L’aventure de la Shaw and Sons : 1950-1960
Au cours des années 20 et 30, les frères Shaw ont été à l’origine de la naissance de plusieurs studios de production, mais également de la constitution d’un vaste circuit de salles de cinéma couvrant toute l’Asie du Sud-Est, de Hong-Kong à la Malaisie. Ce formidable empire, qui leur a apporté richesse et prestige, a été durement ébranlé au cours de la Deuxième Guerre Mondiale qui a vu une grande partie de leurs actifs, tant de production que de distribution, détruits. Cet empire, il faudra s’attacher à le reconstruire au plus vite une fois le conflit achevé.
Après avoir passé plusieurs années à rebâtir leurs réseaux de salles de cinéma et à diversifier leurs activités financières, le début des années cinquante marquent le nouveau départ des frères Shaw dans la production à grande échelle. À la tête du studio Shaw de Hong-Kong, la Nanyang, depuis 1937, le deuxième frère Shaw, Runde, le rebaptise Shaw and Sons en 1950.
Runde Shaw
- Les débuts de la Shaw and Sons
Hong-Kong ville ouverte
Le tournant des années 50 voit la Chine se remettre de l’âpre lutte entre les forces nationalistes du Guomindang et l’Armée Populaire du Parti Communiste, conflit qui s’achève en 1949 par la victoire de ces derniers, l’instauration d’une dictature socialiste et la fuite des nationalistes et de leurs sympathisants. Ces bouleversements entraînent l’exode massif de centaines de milliers de réfugiés vers Hong Kong qui voit sa population tripler en quelques années et l’amène à devenir un vaste camp de réfugiés urbains. La colonie n’ayant pas initialement les infrastructures pour subvenir à pareil flux de population, la plupart des nouveaux arrivants sont condamnés à vivre dans des conditions extrêmement difficiles, ce qui vient s’ajouter au traumatisme profond de l’exil.

Parmi les réfugiés, on compte de nombreux producteurs, metteurs en scènes, techniciens et artistes de l’industrie filmique shanghaienne désireux d’abord d’échapper aux troubles de la guerre civile puis, après 1949, de fuir la dictature communiste. Ils arrivent non seulement avec une grande expertise cinématographique, mais également avec le désir de reconstruire à Hong Kong une industrie prestigieuse et sophistiquée, pareille à celle de Shanghai. Leur ambition se trouve renforcée par la victoire finale des forces communistes. En effet, à cause de l’isolationnisme politique et culturel instauré par le nouveau régime de la République populaire, les perspectives de distribution de longs métrages en terre chinoise sont réduites à néant et la Chine, ancienne grosse productrice, n’assure plus la fourniture de films en mandarin pour l’Asie du Sud-Est. C’est donc maintenant aux producteurs de cinéma de Hong Kong de combler ce vide. Mieux encore, il leur incombe désormais de faire naître un cinéma proprement chinois mais, redoutable défi, hors de la mère-patrie et pour un public d’exilés.
Tel est le contexte local au moment où Runde Shaw lance la Shaw and Sons Limited.
Le grand retour du mandarin chez les Shaw
Conscient des nouvelles réalités sociopolitiques et commerciales, Runde Shaw décide d’abandonner le dialecte cantonais que les studios Shaw précédents avait employé depuis l’avènement du parlant et opte pour le mandarin, langue universelle de la diaspora. Hong Kong étant désormais en mesure de devenir la nouvelle Mecque du cinéma chinois, Runde a manifestement l’ambition de participer à cette mouvance et probablement même de vouloir la conduire. Désireux toutefois de ne se priver d’aucun public, il a alors une idée qui fera date : les films de la Shaw and Sons seront sous-titrés à la fois en chinois – compréhensible par tous, qu’importe le dialecte – et en anglais, langue internationale, s’il en est !
Il faut plus de deux ans de préparation à Runde avant que la Shaw and Sons soit fin prête à se lancer dans la production de films, période au cours de laquelle il réorganise l’administration, rénove ou construit des studios, engage du personnel et recrute des vedettes. Il s’agit pour la plupart de vétérans du cinéma de Shanghai tels Li Lihua, Bai Guang, Huang He, Wang Hao et Zhou Manhua, mais également de jeunes talents prometteur tels Lucilla Yu Ming, Zhao Lei et Zhang Yang. Un des objectifs affichés de Runde Shaw est alors de créer un véritable » star system « , dans la tradition de ce que l’on pouvait trouver à Hollywood. Pour ce faire, il va lancer un magazine, » The Screen Voice Pictorial (HK edition) « , entièrement dévolu à l’actualité cinématographique de la compagnie et qui commercialise des photos de ses stars.
Runde est finalement prêt en 1952 et six films sont produits cette année-là, un rythme et une efficacité de production comparables à la période Nanyang de l’avant guerre. Les Shaw sont vraiment de retour.

