[Film] City Cops, de Lau Kar-wing (1989)


Deux inspecteurs pas trop futés (Michael Miu Kiu-waiShing Fui-on) reçoivent comme mission d’êtres les gardes du corps d’un fugitif (Kent Tong) rechercher à la fois par le FBI et des gangsters. Lorsqu’il file entre leurs doigts, les policiers n’ont pas d’autre choix que de surveiller sa sœur (Suki Kwan). Quand des gangsters kidnappent la jeune femme, une inspectrice du FBI (Cynthia Rothrock) vient à la rescousse.


Critique
Lau Kar-wingCynthia Rothrock

Shing Fui-onMickael Miu-wai
Michiko NishiwakiMark Houghton


Avis de Yves Gendron :

Parmi la dizaine de films que Cynthia Rothrock fit à Hong-Kong, City Cops/Beyond the Law est un des moins connus. C’est pourtant le film dans lequel Rothrock croise le fer avec une autre dame du genre « girls with guns » : Michiko Nishiwaki. Il s’agit là de son second et dernier duel de Rothrock contre une autre amazone martiale dans un de ses films hongkongais après celui de Karen Shepard dans Righting Wrong.

Lors d’une entrevue, Rothrock a décrit sa participation à City Cops comme suit : une partie du film avait déjà été tourné et ça ne sortait pas très bien. « Ils » (les producteurs/metteur en scène présumément) se sont alors dit qu’en engageant Cynthia Rothrock ça sortirait peut-être un peu mieux. Rothrock a travaillé environ une semaine sur City Cops dont elle n’a pas conservé grand souvenirs et ignorait le titre anglais.

CONTEXTE HISTORIQUE : UNE HISTOIRE DE FLIC

Au départ, City Cops n’a pas été songé comme un film girls with guns. Comme bien des productions made in HK, il a plutôt commencé comme le calque d’un film à succès; dans ce cas-ci, Tiger on the Beat mis en scène par Lau Kar-leung. Centré sur un pair de policiers ahuris (l’un d’eux joué par nul autre que Chow Yun-fat), Tiger a su combiner dans un mélange détonnant tant la comédie bouffonne, que le film d’action et le polar violent. Le film connut un tel succès qu’il s’est élevé au cinquième rang du box-office local pour l’année 1988. La réussite du film aura vraisemblablement amené le propre frère de Lau Kar-leungLau Kar-wing à vouloir faire un film dans le même genre, vu qu’il était également un réalisateur.

City Cops est le film que Lau a tourné. Sa trame générale est en fait presque exactement la même que Tiger on the Beat : une paire de policiers fanfarons d’un côté, des gangsters de l’autre et une jolie fille sexy prit entre les deux. Ici les deux policiers sont joués par Shing Fui-on et Miu Kiu-wai. Alors que le premier est surtout connu en occident pour ces rôles d’affreux notamment pour le classique The Killer, le second pourrait être décrit comme un Chow Yun-fat de second ordre, un acteur beau gosse et versatile capable de jouer autant les figures tragiques que les bouffons. C’est lui qui a remplacé Charlie Chin dans la série des Lucky Stars y reprenant le rôle de séducteur de pacotille, un type de personnage qu’il reprend pour City Cops.

Lau a dû penser que mettre ces deux comédiens ensemble pour jouer une paire de flics ahuris pourrait être drôle, mais hélas, cela s’est avéré une fausse bonne idée. Pris avec des gags éculés, stupides ou de mauvais gouts (sur le Sida ou les travesties par exemple) de même que des personnages sommes toutes peu sympathiques, Shing et Miu font de bien piètres larrons et les épisodes comiques du film tombe passablement à plat.

Que la comédie ne soit pas trop bonne et le récit des plus conventionnels est un peu surprenant quand l’on considère que le script de City Cops est de Barry Wong vu comme un des meilleurs scénaristes du cinéma de Hong Kong des années 80 et début 90. Il faut quand même considérer que City Cops était un des huit scénarios qu’il a écrits en 1989.

