 2’ représente plus une relecture du premier avec quelques variantes et nouveautés, il demeure néanmoins un peu inférieur, surtout techniquement. On sent très bien la précipitation du tournage. Si Sergio Stivaletti et son comparse Rosario Prestopino assurent toujours au niveau des effets et maquillages gores, tout n’est pas aussi convaincant que dans le premier. Le look des démons change quelque peu : plus de bave verdâtre, mais un visage verdâtre cette fois. On sent pourtant que, si le look est dans l’ensemble réussi, certains maquillages semblent un peu trop vite tartinés sur les comédiens. Pareil pour le gnome à la gremlin, lui aussi bien fichu, mais pas toujours très bien animé (voire pas du tout, notamment sur certains plans larges). Cette petite bestiole remplace le démon qui surgit du dos de Paola Cozzo dans le premier film, surgissant quant à lui du ventre d’un pauvre gamin transformé en démon ! Par contre, les fausses têtes restent toujours saisissantes, envoyant ad patres les effets infographiques d’aujourd’hui. La transformation de Sally et celle du chien restent de grands moments d’horreur visuelle, Stivaletti maîtrisant toujours aussi bien les animatroniques. Niveau gore par contre, excepté quelques fulgurances (joue arrachée, dos griffé, démons écrabouillés contre un mur par une voiture), le métrage se montre plus timide que son modèle. Economie ? Sans doute.

Ce qui cloche surtout ici, même si ce n’est pas très important car le film ne prétend rien d’autre que d’être un pur divertissement, ce sont les personnages, encore plus esquissés et stéréotypés que dans l’original. On retrouve de nouveau Bobby Rhodes, qui incarnait Tony, dans un tout autre rôle, celui d’un professeur de musculation. Il s’agit du personnage le plus intéressant du lot, puisqu’il va, comme dans le précédent chapitre, prendre les rênes de la situation mais puissance dix. Rhodes s’impose directement chef du groupe de survivants, et il faut bien dire qu’à l’écran, le comédien, bien à fond, écrase d’emblée tous ses partenaires par sa présence plutôt intense. Le héros (il s’appelle George, comme Urbano Barberini dans le premier !), est incarné quant à lui par David Edwin Knight, un ancien mannequin, qui, malgré un certain charisme, ne fera pas de réelle carrière au cinéma. Son personnage est à demi sacrifié, car il passe une bonne moitié du film… coincé dans un ascenseur ! Bon, d’un autre côté, c’est avec la jolie Virginia Bryant (‘Les barbarians’ de Ruggero Deodato), mais, vu qu’elle est totalement hystérique, c’est pas de bol…
Un dialogue particulièrement drôle (en VF, du moins), c’est la rencontre (pour la deuxième fois), entre Knight et Bryant dans l’ascenseur. Lui : – Bonsooiir !! (avec classe et politesse). Elle, avec un petit sourire coquin : – Saluuut !! T’as fini toi aussi ?? (genre, c’était bon la baise ??). Lui : – Je vous demande pardoon ??? A mourir de rire !!!
La copine du héros, Anna, c’est aussi un mannequin, Nancy Brilli, que l’on retrouve la même année dans le mésestimé slasher ‘Body count’ de Deodato. Son personnage est enceinte, ce qui nous rappelle fortement ‘Zombie’, le film de Romero auquel ‘Démons’ empruntait déjà beaucoup.

Les autres acteurs, ni super bons mais pas spécialement mauvais non plus, sont des habitués du Bis italien de l’époque : Coralina Cataldi Tassoni incarne Sally, passant plus de temps en démon baveux qu’en mode normal, elle qui tâte déjà du monstre gluant dans ‘Evil clutch’, puis qui sera victime l’année suivante du tueur sadique du ‘Opéra’ d’Argento. Pasqualino Salemme (chef des loubards dans ‘Démons’, gardien de l’immeuble ici) reprend aussi du service, le petit Marco Vivio (‘Jusqu’à la mort’, le téléfilm de Bava) incarne le gosse transformé en créature démoniaque (par contre, un nain le remplacera à ce moment), on aperçoit brièvement Marina Loi (qui se fera dévorer les gambettes dans ‘Zombi 3’, malgré l’intervention de Massimo Vanni)…
Mais le plus marquant, et les fans de la comédienne le savent sûrement, c’est la toute première apparition à l’écran d’Asia Argento, l’une des deux filles de Dario, fille de Daria Nicolodi donc, qui a donc à peine onze ans ! Même si son nom est bien mis en avant au générique, son personnage est assez anecdotique et ne lâche que quelques répliques. Néanmoins, la gamine se révèle déjà douée. Asia se souviendra d’ailleurs longtemps de ‘Démons 2’, avouant en interview que, pour son premier film, elle était plutôt terrorisée : imaginez-vous, à onze ans, même en présence de votre père sur le plateau, coincée dans une bagnole, dans un parking souterrain en feu, entourée de dizaines de démons bavant du sang marron en grimaçant comme des fous furieux ? Hum, ça c’est de l’expérience. Sacré Dario !
Lamberto Bava, quant à lui, fait une apparition (hors de l’immeuble), dans le rôle du père de Sally, grommelant à sa femme qu’il n’aurait pas dû laisser l’appartement à la gamine qui risque de faire un peu le bordel. Un rôle plus consistant que sa simple apparition quand il sort du métro dans le premier ! Amusant.