en haut les vétérans du cinéma de Shanghai : Li LiHua et Bai Guang
en bas, les nouveaux venus : Zhao Lei, Zang Yang et Lucilla Yu Ming
Toutefois, la Shaw and Sons Ltd. doit faire face à des compagnies concurrentes bien implantées parmi lesquelles on compte les géants Great Wall (Changcheng) Pictures Corporation, Yung Hwa Films Company et Feng Huang (Fenghuang) Motion Pictures Co. La compétition s’avère donc relativement rude, d’autant plus que la transition du dialecte cantonais au mandarin ne se fait pas sans obstacles pour la Shaw. L’autre écueil que rencontre le nouveau studio est que malgré tous les investissements en campagnes publicitaires et promotions de vedettes réalisés par Runde, il a négligé un aspect capital de cette industrie : la qualité des productions cinématographiques. Quatre décennies passées dans ce milieu n’ont pas changé le personnage qui demeure avant tout un homme d’affaires, loin des préoccupations artistiques. Pour Runde, se sont les salles de cinéma qui génèrent de l’argent, non les films eux-mêmes. En conséquence, l’investissement est principalement dirigé vers l’acquisition, la rénovation et l’embellissement de ces salles, voire même de simples placements immobiliers. Les coûts de productions, eux, sont tirés au plus bas, ce qui affecte directement la qualité des productions de la firme. Il en résulte des films qui, sans être bâclés, manquent peut-être d’un certain lustre. Bref, pour Runde, c’est le circuit de distribution qui est au cœur de la fortune Shaw, et non le studio. Au cours des années suivantes, l’homme subira quelques pressions des membres de sa famille pour altérer sa politique de production, sans que cela ne résolve le problème fondamental affectant la Shaw and Sons .

Couverture du magazine Screen Voice Picturial montrant Li Lilua
Les productions Shaw, celles réalisées à Hong Kong mais également des studios filiales de Singapour et de Malaisie, ne constituent qu’une petite partie des films distribués par le circuit Shaw, qui diffuse également des productions japonaises et américaines. A ce titre, depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, les Shaw ont un contrat avec la moitié des majors hollywoodiennes pour l’exclusivité de leurs films. Pendant quarante ans les productions de la Warner Brothers, de la Universal, de la United Artists et une bonne partie de ceux de la Columbia seront ainsi présentées uniquement dans des salles de cinéma Shaw.
Les salles du circuit Shaw sont classées en trois catégories distinctes et ce depuis au moins les années 30. Les salles de première catégorie diffusent les plus gros films de même que les productions les plus récentes, alors que les salles de deuxième ou de troisième ordre, moins prestigieuses, présentent les films plus modestes ou en deuxième exclusivité.
- Genres et cinéastes
Le » wenly » Shaw et autres genres
Dans les années 50, un des genres cinématographiques de prédilection du cinéma mandarin est le « wenly« , c’est-à-dire le mélodrame classique. (Wenly est l’amalgame de deux termes chinois : Wenxue et Yishu, qui signifient respectivement art et littérature.) Les wenly produits par la Shaw and Sons ont la particularité d`être fortement influencés par un sentiment de nostalgie envers la mère patrie chinoise de même que par le souvenir envahissant de Shanghai et de son cinéma. Cette double tendance est induite par à la fois par l’origine shanghaienne des metteurs en scène, scénaristes et acteurs, de même que par l’orientation culturellement et idéologiquement conservatrice toujours dominante au sein des studios Shaw. Cela a bien souvent pour conséquence que même si les films sont effectivement tournés dans la colonie britannique, il ne reflète en rien son identité propre qui est en grande partie, voire entièrement, gommé. Ce genre de longs métrages, racontant des histoires de femmes déchues, d’amour tragique ou de familles victimes de la fatalité, plaît naturellement au public de la diaspora (constitué majoritairement de la gent féminine). Mais on rapporte également que ce genre, tourné en noir et blanc et situé à une époque contemporaine, est également favorisé par Runde Shaw car il a des coûts de production moins élevées.
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Li Lihua dans Song of Romance/Gouhun Yan Qu (1953) et dans Blue Sky/Bi Yun Tian