La venue de Rothrock ajoute un élément girls with guns dans l’ensemble déjà passablement hétéroclite de City Cops. Bien qu’elle ait été engagée pour énergiser les scènes d’action du film, l’actrice est elle-même impliquée dans quelques sketchs comiques qui comme tout le reste ne décollent pas ou sont juste trop grotesques. Comme Rothrock ne connaissait pas le cantonais et mimait ses dialogues, elle n’avait probablement pas une grande idée de ce qui se passait en fait dans une scène. Le grand gag concernant son personnage est que le flic joué par Shin tombe amoureux d’elle et il flirte en l’appelant affectueusement « Honey ».

SCENES D’ACTION : ROTHROCK A LA RESCOUSSE.

Heureusement, Rothrock est employée de bien meilleure façon dans les scènes de combat. Le premier survient 5 min dans le film et consiste surtout en une série de fusillades. Se déroulant dans un immeuble délabré plongé dans noir, la séquence bénéficie d’une atmosphère visuelle ténébreuse au vif éclat rouge et vert.

Par la suite, Rothrock a à faire face entre autres à un sabreur japonais qu’elle finit par contrer avec l’emploi bref, mais efficace d’une paire de saïs. Elle se mesure également contre un gangster martial joué par nul autre que Mark Houghton le propre disciple de Lau Kar-leung, qui était alors en début de carrière dans ses apparitions d’homme de main gweilos.

Le gros morceau d’action du film survient lors du dénouement quand Rothrock fait face à Michiko Nishiwaki dans un vaste entrepôt (le champ de bataille typique dans les films d’action des années 80). Tout comme Rothrock, Nishiwaki a vraisemblablement été engagée à la dernière minute pour rehausser le film. D’ailleurs, elle n’apparait que dans trois scènes incluant celle de l’affrontement final. Malgré la brièveté de ses apparitions, Nishiwaki fait une superbe impression avec l’intensité de son regard et son costume mao tout blanc.

Le duel est relativement bref, mais assez spectaculaire. Alors que Rothrock est une artiste martiale, Nishiwaki est une championne de culturisme qui se double d’une gymnaste extrêmement flexible. Le combat des deux dragonnes met bien en valeur les qualités physiques distinctes des deux actrices. Le duel devient encore plus tourbillonnant lorsque l’homme de main joué par Mark Houghton s’en mêle.

Miu et Shing participent également au dénouement, Miu se débrouille fort bien avec une mitraillette et un peu de kung-fu alors que Shing plus simplement abat des truands avec un revolver.

Bien que le film ne présente pas les meilleures prestations de Rothrock, ses combats n’en constituent pas moins les meilleurs éléments du film et de loin. Si, tel qu’escompté, l’implication de Rothrock (et de Nishiwaki) sauve City Cops du désastre, il n’en demeure pas moins que le film est des plus inégal.

CONCLUSION

Ultimement, City Cops ne semble pas avoir fait grande impression lors de sa sortie. Ainsi au classement annuel de Hong Kong pour l’année 89, il s’est positionné au 108 rang, soit 103 positions plus basses que Tiger on the beat le film qu’il cherchait à imiter. Il s’est également retrouvé trente-quatre positions plus basses que l’autre film de Rothrock présenté cette année-là Blonde Fury.

Cela dit, l’expérience peu concluante de City Cops ne découragea pas Lau Kar-wing qui réalisa en 1990 un autre film de policiers ahuris excepté que celui-ci mettait en vedette Sammo Hung et Mak Karl : Skinny Tiger and Fatty Dragon. Ce film-ci connut un meilleur succès, surpassant même au box-office la suite de Tiger on the Beat toujours réalisé par Lau Kar-leung.

City Cops est disponible de nos jours sur YouTube (voir plus bas). La plupart des critiques évaluant le film suggèrent de sauter tout droit sur la scène d’action pour s’éviter un affligeant spectacle d’humour lamentable. C’est une démarche que je recommande également. L’action de Rothrock, Nishiwaki et même d’un jeune Mark Houghton (qui a pris la succession martiale de Lau Kar-leung depuis le décès de ce dernier en 2013) en vaut la peine.

Yves Gendron (1 novembre 2018)


Note : City Cops n’a pas de titre français connu. Flics urbains est la traduction du titre anglais. Les autres titres anglais du film sont Beyond the Law (Au-delà de la loi) et Free Fighter (Le Combattant libre). Aucun de ces titres donne une idée du film. Le titre chinois (donc le vrai titre) est Miao Tan Shuang Lung ce qui signifie « Le magnifiques duo détectives dragons » est plus imagé, mais au vu des héros ahuris qu’il présente passablement faux.





