« Francesco Dellamorte, jeune homme solitaire et dépressif, est le gardien d’un cimetière bien spécial : au bout de 7 jours, les cadavres se réveillent et quittent leur tombe en quête de chair fraîche. Accompagné du fidèle Gnaghi, un simplet ne s’exprimant que par l’onomatopée « gna », Francesco se charge de les remettre en terre…
Avis de Rick :
Ah Dellamorte Dellamore et moi, une longue histoire d’amour, puisque j’avais découvert le film à l’époque sur Canal +, avant de me prendre des années plus tard le dvd français. Le genre de film qui limite devient meilleur avec les années, puisqu’au fur et à mesure que les années passent et que l’on connaît de nouvelles choses, on regarde des hommages, des clins d’œil, de nouveaux degrés de lecture. Et puis on comprend vite que Dellamorte Dellamore est LE chef d’œuvre de Michele Soavi, ancien assistant de Dario Argento dont les précédents films ne constituaient que des essais. Oui, Michele, il avait été assistant sur Ténèbres, Phenemona, Opera, et même sur quelques films de Terry Gilliam (Les Aventures du Baron de Münchhausen, et plus tard Les Frères Grimm). Et quand il se lance dans la mise en scène, il est produit par des noms connus. Joe D’Amato produira son premier film, le slasher/giallo Bloody Bird, sympathique malgré de gros défauts évidents. Puis Argento produira ses deux films suivants, qui montrent déjà que le réalisateur veut aller vers un cinéma plus surréaliste, faisant moins appel à une narration classique. Mais comme s’il avait les mains liées, les deux films auront le cul entre deux chaises, laissant trop de place à une intrigue pourtant bancale. Cela donnera Sanctuaire et La Secte. En 1994, c’est Dellamorte Dellamore qui débarque, sans Argento ni D’Amato à la production, avec un budget de 3 millions d’euros, et Michele Soavi peut enfin faire ce qu’il veut. Et vu le résultat… et bien laissez le faire ce qu’il veut le petit !
Dellamorte Dellamore nous raconte donc l’histoire de Francesco Dellamorte, gardien du cimetière d’une petite ville, ainsi que de son assistant Gnaghi, qui ne dit que Gna. Tout à fait normal, sauf que dans ce cimetière, 7 jours après l’enterrement, les morts reviennent à la vie. On se retrouve donc devant un mélange de comédie et d’horreur pure, avec des zombies qui veulent s’échapper du cimetière, un Francesco désabusé qui cherche l’amour où il ne faut pas, un assistant stupide qui tombera amoureux d’une tête coupée, et d’une galerie de personnages secondaires toujours en plein décalage, comme si le métrage ne se déroulait pas dans notre univers mais dans un univers alternatif où tous les rouages auraient besoin d’être un peu graissés pour fonctionner normalement. Si dans les faits, l’on pourrait résumer Dellamorte Dellamore à un simple film d’horreur un peu rigolo, ce n’est absolument pas le cas, autant dans le fond que dans la forme.
Le fond tout d’abord. Les thèmes sont plutôt nombreux, et surtout les niveaux de lectures le sont tout autant. Dellamorte Dellamore ne pourrait être en fait qu’une histoire d’amour triste, celle de notre héros qui n’a vraiment pas de bol, et renverra son idéal féminin sur chaque femme qu’il croisera. Chacune de ses conquêtes prendra donc l’apparence de Anna Falchi, et il faut dire qu’elle a du potentiel la dame. Malheureusement, pas de bol, elle se fera tuer une fois. Et cela va rapidement faire perdre pieds à Francesco. C’est en quelque sorte le début de sa descente en enfer, de son mépris total pour beaucoup de choses, et de sa nouvelle tendance, qui consiste aussi bien à tuer les vivants que les morts. Francesco n’a aucune prise sur le monde qui l’entoure, il le subit plus souvent, et il se retrouve à être en quelque sorte le seul être normal au milieu d’autres personnages étranges.
Le métrage nous parle donc bel et bien du monde, de la déception amoureuse, et de la perte de contrôle de soi-même de la part de Francesco. Le tout dans un univers parfois un peu burlesque, et avec un humour présent très souvent. Et un aspect bis tout aussi présent, puisque les zombies sont nombreux, et on aura même un biker zombie sortant de sa tombe en chevauchant sa moto et une tête volante zombifiée ramenant au tristement mauvais Zombie 3 de Bruno Mattei. Mais ce qui vient sublimer un scénario assez complexe, ce sera bel et bien la mise en scène de Michele Soavi, qui inonde son film d’hommages à la peinture (The Lovers II de René Magritte, L’île des Morts de Arnold Böcklin et j’en passe), de plans surréalistes, de certains autres plans vertigineux. Oui, quand la mise en scène sublime un scénario, cela donne un métrage rythmé, passionnant, et qui peut divertir autant que faire réfléchir. Et c’est sans doute la raison pour laquelle Dellamorte Dellamore a marqué les esprits et se bonifie avec le temps. Il n’est pas la simple série B fun qu’il aurait pu être, il est bien plus dans ses thématiques, si bien qu’on veut sans mal lui pardonner ses quelques rares plans un peu cheap (la tête coupée qui s’envole, un ou deux câbles voyants à l’image pour faire voler des lucioles) pour se focaliser sur l’important, c’est-à-dire le voyage proposé. Voyage qui ne s’arrête pas avec la fin du film, puisque la scène finale vient nous poser quelques questions supplémentaires et nous prouve que le film a bel et bien des choses à nous proposer au delà de son statut de film de genre. Et pour cela, je suis bien triste que Dellamorte Dellamore soit presque le dernier film de Soavi, puisque par la suite, il n’aura signé que des téléfilms, des épisodes de série, et 2 petits films très difficiles à trouver. Avec ce métrage, Soavi était au sommet de son art, et prouvait que le cinéma Italien pouvait encore proposer de grands films (ce qui était, en 1994, plus franchement le cas depuis des années). Culte, passionnant, et toujours aussi bon vision après vision ! GNA !
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Un film passionnant ♥ Et un film fun également ♥ Sublime bande son ♥ Une mise en scène fort intéressante ♥ Les degrés de lecture |
⊗ Quelques plans un peu cheap |
Meilleur film de Michele Soavi, grand film de genre Italien des années 90 (un des seuls ?), Dellamorte Dellamore amuse autant qu’il peut faire réfléchir, mélange habilement les genres, les thèmes, et passionne toujours autant. |
Année : 1994
Durée : 1h45
Origine : Italie / France / Allemagne
Genre : Fantastique
Réalisation : Michele Soavi
Scénario : Gianni Romoli d’après le roman de Tiziano Sclavi
Avec : Rupert Everett, François Hadji-Lazaro, Anna Falchi, Mickey Knox, Fabiana Formica, Clive Riche, Katja Anton et Anton Alexander
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