Affiche de Shadow in her Heart /Youhuot mettant en vedette Zhao Lei et Lucille Yu Ming
La Shaw and Sons s’adonne également à l’adaptation littéraire, autant de contes traditionnels chinois que de romans feuilletons, voire même de nombreux classiques occidentaux. The Romance of the western Chamber/ Xin Xi Xiang Jin est ainsi la transposition d’une célèbre pièce classique datant de l’èreYuan, » ‘la romance de la chambre de l’ouest « , alors que Beyond the Grave/ Ren Gui Lian est inspiré d’une nouvelle tirée du classique littéraire » Les Chronique de l’étrange / LiaoZhai Zhiy « . Du côté des occidentaux, la Shaw and Sons a également adapté de manière plus ou moins libre le Roméo et Juliette de Shakespeare (Tragedy of Vendetta/ Tonglinniao), La Dame aux Camélias de Dumas fils (Till we meet again/ Hua Luo You Feng Jun), Jane Eyre de Charlotte Brönte (The Orphan Girl/ Mei Gui ), Les Bas Fonds de Gorki (The Frosty Night/ Yue Luo Wu Ti Shuang Man Tian ) et Résurrection de Tolstoï (An Unforgatable Night / Yi Ye Fengliu). La majeure partie des films à costumes de la Shaw and Sons est issue de ces adaptations, produite pour la plupart à petit ou moyen budget, et qui, contrairement aux décennies précédentes, ne constitue pas le genre fer de lance de la compagnie.

avec Lucilla Yu Ming et Zhao Lei
Mis à part le wenly et les films à costumes, les comédies légères, familiales ou romantiques sont les autres genres les plus représentés de la Shaw and Sons.
Les cinéastes de la Shaw and Sons
Même si la Shaw and Sons tire son prestige de son star-system, les metteurs en scène constituent probablement la véritable épine dorsale de la compagnie. Au fil des ans, elle en a employé presque une douzaine, mais quatre d’entre eux, tous originaires de Shanghai ou de Chine du nord, s’affirment comme des talents majeurs.
Wang Yin est le premier cinéaste maison de la Shaw. Versatile et prolifique, il réalise une douzaine de films en quatre années, dans une variété de genres allant de la comédie au film à costumes.
Le deuxième grand talent des premières années est Tu Guangqi qui se spécialise dans le mélodrame romantique ou familial. Cinéaste vagabond, il travaille autant pour les Shaw que pour des studios rivaux.
Scénariste talentueux, Doe Ching s’impose rapidement comme le grand spécialiste du wenly, genre auquel il apporte une élégance et des qualités dramatiques rares. Entre 1954 et 1956, il s’affirme comme le cinéaste clé des studios, réalisant 14 films en trois ans.
Yan Jun est un cas à part puisqu’il s’avère être autant un acteur de premier plan qu’un metteur en scène réputé. Son premier film pour les Shaw est Orphan Girl dans lequel il tient le rôle masculin principal et qui vaut un prix d’interprétation à sa jeune co-vedette Josephine Siao Fung Fung, alors âgée d’une dizaine d’années. Il réalise cinq autres longs métrages entre 1956 et 1957, dont deux films policiers, son genre de prédilection.
Les quatre cinéastes majeurs de la Shaw and Sons : Wang Yin, Tu Guanqi, Doe Ching et Yan Jun
Malheureusement, l’année 1956 voit la Shaw and Sons connaître quelques sérieux revers avec ces cinéastes. C’est ainsi que Wang Yin décide de délaisser pour un temps la mise en scène afin de ce concentrer sur sa carrière d’acteur, Tu Guanqi se fait moins prolifique pour les Shaw alors que Doe Ching quitte la Shaw and Sons pour rejoindre un studio rival. Ces graves pertes sont toutefois en partie compensées par l’entrée en scène d’un nouveau venu, Li Han Hsiang, un cinéaste qui s’impose rapidement tant dans la comédie que le wenly, notamment avec The Mellow Spring, mélo racontant l’histoire d’une poignée de réfugiés nordistes dans une nouvelle ville.
Li Han Hsiang