Bonus HKCinemagic : 

Fiche du réalisateur Lau Kar-wing :

Fils de Lau Cham, frère de Lau Kar Leung et oncle Lau Kar Yung, Lau Kar Wing a moins marqué les esprits que son prestigieux aîné mais a tout de même réussi à se constituer une très bonne filmographie, encore plus variée que celle de Kar Leung.

Formé comme il se doit au Hung Gar, Kar Wing suit le même parcours que son grand frère. Il débute comme cascadeur pour des Wong Fei Hung avec Kwan Tak Hing puis intègre la Shaw Brothers. Après plusieurs années en tant que cascadeur, il passe à la chorégraphie au début des années 70. Parmi ses titres de gloire, on trouve La Main de Fer ou The Boxer From Shantung. Soyons tout de même honnête, ces films valent plus pour leur thématique ou leurs délires ponctuels que pour les chorégraphies concoctées par Kar Wing.

En 1976, il joue dans The Good, The Bad And The Loser, une production indépendante, première réalisation de Maka et parodie des films de Kung Fu de l’époque. Ce film marque le début d’une collaboration fructueuse entre les deux hommes auquel viendra se rajouter l’excellent Sammo Hung. A 3, ils formeront la Gar Bo. La compagnie produira les sympathiques Dirty Tiger, Crazy Frog, His Name Is Nobody et surtout le chef d’oeuvrissime Odd Couple (que Lau réalise). Sammo fera aussi appel à Kar Wing pour les besoins de Warriors Two, un cameo d’action, et surtout Knockabout, où il interprète un redoutable maître de Kung Fu sans pitié.

Cette volonté d’indépendance, ici exprimée par rapport à la Shaw, est une constante plus générale de l’homme. Ainsi, bien qu’il fasse partie de la Lau team, il ne collaborera qu’assez peu avec son grand frère, bien moins que Gordon Lau par exemple. Un choix qu’on peut vraisemblablement expliquer par la peur de Kar Wing de rester dans l’ombre de son frère aîné. Ses meilleurs travaux pour Kar Leung sont incontestablement dans Shaolin Mantis (le patriarche voulant protéger sa famille) et Legendary Weapons Of China (hallucinant combat contre son frère aîné). Mais Kar Wing, continuant de travailler pour la Shaw, utilisera aussi l’équipe mise en place par son frère pour ses propres réalisations au service de la compagnie de Sir Run Run. Ses plus grandes réussites à ce niveau, ce seront surtout Treasure Hunters et Warrior From Shaolin.

Quand la Shaw est inexorablement en déclin, suite à des choix de productions malavisés, au début des années 80, Kar Wing va essayer de se diversifier pour s’adapter aux nouvelles exigences du public local. Il délaissera les films de Kung Fu qui ont fait sa gloire pour réaliser, à la Shaw ou ailleurs, toute une série de films à tendance fantastique comme The Fake Ghost Catchers ou Those Merry Souls. Parallèlement, on le retrouvera aux commandes des chorégraphies d’Aces Go Places II, gros succès commercial de la Golden Harvest. Une orientation judicieuse, commercialement viable, mais qui ne lui permettra pas de s’imposer comme un réalisateur incontournable de l’industrie cinématographique Hongkongaise.

La Shaw définitivement hors jeu, il se met au service de son ami Sammo pour l’assister sur quelques chorégraphies et parfois apparaître devant les caméras (My Lucky Stars, où il est l’un des fugitifs recherché par Jackie et Yuen Biao). Mais l’homme a plus d’ambition et, soutenu par Sammo, essaye de se mettre à son compte. On peut ainsi le retrouver aux commandes des combats de films variés : Prison On Fire, You’re My Destiny, The Romancing Star… Il tente surtout de réaffirmer son importance à la réalisation. Le résultat sera inégal. Scared Stiff fait un score honnête au box office mais rien de plus. The Dragon Family, avec son casting mélangeant nouvelle génération d’acteurs et anciens de la Shaw et son orientation Heroic Bloodshed (alors à la mode), sera lui un petit succès. Mais son travail d’après, Skinny Tiger & Fatty Dragon, sonnera le glas de sa carrière de réalisateur. Reconstitution du trio de la Gar Bo, le film devait être un succès assuré. Hélas, tous les trois sur la pente descendante, Skinny Tiger & Fatty Dragon n’enregistrera que des recettes modérées. Kar Wing abandonnera définitivement sa casquette de réalisateur après ce semi échec.