En parlant de parking souterrain, c’est le gros point fort du film : le siège avec une grosse partie des protagonistes se déroule ici, avec barricades de bagnoles, feux, assauts musclés, plus un carnage final efficace. Cascades très réussies à l’appui, avec crissements de pneus (si particuliers dans les parkings souterrains), sauts, empilement bordélique de bagnoles, BMW explosée contre un mur (argh !!!). D’ailleurs, la marque n’a pas de chance, puisque le véhicule des loubards, une BMW (info : les loubards se rendent chez Sally, même s’ils n’ont pas été invités, mais qu’un gars leur a dit oui en croyant bien faire, mais que Sally ben elle fait la gueule, car le chef c’est Jacob et c’est sûrement un ex petit ami pas très gentil, bref fermeture de parenthèse) se viande méchamment devant l’immeuble (alors qu’ils devaient arriver à la fête de Sally, et qu’ils rentrent dans la tuture des parents du gosse qui s’inquiétaient, c’est ballot !!), en profitant lors du choc pour se transformer en un autre modèle de BMW (seuls les connaisseurs le verront). Du coup, le suspense engendré par la présence de nouveaux protagonistes qui pourraient peut-être donner l’alerte tombe complètement à plat, puisque ces personnages vont être totalement zappés après ce passage !
Et ce n’est pas le seul trou : la fin (attention SPOILER) nous laisse assez perplexes. George fait exploser le groupe de démons grâce à une turbine de gaz dans l’escalier de l’immeuble, il se barre par les toits avec Anna grâce à son matériel d’escalade, mais Sally, décidément increvable, les rejoint à plusieurs reprises, puis finit néanmoins par succomber dans un petit studio de télévision, désert, où Anna accouche. Selon B ava, une mouture du scénario prévoyait que le gosse naisse directement démon, mais l’idée fut abandonnée. Le couple, heureux, rejoint l’extérieur, s’embrasse, et puis… fin !!! Contrairement au premier film, on ne saura donc jamais si les démons ont réussi à envahir la ville. Une sacrée ellipse qui nous donne la sale impression d’avoir loupé une bobine entière !!! ‘Démons 2’, c’est un fidèle des ellipses. Mais passons.

Autre gros bon point du film : la musique, autant sur la composition instrumentale que sur le choix des chansons. Simon Boswell succède très bien à Claudio Simonetti, nous livrant une partition très électronique mais diablement efficace, avec des morceaux d’ambiance très inquiétants (‘Life in TV’), d’autres plus groove (‘Demons’s groove’, tiens donc), quelques thèmes rock (excellent ‘Sally’s garage’, plus le main title ‘Demonica’), bref, un régal de tous les instants, une vraie BO flippante, teintée de nappes atmosphériques frissonnantes et qui resteront fidèles aux futures compositions de Boswell (notamment dans ‘Bloody bird’ de Michele Soavi et dans ‘Hardware’ de Richard Stanley). Le plus, ce sont les chansons, moins axées métal comme dans le premier film, plutôt axées rock gothique cette fois. On retrouve le formidable groupe Dead Can Dance et la voix ensorceleuse de Lisa Gerrard (accompagnée par son comparse Brendan Perry) pour le sublime ‘De profundis’, ainsi que The Cult (‘Rain’, entendu dans le film dans ses deux versions), Gene loves Jezebel (‘Heartache’), les cultissimes The Smiths (‘Panic’), Fields of the Nephilim (‘Power’), Love and Rockets (‘Kundalini express’) et Art of Noise (‘Backbeat’, que je ne suis jamais parvenu à identifier dans le film).
Avec une telle bande originale, le film grimpe en qualité. Et, malgré des défauts évidents, il demeure toujours très distrayant, très bien photographié (on retrouve une nouvelle fois les démons aux yeux lumineux dans un couloir sombre, sur le morceau de Dead can dance SVP, ça en jette), techniquement réussi, avec en plus un nom prestigieux aux costumes : Nicola Trussardi, très réputé en Italie. ‘Démons 2’, ça reste donc un excellent film d’horreur, l’un des derniers représentants d’une magnifique époque, époque que l’on aimerait tant retrouver… Certes, la nostalgie parle, mais des films comme ça, franchement, on n’en fait plus.