Photographies extraites de Mellow Spring (1956), un wenly de Li Han Hsiang
mettant en vedette Linda Lin Dai et Zhao Lei
- La Shaw and Sons pan-asiatique
Les frères Shaw – surtout Run Run, l’esthète cosmopolite de la fratrie – ont compris au début des années 50 qu’il y aurait de grands avantages à développer des liens avec l’industrie cinématographique d’autres nations d’Asie. Les objectifs sont simples, faciliter l’accès de leurs propres films au marché de ces pays et développer un certain prestige tout autant local qu’international. C’est ainsi qu’une initiative de leur part est à l’origine de la fondation, en 1953, de la » South East Asian Film Federation « , qui réunit le cinéma non seulement du Japon et de Hong-Kong, mais également de Taiwan, d’Indonésie, des Philippines, de la Thaïlande et de la Malaisie. L’année suivante se tient à Tokyo le premier Festival du Film Asiatique qui permet aux productions Shaw d’être montrées à d’autres grands pays à l’occasion d’une manifestation prestigieuse et de gagner de nombreux prix. Le tout premier d’entre eux revient à Li Lihua pour son rôle dans Song of Romance/ Gouhun Yan Qu.
La production pan-asiatique
C’est en 1955 que Runde décide de lancer les Shaw dans une autre forme de collaboration pan-asiatique en produisant des films avec des studios d’autres pays d’Asie. Mis à part l’ouverture et l’accès à d’autres marchés, Runde Shaw espère que pareille collaboration fera bénéficier son studio de l’expertise cinématographique et des ressources financières de ses partenaires pour produire des films beaucoup plus achevés techniquement, et cela sans faire trop de dépenses lui-même. Certaines pressions exercées sur Runde par sa famille ont probablement aussi joué un rôle dans cette orientation.
Le premier film issu de cette nouvelle forme de partenariat est Princess Yang Kwei Fei/ Yang Gufei, co-produit par un des plus prestigieux studios japonais de l’époque, la Dalei, et mis en scène par un des grands maîtres 7 ème Art alors au sommet de sa gloire, Kenji Mizoguchi. Ce long métrage a été entièrement tourné sur le sol nippon avec des techniciens et des acteurs locaux.
En fait, la contribution chinoise semble s’être limitée au sujet et à un premier jet du scénario écrit par Doe Ching. Il s’agit du premier film en couleurs de Mizoguchi, filmé avec une magnifique palette pastelle et chatoyante. Le film est loin d’être considéré par les critiques de l’époque comme une œuvre marquante de son auteur, mais plutôt envisagé comme un travail de commande qu’ils jugent assez ennuyant. L’impératrice Yang Kwei Fei est pourtant un film d’une grande qualité, plastiquement très beau, d’où se dégage une aura précieuse et mélancolique des plus touchante. Le film s’avère un franc succès au box-office nippon et se place en sixième place du film le plus populaire de 1956.
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Extraits de l’Impératrice Yang Kwei Fei de Kenji Mizougoushi, une co-production de la Shaw and Sons avec le studio japonais Daiei. Les rôles principaux sont interprétés par deux vedettes nipponnes renommées : Machikô Kyo et Masayuki Mori
Un mois après la sortie de L’impératrice Yang Kwei Fei, la Shaw and Sons présente un autre film à costumes, Chin Ping Mei. Sa vedette féminine est une actrice japonaise, Yoshiko Yamaguchi, bien connue du cinéma chinois. En effet, née en Manchourie du temps où la province était une colonie japonaise, Yoshiko Yamaguchi parle couramment le mandarin et, entre 1938 et 1945, fait carrière comme actrice dans une série de co-productions sino-japonaises tournées en Chine. La plupart de ces œuvres est en fait destinée à démontrer » l’amitié » entre les deux pays et leur peuple respectif, à une époque où l’Empire du soleil levant ne cherche en fait qu’à conquérir violemment les territoires chinois. Si les véritables origines de Yoshiko Yamagushi sont connues des Japonais, elles sont en revanche dissimulées en Chine où la jeune femme passe pour une actrice locale connue sous le nom de Li Xianglan. Ce subterfuge s’est retourné contre elle lors de la fin de la deuxième Guerre Mondiale lorsqu’elle fut accusée d’être une collaboratrice. Sa véritable nationalité révélée, elle devra continuer sa carrière au Japon. Chin Ping Mei marque, une décennie après son départ, son grand retour dans le cinéma chinois : star japonaise parlant couramment le mandarin, Yoshiko Yamaguchi est en effet un atout de taille pour toute co-production sino-nipponne.