Sa carrière de chorégraphe va, elle aussi, connaître un sérieux revers au début des années 90. Embauché par Tsui Hark sur Once Upon A Time In China, il se voit débarquer en milieu de métrage au profit de Yuen Cheung Yan. Décidemment, Kar Wing semble avoir fait son temps et il va progressivement se retirer du monde du cinéma. On pourra continuer à le voir en tant qu’acteur dans une poignée de films des années 90 mais il s’agit la plupart du temps de coups de main donnés à des amis. En 1999, il fera un quasi come back en jouant dans 4 films mais aucun ne lui permettra de se refaire une place au soleil dans l’industrie.

Aujourd’hui, il semble avoir définitivement quitter le business.

Arnaud Lanuque (juillet 2004)


Cynthia Rothrock :

Cynthia Rothrock est un cas à part dans l’industrie cinématographique Hongkongaise. Là où la plupart des gweilos sont cantonnés à de vagues seconds rôles ou à jouer les méchants qui se font dérouiller par le héros Chinois, Cynthia a quasiment toujours joué des personnages de gentils et dans des rôles de premier plan. Née aux USA à Scranton dans le Delaware (USA), elle commence les arts martiaux à l’age de 13 ans. Elle se lancera dans la compétition et raflera bon nombres de titres devenant, entre autres, championne du monde de Karaté (armes et formes) de 1981 à 1985, un record toujours inégalé depuis. Elle est repérée au cours d’une audition par le producteur Ng See Yuen (producteur de Snake In The Eagle’s Shadow et Ninja In The Dragon’s Den entres autres). Bien qu’il soit venu aux USA pour chercher de nouveaux artistes martiaux masculins, Ng est suffisamment impressionné pour lui faire signer un contrat sur le champs.

Quand Cynthia se rend à Hong Kong elle n’a aucune idée du film dans lequel elle va se retrouver et l’importance de son rôle. La demoiselle a de la chance car elle se retrouve en haut de l’affiche pour ce premier film en compagnie d’une autre nouvelle venue (elle n’avait été que dans 2 films avant celui là). La co-star c’est Michelle Yeoh, le film Yes Madam !. Véritable prototype du genre Girls With Guns , le film fait un carton et propulse Cynthia sur le devant de la scène. Elle va alors enchaîner les rôles de flics dans des films d’actions mettant en valeur ses impressionnantes qualités martiales. Elle se voit même offrir la possibilité d’affronter Jackie Chan dans Mister Dynamite (Armour of God) mais la blessure de ce dernier au cours du tournage va chambouler le planning et, finalement, elle se retrouve à la place à affronter Yuen Biao dans l’excellent Righting Wrongs, un de ses meilleurs films.

Au bout d’une dizaine de films à Hong Kong elle préfère retourner aux USA, les difficiles conditions de travail locales ainsi que le peu de variété de ses rôles y étant pour beaucoup. China O’Brien était supposé être sa grande arrivée sur le territoire US mais le film ne fait pas un grand score (avec Robert Clouse comme réalisateur aussi, il fallait s’y attendre…). Depuis ce temps, Cynthia est une habituée des films sortant directement en vidéo et est devenu, comme beaucoup des gweilos de la base, une importante  » star des vidéoclubs « .

Arnaud Lanuque (octobre 2002)

Lien : vous pouvez lire une interview de la belle blonde chez nos confrères de HKMANIA/DSR.


Shing Fui-on

Avec sa gueule patibulaire, sa grande taille et ses mauvaises manières, Shing Fui On fut l’un des plus célèbres méchants du cinéma hongkongais des années 1980-1990.

Fils de paysans catholiques, Shing Fui On eut une enfance très pauvre. Il avait une sœur aînée et cinq frères. La fratrie se battait sans cesse pour un morceau de gras ou pour avoir la couverture la nuit. Shing quitta l’école à 13 ans parce que ses parents n’avaient plus les moyens pour payer ses frais de scolarité. Son premier job, il le trouva… au studio de la Shaw Brothers. Il y débuta comme simple manutentionnaire, devint ensuite accessoiriste puis assistant de chef-opérateurs, tout en faisant un peu de figuration.