Pour la vidéo, tout comme le premier volet, ‘Démons 2’ débarque à la location VHS chez UGC vidéo (grande jaquette bleue), puis à la vente chez le même éditeur deux fois, dont la dernière dans la fameuse collection ‘Cauchemar’ (petites jaquettes). En DVD, la France n’est pas trop gâtée, puisque les différentes éditions successives (la première avec le magazine Mad movies, la seconde dans la collection digipack slim ‘Les grands classiques de l’horreur’, puis un coffret bipack avec le premier) présentent toutes le même disque, une copie certes très correcte, mais en 4/3, uniquement en français et sans le moindre supplément. Toujours pas de Blu-ray à l’horizon, alors que les deux films sont disponibles en haute définition à l’étranger depuis plusieurs années. Arrow en Angleterre dégaine le premier, et sort, en même temps que ‘Démons’, un ‘Démons 2’ restauré en Blu-ray d’un très bel effet, en coffret et à l’unité. Anglais et italien pour les langues, plus pas mal de bonus inédits. Les USA s’y mettent un peu plus tard, via Synapse films, en ressortant les deux films en HD via des copies encore plus belles (les copies Arrow souffrent d’une colorimétrie un peu fade). Encore aujourd’hui, pour (re)découvrir les deux ‘Démons’ dans les meilleures conditions, comptez sur Synapse. Zone A uniquement et aucune option française, mais finalement, est-ce vraiment utile pour tout connaisseur du film ?

Quant à la BO, deux LP et un CD sortent dès 1987 : un LP (Beggars banquet) en Italie, un autre au Japon (Apollon), puis un CD au Japon aussi (toujours chez Apollon). On y retrouve la composition de Simon Boswell (parfois planqué sous des pseudonymes comme Caduta Massi et The Producers) ainsi que toutes les chansons. Ce CD, devenu rare, reste assez cher sur les sites de vente en ligne. Le label italien Rustblade records ressort en 2019 le LP et le CD de cette BO, mais propose uniquement la composition de Simon Boswell (avec quelques morceaux absents des éditions précédentes, mais pour la plupart disponibles sur la compilation ‘Argento vivo n°2, quant à elle éditée il y a longtemps chez Cinevox records). Le LP est au choix en version rouge limitée et en noir. Le CD se présente sous la forme d’un joli digipack.

LES PLUS LES MOINS
♥ Bien rythmé
♥ Bande originale magnifique
♥ Effets spéciaux toujours impressionnants
♥ Photographie au top
⊗ Plusieurs grosses ellipses qui handicapent le récit
⊗ Personnages trop simplistes
⊗ Plus sobre en gore que le premier
⊗ Quelques bugs techniques (l’animation du gnome)
Malgré un léger recul en qualité par rapport au film original, plus quelques ellipses scénaristiques pas toujours heureuses, ‘Démons 2’ parvient aisément à remplir le cahier des charges de la série B d’horreur. Ambiance inquiétante, rythme soutenu, effets spéciaux réussis, on ne s’ennuie pas, l’influence de Dario Argento se faisant ressentir sur bien des plans. Un vrai film d’horreur efficace, qui ne s’embarrasse pas de personnages complexes, mais qui va droit au but, livrant au passage des moments de suspense et de tension hyper efficaces, et des effets spéciaux de plateau comme on n’en fait plus. La belle époque.



Titre : Demons 2
Année : 1986
Durée : 1h29
Origine : Italie
Genre : Horreur/Gore/Monstres
Réalisateur : Lamberto Bava
Scénario : Dardano Sacchetti, Franco Ferrini, Dario Argento, Lamberto Bava

Acteurs : David Edwin Knight, Nancy Brilli, Coralina Cataldi Tassoni, Bobby Rhodes, Virginia Bryant, Asia Argento, Marco Vivio, Pasqualino Salemme, Giovanni De Nava, Marina Loi

 Démons 2 (1986) on IMDb


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Auteur : Ghoulish

Contaminé par le cinéma d'horreur depuis l'âge de sept ans ( avec 'La nuit des vers géants' de Jeff Lieberman ), Ghoulish ne l'a plus lâché depuis, tout en se passionnant pour d'autres genres ( policier, action, western, aventure, plus bien sûr fantastique et SF ). Ghoughoul a touché à la ( micro ) réalisation et a joué dans une paire de courts-métrages. Il se consacre davantage à l'écriture ( chroniques, nouvelles ). Cinéastes fétiches ? George Romero, Dario Argento, Lucio Fulci, Tobe Hooper, Stuart Gordon, Sam Peckinpah, Jacques Deray, Henri Verneuil.
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