Yoshiko Yamagushi/Li Xianglan du temps de sa première carrière chinoise, entre 1938 et 1945
Le deuxième film Shaw de Yoshiko Yamagushi sera Madame White Snake/ Baishi Zhuan, nouvelle co-production sino-nipponne, mais cette fois-ci avec la grande compagnie japonaise Toho. Comme pour Yang Kwei Fei, il s’agit de l’adaptation d’un célèbre conte folklorique chinois. Mis en scène par Toyoda Shirou, le film bénéficie d’un casting entièrement japonais.

Yoshiko Yamagushi (à droite) entouré du cinéaste Tu Guanqi (à gauche) et de l’actrice Lucilla Yu Ming (au centre)
En 1957, la Shaw and Sons s’associe avec un studio coréen, la South Korea Entertainment Ltd., pour produire le film Love With An Alien / Yiguo Qingyuan , premier long métrage en couleurs de la société. Il s’agit cette fois-ci d’une véritable collaboration pan-asiatique puisque le casting est constitué d’acteurs des deux nations (Lucilla Yu Ming interprète le premier rôle féminin, et Kim Jin Kyu, Coréen, le premier rôle masculin). L’équipe technique réunit également un personnel à la fois chinois, coréen et japonais tandis que trois metteurs en scène de chaque nationalité sont mobilisés pour la réalisation : le Chinois Tu Guangqi, le Coréen Chun Chang-geun et le Japonais Wakashugi Mitsuo. Le directeur de la photographie du film, Tadashi Ishimoto, est également d’origine nipponne. Parce que les films dans lesquels des Japonais sont impliqués sont interdits en Corée, Wakashugi et Ishimoto doivent tout deux utiliser des pseudonymes chinois, respectivement Hua Keyi et He Lanshan, pour dissimuler leurs nationalités. Ces deux artistes sont également sollicités pour travailler sur une autre production du studio, Lady of Mystery /Shenmi Meiren, troisième film Shaw de Yoshiko Yamagushi. Cette dernière apparaît une ultime fois pour les Shaw en 1958 dans Unforgettable Night/ Yi Ye Fengliu .
Tadashi Ishimoto sur le plateau de Love With an Alien.

Photo de groupe de l’équipe de tournage pan asiatique de Love With An Alien.

Affiche de Love with an Alien
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Photo du film : La Chinoise Lucille Yu Ming et le Coréen Kim Jin-kyu en sont les acteurs principaux
Si Love With An Alien est un franc succès en Corée, ce n’est malheureusement pas le cas dans le reste de l’Asie. Le box-office ne semble réagir que fort mollement à ces essais de co-productions. Ce désaveu du public conduit à l’abandon de ce genre de » jumelage cinématographique « .
- Ombres chez la Shaw and Sons
Arrivée d’un dangereux rival
Vers le milieu des années 50, de nombreux studios mandarins hongkongais disparaissent ou sont absorbés par de plus gros. Si la Shaw and Sons n’est pas réellement inquiétée, elle doit désormais faire face à une compétition plus forte venant de certains studios maintenant plus grands et mieux organisés, tels que la Great Wall et surtout la Motion Picture and General Investment Co. Ltd. (ou MP & GI, nom chinois : Dianmao ).
La MP & GI a été fondée par un Chinois originaire de Malaisie, Loke Wan Tho, qui, comme Runje Shaw jadis, s’avère être un astucieux homme d’affaires doublé d’un esthète, doté d’un véritable goût et non moins bon flair pour le cinéma. Débute alors entre les deux compagnies une rivalité féroce qui durera presque une décennie.
Sigle de la MP & GI LTH
La MP & GI remporte la première manche dès 1957 avec la production d’une série de mélodrames et de films musicaux contemporains à succès tels Mambo Girl/ Man Bo Nu Lang, Our Sister Hedyet Calendar Girl. Au delà de l’emploi de techniques cinématographiques récentes qui donne aux longs métrages une qualité visuelle parmi les plus belles de tout le cinéma hongkongais, ces films doivent l’essentiel de leur succès à leurs vedettes féminines, vivaces et charismatiques, Grace Chang, Jeanette Lin Tsui, Julie Yeh et Linda Lin Dai. Autre raison du grand succès des productions MP & GI, la peinture des réalités sociales et culturelles les plus modernes et occidentalisées de la colonie hongkongaise. L’idéologie conservatrice et traditionnelle typique des Shaw paraît bien dépassée en comparaison. Comble de tout pour la Shaw and Sons, deux des plus grand atouts de la MP compte parmi leurs anciens employés : le réalisateur à succès Doe Ching et l’acteur Zhang Yang un jeune premier que la Shaw avait tenté de faire une vedette, statut enfin atteint pour l’acteur mais avec un autre studio.