Shing Fui On le reconnaissait lui-même : son adolescence et sa vie de jeune adulte étaient celles d’un voyou. A 17 ans, il quitta la Shaw Brothers. Avec trois potes de la zone, le voilà transformé en videur dans des night-clubs à Mongkok. Bagarres, mauvais coups, Shing était alors bien connu de la police. Il fit partie des gangs, était membre de triades. Impliqué dans une sale affaire, il fut même condamné à quatre ans de prison. Son arrestation eut lieu juste après la venue au monde de son premier enfant. Libéré deux ans après pour bonne conduite, il entendit son fils le traiter de voyou à son retour à la maison. Il s’est alors juré de reprendre le droit chemin.

Il retourna dans le milieu de l’audio-visuel. Homme à tout faire sur les plateaux, figurant, il fut même assistant chorégraphe auprès de Bruce Leung, qui était une vedette sur la chaîne RTV/ATV et un pote d’un de ses frères aînés. A la même époque, il se fit remarquer par un certain Danny Lee. On est à la fin des années 1970, Danny Lee était alors une star de la Shaw Brothers et ambitionnait de créer sa propre société de production. Il cherchait à s’entourer d’amis comédiens capables de l’épauler également sur le plan de la production. C’est ainsi que Shing Fui On devint acteur de second rôle et parfois technicien dans les premières productions de Danny Lee au début des années 1980 – à côté d’autres gueules comme Wong Ching, Kent Cheng, Lung Tin Sang, Tommy Wong Kwong Leung ou encore Parkman Wong, qui se sont connus à la Shaw Brothers pour la plupart.

Selon Shing Fui On lui-même, sa première véritable expérience de comédien, il l’obtint sur The Law Enforcer de Danny Lee (1986), où il avait un rôle important pour la première fois de sa carrière. L’expérience fut difficile mais enrichissante pour Shing. Son jeu d’acteur était catastrophique aux yeux de Lee, qui ne cessait de l’engueuler durant tout le tournage. Un jour, Lee avait même failli l’étrangler : il venait de bousiller la superbe Porsche de la production. Shing Fui On était payé au lance-pierre, mais il s’en moquait, conscient que la réussite était au tournant avec ce rôle. Et il avait raison. Son interprétation lui permit d’être nominé au Hong Kong Cinema Awards du meilleur second rôle cette année-là. Depuis lors, Shing vouait une profonde reconnaissance à Danny Lee, qu’il considérait comme son « maître ». C’est ainsi qu’il prit fait et cause pour Lee quand celui-ci reprochait à Stephen Chow (à qui il donna sa première chance au cinéma aussi) son ingratitude…

Le public et les professionnels commençaient à se souvenir de la tête de truand de Shing Fui On. Il reçut de plus en plus de propositions ; neuf fois sur dix, il était le mauvais personnage de l’histoire. Sa carrure (1.85m), sa démarche rustre, ses sales manières, sa voix vociférante et ses mimiques menaçantes firent de lui l’un des méchants les plus mémorables et les plus populaires du cinéma hongkongais des années 1980. Shing Fui On se targuait d’être dans le « Top 4 » des plus grands bad guys du cinéma de Hong Kong de cette époque, aux côtés de Roy Cheung, William Ho Ka Kui et Tommy Wong Kwong Leung : en effet, ces quatre types incarnaient alors d’ultimes « raclures » aux yeux du public.

L’apothéose viendra avec The Killer de John Woo (1989), où Shing fera face au célèbre duo formé par Chow Yun Fat et Danny Lee. Avec ce film, il entra dans le club très envié des méchants de cinéma les plus haïs par les spectateurs. On dit que le public hurlait de colère et réclamait de vive voix sa mort pendant les projections, face à ce qu’il faisait subir aux héros à l’écran ! Au cinéma, Shing Fui On avait d’ailleurs l’habitude de mourir d’atroces façons après avoir commis bien des abjections, et en général bien achevé par le héros du film. Il révéla que, bien souvent, pour faire des économies, les producteurs refusaient d’engager des doublures pour les seconds rôles : Shing se retrouvait réellement blessé à de multiples reprises lors des tournages.

Grâce à quelques brèves mais marquantes apparitions comme dans Chase A Fortune de Liu Wai Hung (1985) ou dans Prison On Fire de Ringo Lam (1987), Shing Fui On gagna le surnom de Daai So/Big Crazy/Grand Taré. En réalité, on l’appelait déjà ainsi quand il était môme, car il était déjà un peu barge. Ce sobriquet allait lui coller à la peau jusqu’à la fin de ses jours. D’abord avec une connotation un peu péjorative, il acquit au fil du temps un sens affectueux, en épousant l’évolution de la carrière de Shing. En effet, comme tout comédien qui se respecte, Shing Fui On cherchait à s’échapper de son image de gros méchant cinglé assez caricatural. Le voilà comique, bon père de famille ou même… brave flic. Dans ses apparitions publiques, il se révélait être un bonhomme simple et drôle.

L’étoile de Shing Fui On brilla jusqu’au début des années 2000. Payé 100 à 200 HK$ à ses débuts, il obtenait désormais entre 500 000 et 1.000 000 de HK$ sur chaque projet. Abonné aux seconds rôles, Shing réussissait parfois à se hisser jusqu’en haut de l’affiche, comme dans The Blue Jean Monster d’Ivan Lai en 1991. Avec le déclin du cinéma de Hong Kong vers la fin des années 1990, Shing Fui On se tourna vers la télé… et le marché chinois. Il devint comédien à la TVB avant d’entamer une seconde vie professionnelle en Chine continentale. Au début des années 2000, Shing Fui On, qui avait pris un agent chinois, fit une belle petite carrière sur le continent en tournant dans des séries télévisées, des publicités et… en devenant chanteur – deux ou trois «tubes» sur l’amitié ou le sens de l’honneur quand même ! Shing Fui On prétendait avoir joué dans 350 films et 600 épisodes de feuilletons télévisés durant toute sa carrière. Mais était-ce son éducation chrétienne, ou un reste de pudeur ? Toujours est-il que Shing apparaissait peu dans les productions de catégorie 3 de la grande époque.

Shing Fui On menait un grand train de vie dans les années 1990. Il dépensait alors sans compter, pour nourrir sa famille et ses nombreux parents proches, mais aussi pour entretenir sa cour composée d’amis, de bras droits, de parasites ou de starlettes… Il avait des affaires dans la restauration à Hong Kong et en Chine. Il reconnaissait lui-même qu’à cette époque, il assumait un rôle de « big boss ». Ayant des relations, il aidait certains amis et comédiens à sortir du pétrin. Nick Cheung, par exemple, lui doit une fière chandelle. Il devint « père adoptif » pour comédiennes en herbe, qui étaient alors protégées des convoitises de truands.

Venu de la campagne, Shing Fui On n’avait jamais renié ses origines. Au faîte de sa gloire, il se fit élire maire du village de Nam Wei, dans le district de Sai Kung, où il a grandi. Il s’était même présenté aux élections législatives de Hong Kong. Ayant des ambitions, et soucieux d’effacer les épisodes obscurs de son passé, Shing Fui On cultivait alors une image de brave gars proche des gens, « faux méchant de cinéma », bon chrétien ayant connu la rédemption, en apparaissant dans des émissions télé populaires ou dans des manifestations d’œuvres caritatives.

Sportif, Shing Fui On était aussi connu à Hong Kong pour ses participations aux courses d’automobiles, son autre passion avec le cinéma. Il avait couru à Macau, en Thailande, au Japon et dans bien d’autres pays d’Asie. Il avoua que l’expérience des compétitions à l’étranger lui avait montré que les pilotes chinois avaient encore beaucoup à apprendre. Il possédait jusqu’à six bolides. Il était également un pilier de l’équipe de foot composée d’artistes de l’Île. C’est ainsi qu’il devint très ami avec Alan Tam, Eric Tsang, Law Kar Ying, Andy Lau ou encore Wan Chi Keung – comédien, ancienne star du ballon rond et mentor de l’équipe. Il prétendait être un très bon gardien de but (« C’est Law Kar Ying qui était mauvais à la défense », avait-il l’habitude de plaisanter ).