A droite, Grace Chang et le comédien plein de charme Peter Chen Ho dans Mambo Girls.
Si, dans ses premières années, la Shaw and Sons réussit à réunir une belle brochette de vedettes, celles-ci ont pour habitude de rapidement quitter le studio, après trois ou quatre films réalisées sur une période de deux ans, tout en jouant en parallèle dans les longs métrages de studios rivaux. Originaires du vieux cinéma de Shanghai pour la plupart, ces acteurs ont déjà une renommée solidement établie et n’ont pas besoin de s’inféoder exclusivement à un studio pour assurer la poursuite de leur carrière. Li Lihua est la seule qui demeure chez les Shaw plusieurs années (bien que continuant de travailler toujours pour d’autres), apparaissant dans un total de 14 films entre 1952 et 1956. Malheureusement, elle aussi déserte les Shaw au cours de l’année 1956.
La quasi impossibilité, pour la Shaw, de retenir ses vedettes de manière durable, a constitué un frein indéniable à la création d’un star-système » à l’américaine « . C’est à l’époque un des problèmes majeurs du studio qui tentera, à l’avenir, d’en corriger les causes et les effets.
Li Lihua aux côtés de Victor Mature dans son seul film hollywoodien, China Dolls, réalisé en 1958
La Shaw and Sons cherche alors à former ses propres vedettes maison et réussit à lancer avec succès deux talents prometteurs, Lucilla Yu Ming et le jeune premier Zhao Lei. Au total, ces acteurs sont apparus dans 19 et 22 films respectivement au cours des huit années de productions de la Shaw and Sons, de loin des vedettes les plus prolifiques et fidèles au studio. Malgré leur contrat d’exclusivité, ils ne suffisent pas à la construction d’un star-system solide et les tentatives pour tenter d’établir d’autres vedettes maisons n’est pas concluant.

Lucilla Yu Ming et Zhao Lei
Ironiquement, c’est en allant chercher dans les écuries de son grand rival, la MP & GI, que la Shaw and Sons trouve une de ses vedettes glamour qui lui font tant défaut : le studio recrute ainsi en 1956 Linda Lin Dai, lui fait signer un contrat et tourne son premier film Orphan Girl. Un an plus tard, la Shaw récidive en partie en engageant une autre vedette féminine de la MP & GI, Jeanette Lin Tsui, pour deux films, Miss Evening Sweet/ Ye Lai xiang et He has taken him For Another/ Yi Hua jie Mu. La MP& GI prend sa revanche peu après en recrutant à la fin de son contrat avec les Shaw Lucilla Yu Ming pour ses propres studios. L’actrice part ainsi rejoindre l’ancien jeune premier Shaw, Zhang Yang. Les Shaw perdent donc la seule vedette féminine maison que leurs studios avaient réussi à former par eux-mêmes. Toutefois, cela ne dut pas être un revers des plus conséquent puisque Linda Lin-Dai s’étaient déjà imposée comme la grande vedette féminine des Shaw et une des meilleures actrices du cinéma mandarin de sa génération.
A gauche, trois transfuges de la Shaw and Sons : l’acteur/réalisateur Wang Yin, le jeune premier Zhang Yang et Lucilla Yu Min, tous trois vedettes de la production MP & GI Her Tender Heart .
A droite la reine des Shaw, Linda Lin Dai
Stagnation de la Shaw and Sons
Gérée d’une manière des plus austère et conservatrice, la Shaw and Sons perd rapidement du terrain face à son nouveau grand rival, la MP & GI, qui emploie des méthodes de gestions plus efficaces et modernes. Ce qui n’aide pas, c’est le désintéressement de Runde envers la production de films. Homme d’affaire d’abord et avant tout, il concentre son attention dans l’investissement immobilier de même que sur l’achat de terrain et la construction de nouvelle salles.
De nouvelles règles d’urbanisation interdisent désormais l’installation de studios de cinéma dans des zones urbaines. Runde revend le studio de la Shaw and Sons, appelé le Kowloon City Studio, et acquiert un terrain sur Nathan Road, une des artères principal de Hong-Kong. C’est à cet endroit qu’il fait construire le Shaw Building dans lequel il installe une prestigieuse salle de cinéma au rez-de-chaussée. Il achète également un important lot de terrains de 46 hectares à Clearwater Bay, situé au nord des territoires de la colonie hongkongaise, pour le prix dérisoire de 1,46 US$ le mètre carré. Le faible coût d’acquisition s’explique alors par la localisation jugée dangereuse : le lieu est en effet considéré comme une zone à risque puisque situé proche de la frontière chinoise et donc susceptible d’être envahi par la Chine populaire. C’est là que Runde planifie de construire de nouveaux studios. Il n’en n’aura cependant pas l’occasion.
Si la situation des circuits de distribution Shaw est florissante en Asie du Sud-Est, à Hong-Kong même il en est tout autrement : jusque-là en pleine expansion, la société est désormais entrée en stagnation. La négligence de Runde impacte aussi directement les productions de la Shaw and Sons qui ne sortent plus de manière régulière et voient leur qualité décliner. Cela inquiète de plus en plus Runme et Run Run qui, même s’ils disposent de leurs propres studios dans leurs fiefs respectifs d’Asie du Sud-Est, restent dépendants de l’approvisionnement en films de la Shaw and Sons. De plus, la MP & GI qui est basée à Singapour constitue un rival menaçant pour eux comme pour Runde à Hong-Kong. Les pressions des frères cadets sur leur aîné n’ayant pas abouti à des résultats concrets, Run Run Shaw décide en 1957 de quitter sa base de Singapour pour se rendre à Hong-Kong et prendre en charge le département production de la Shaw and Sons afin de chercher à rectifier la position de plus en plus précaire des studios. Il imagine alors que son séjour à Hong Kong sera d’un an tout ou plus.
Diau Charn point d’orgue de la Shaw and Sons
Avec l’arrivée de Run Run à la direction de la production, la Shaw and Sons commence aussitôt à réaliser des films de toute autre envergure et beaucoup plus ambitieux, tel Love With an Alien, production pan-asiatique tournée en couleur. Encouragé par ce nouveau contexte et fort du succès de ses dernières réalisations personnelles, le metteur en scène Li Han Hsiang parvient à convaincre la direction de produire un film à costumes au budget élevé, tenant autant de l’opérette que du conte historico-folklorique (genre dont les frères Shaw s’étaient faits une spécialité trente ans plus tôt, lors de l’ère de la Tianyi Film Co. de Shanghai). Il s’agit du long métrage Diau Charn, une luxuriante production photographiée dans de superbes couleurs chatoyantes, et qui s’avère un succès tant critique que populaire sans précédent pour la Shaw and Sons. Le film rapporte 300 000 HK$, un record pour un film mandarin hongkongais. Il obtient également cinq récompenses majeures au 5 ème Festival du Film Asiatique, parmi lesquelles celles du Meilleur Réalisateur pour Li Han Hsiang et de la Meilleure Actrice pour sa vedette féminine Linda Lin Dai (prix qui consolide son statut de star dominante chez les Shaw). Enfin, le succès du film contribue à lancer un genre cinématographique typiquement chinois, le drame musical ou huangmeng diao, qui marquera le cinéma hongkongais pendant presque une décennie et fera la fortune des frères Shaw.
Affiche de Diau Charn
Li Han Hsiang recevant un prix

Linda Lin Dai
Zhao Lei
Changement de garde chez les Shaw
Diau Charn marque le point d’orgue de la Shaw and Sons. Suite au succès du film, Run Run et Runde s’entendent pour une nouvelle direction à donner dans la production de longs métrages. Run Run décide de fonder et diriger son propre studio tandis que Runde abandonne la production pour se concentrer uniquement sur la distribution.
Run Run reprend les infrastructures de production mises en place par son frère, les vedettes sous contrat, les plateaux de tournage, les équipes techniques et les metteurs en scène. Runde lui cède aussi, moyennant finances, le vaste lot de terre qu’il a acheté à Clearwater Bay et sur lequel il avait l’intention de bâtir de nouveaux studios (initiative qui sera reprise par Run Run). Les longs métrages produits par la nouvelle entreprise seront distribués dans le réseau de la Shaw and Sons jusqu’à se que Run Run ait constitué son propre circuit de salles.
Après plus de 20 ans passés à la tête de son propre studio, l’aventure cinématographique de Runde Shaw prend maintenant fin. Le deuxième frère possède toujours son circuit mais désormais il ne produira plus de films et c’est en tant que propriétaire de circuit de salles et membre de la grande famille Shaw qu’il apparaitra désormais à nombre de festivals ou célébrations officielles. Runde vivra encore 15 ans avant de décéder à l’âge de 75 ans en 1973. Le premier des frères Shaw à mourir…