En 2004, sur le tournage de Himalaya Singh de Wai Ka Fai, Shing Fui On saigna du nez. Un examen médical lui révéla alors la présence d’un carcinome nasopharyngé, à un stade avancé. Les médecins lui donnaient quatre mois de vie. Finalement, il remporta une victoire miraculeuse contre sa maladie, mais en sortit très affaibli… et appauvri. Pour venir à bout de cette tumeur « grosse comme un œuf de poule », Shing Fui On était prêt à dépenser toute sa fortune personnelle. Le capital amical fondait également comme neige au soleil. Sa maladie lui permit de faire le tri dans ses relations. Les vrais mais rares amis sont restés à ses côtés. Un jour, il discuta avec Wan Chi Keung (qui luttait contre le même mal) et lui avoua qu’il était au bord de la ruine et qu’il se faisait du souci pour ses proches, craignant un malheur prochain. Wan se proposa alors de lui payer ses frais de soins. Trop fier, Shing n’osait pas emprunter auprès des amis qui lui restaient. Il était obligé de retravailler. Mais le sachant malade, les propositions se firent désormais rares. Il réussit encore à décrocher quelques rôles à la télévision et au cinéma. On le vit ainsi, physiquement très diminué, dans The Detective des frères Pang en 2007 ou dans Bodyguard: A New Beginning de Cheung Chee Keong en 2008. Il s’investissait de nouveau dans les bars et restaurants, avec plus ou moins de succès. Clopin-clopant, Shing Fui On essayait de reprendre une vie normale, avec la crainte d’une résurgence du mal. Ayant le sens de l’humour, il aimait à faire des blagues sur les cancéreux en compagnie d’un autre ancien malade, son pote Law Kar Ying.

Au printemps 2009, c’est la rechute. Shing Fui On dut être admis aux soins intensifs en juillet. Le sachant mourant, ses plus proches amis comme Nick Cheung, Alan Tam ou encore Eric Tsang venaient souvent lui rendre visite. Tous espéraient une nouvelle rémission. Ils prétendaient devant les journalistes que Shing allait incessamment sortir d’affaire. Mais le second miracle n’a pas eu lieu. Shing Fui On décéda au Hong Kong Baptist Hospital, dans la nuit du 27 août 2009 vers 23h45, entouré des siens…

VTL (Août 2009) – Sources : Sina et Baidu


Michael Miu Kiu-wai

Originaire de Chiekangese en Chine, Miu Kiu Wai émigre rapidement vers Hong Kong, ville où il effectue la majeure partie de ses études. Très vite, il signe un contrat d’engagement avec la télévision locale, la célèbre T.V.B., qui, conformément à sa sa politique interne, le contraint à suivre quelques cours afin de développer ses qualités d’acteur. A cette époque, Miu Kiu Wai, Felix Wong, Andy Lau, Tony Leung Chiu Wai et Ken Tong sont considérés comme les jeunes acteurs les plus importants de la chaine et sont surnommés les « cinq Tigres de la TVB ». Pour la télévision, Miu Kiu Wai tourne en 1981 The Lonely Hunter, téléfilm qui le rendra célèbre avant d’enchaîner en 1984 avec la série The Fearless Duo souvent considérée par la presse locale comme l’une de ses meilleures prestations.

En 1981, Miu Kiu Wai délaisse pour la première fois le petit écran en tournant dans Centipede Horror, un film d’arts martiaux aujourd’hui oublié. Par la suite, il recontrera un certain succès en remplaçant Charlie Chin dans la série des Lucky Stars (Twinkle, Twinkle Lucky Stars, Lucky Stars Go Places, Return of the Lucky Stars et How To Meet the Lucky Stars). Néanmoins, malgré un physique avantageux, Miu Kiu Wai ne percera jamais réellement au cinéma, ne jouant la plupart du temps que dans des B-Movies (News Attack, Fatal Termination). Sa carrière n’en demeure pas moins tout à fait honorable avec des films hautement estimables tels le mémorable Scared Stiff où il jouait un personnage doté de pouvoir télékinésie ayant la capacité de s’introduire dans les rêves d’autrui.

A côté du cinéma et de la télévision, Miu Kiu Wai est également très actif puisqu’il est propriétaire d’une chaîne de magasin vendant des instruments optiques. Il également l’un des membres clés de la « Star Football Association » et participe à de nombreux tournois de golf pour œuvres de bienfaisance, le plus souvent accompagné de ses amis Alan Tam et Eric Tsang.

Il est l’époux de Jaime Chik Mei Jan depuis 1990.

Stéphane Jaunin


Michiko Nishiwaki

Avec Yukari Oshima, Michiko Nishiwaki est la représentante du Japon la plus connue dans les films d’action Hong Kongais, et plus spécialement dans le sous genre du Girls With Guns. Née le 21 novembre 1957 à Funabashi, au Japon, Michiko s’est faite connaître dans l’archipel en devenant pour 3 années consécutives une championne de body building. Jouant sur sa nouvelle image, elle ouvre plusieurs clubs de fitness et apparaît régulièrement à la TV (invité d’émissions, publicité), s’habituant peu à peu aux caméras.

Son premier film Hong Kongais elle le doit à l’incontournable Sammo Hung qui l’inclus dans son film à succès My Lucky Stars. Un rôle court mais marquant qui lui permet de rentrer dans l’univers du cinéma de HK. Il faudra tout de même attendre 3 ans, après quelques films au Japon, pour la voir de nouveau sur les écrans de l’ex colonie (avec In The Line Of Duty 3) mais elle le fait avec suffisamment de force (elle se bat, joue correctement et n’hésite pas non plus à révéler de sa personne !) pour s’installer définitivement dans le paysage cinématographique local. Ses entrainements intensifs aux arts martiaux et aux techniques de cascades la rendront d’autant plus intéressante pour les réalisateurs/chorégraphes.

Michiko va vite trouver sa place dans le petit monde du Girls With Guns. Elle sera ainsi à l’affiche des très bons Princess Madam, Angel Terminators ou Outlaw Brothers (mais souffre d’un rôle réduit dans ce dernier, parait il à la demande de Yukari…). Ses quelques tentatives de diversification vont cependant échouer malgré la qualité des films (la ghost Kung Fu comédie contemporaine Magic Cop) et oblige Michiko à s’obstiner dans le Girls With Guns alors que le genre commence à mourir. Elle se retrouve dans des œuvres louchant de plus en plus avec la catégorie 3 qui orientent sa carrière vers une impasse. Comme ses consoeurs Michiko tourne à Taiwan ou en Thaïlande dans des films de plus en plus cheap.

Elle finit par quitter le cinéma Chinois et part tenter sa chance aux USA. Elle retrouve Sammo pour sa série Martial Law (le Flic de Shanghai) et rejoint l’équipe en tant que cascadeuse/doubleuse. Un métier qu’elle continue aujourd’hui à exercer sur le continent Américain (citons Rush Hour 2).

Arnaud Lanuque


Mark Houghton

Expert en Hung Gar, Mark Houghton est un des visages occidentaux les plus familier du cinéma Hong Kongais. Originaire de Grande Bretagne, il part à Hong Kong avec le double but de perfectionner son art et de percer au cinéma. Il fait d’une pierre deux coups en rencontrant Lau Kar Leung qui l’instruit pendant un temps et le fait jouer dans quelques un de ses films comme Aces Go Places V ou Tiger On The Beat II. Ses capacités martiales lui valent très vite de devenir un favori des films d’action, tout spécialement dans le Girls With Guns et autres productions à petit budget. Citons, pour les plus notables, Skinny Tiger & Fatty Dragon (où il affronte Samo Hung), Outlaw Brothers (face à Frankie Chan) ou City Cops (Cynthia Rothrock cette fois).

Mark Houghton est un des rares gweilos travaillant à HK à avoir cherché à vraiment devenir un élément important du petit monde du cinéma local. Il apprend le cantonais, parvient à entrer dans la HKSA (il en est le premier membre occidental !) et monte même une boite de production avec ses amis Bey Logan et Eddie Maher. Malheureusement sa nature impétueuse le trahit… Trop facilement irascible, susceptible, il se met à dos beaucoup des personnalités de l’industrie et sa société de production capote bien vite. Ces facteurs, cumulé à la crise économique que connaît le cinéma local au milieu des années 90, aboutissent à une dangereuse raréfaction de ses rôles. Il décide finalement d’abandonner complètement le cinéma en 1998. Aujourd’hui il vit toujours à HK mais est resté loin des écrans.

Arnaud Lanuque (septembre 2003)


 

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Auteur : HKCinemagic

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