Runde (dernier à gauche), Run Run (dernier à droite) Runme (assis au centre), officiant au 11 ème Festival du Cinéma Asiatique de Taiwan, accompagnés de 11 vedettes étincelantes de la Shaw.
Finalement, la Shaw and Sons finit par vendre son circuit de distribution à la Cinema City qui, assez ironiquement, s’imposera comme un des grands rivaux des Shaw Brothers au tournant des années 80. L’histoire de la Shaw and Sons n’est toutefois pas encore complètement terminée : ainsi, après vingt-cinq années d’absence du grand écran, le début des années 80 voit la Shaw and Sons retourner pour une brève période à la production de films suite à l’initiative d’un des propre fils de Runde. La compagnie produira alors une poignée de longs métrages, notamment quelque production kung-fu mettant en vedette l’acteur martial Billy Chong : Kung Fu Executioner et Kung Fu From Beyond the Grave. L’aventure sera cependant sans lendemain. De nos jours la Shaw and Sons existe encore mais s’est entièrement reconvertie dans l’immobilier.
Avec la Shaw and Sons, Runde Shaw chercha à relancer le studio familial dans la production de films. Malheureusement, il manquait de vision pour faire de cette société un studio dominant et se laissa finalement supplanter par la MP & GI. Rétrospectivement, malgré les moyens et les vedettes mobilisés, il semble que bien peu de films issus de cette période peuvent prétendre au statut d’œuvres vraiment marquantes (comparés aux productions de sa rivale, en tout cas). Elle aura néanmoins concouru à la réalisation de quelques un des premiers films de futurs cinéastes majeurs tels que Li Han Hsiang et Doe Ching.
Alors que les classiques de la MP & GI sont de nos jours facilement disponibles, les productions de la Shaw and Sons restent encore hors d’atteinte. Il s’avère donc impossible de faire une évaluation consciencieuse des films Shaw réalisés à cette époque. La Shaw and Sons et Runde Shaw pourront prendre leur véritable place dans l’histoire du cinéma hongkongais le jour où leurs œuvres seront à nouveau visibles.
- Les Shaw cantonais et malais
Dans les années 50, s’il est indéniable que la Shaw and Sons est la plus importante société cinématographique des frères Shaw, ce n’est pas la seule de ce type. Runme et Run Run possèdent ainsi leurs propres entreprises pour produire et mettre en scène des films dans leurs fiefs régionaux de Singapour et de Malaisie, conçus spécifiquement pour le public local. Tout en dirigeant la Shaw and Sons, Runde a également fondé une unité de production fonctionnant séparément de son studio principal, la Shaws’ Cantonese Film Group. En effet, quelques années après avoir abandonné le cantonais pour le mandarin avec la fondation de la Shaw and Sons, Runde estime que le potentiel de spectateurs cantonais s’avère trop important pour qu’il soit complètement abandonné. Il crée alors une nouvelle société qui opère de 1955 à 1964 et produit presque 60 films.
La Shaw Cantonese Film Group
Les productions cinématographiques en mandarin ne représentent qu’une moitié du cinéma hongkongais des années 50. L’autre volet est constitué de productions en langue cantonaise à destination du public local de la colonie et de celui des régions du sud-est asiatique dont les résidents chinois parlent en grande partie ce dialecte. Si l’industrie cantonaise est beaucoup plus prolifique que sa contrepartie mandarin, elle est pourvue de moyens financiers plus modestes et s’avère de qualité plus inégale. Vers le milieu de la décennie, le cinéma cantonais vit d’ailleurs une importante crise causée par la médiocrité de la plupart des productions et les cachets en hausse de ses vedettes.
C’est à ce moment que Runde Shaw juge le moment opportun pour s’attaquer à nouveau au marché cantonais en créant un studio auxiliaire, la Shaws’ Cantonese Film Group. Il en confie la direction à deux cinéastes d’origine cantonaise, Fung Fung Kar et Chow See Luk. Ce dernier est une vielle connaissance des frères Shaw puisqu’il travaillait pour eux encore adolescent comme assistant directeur photo au début des années 30.

Chow See-luk
Chow a pour mission de produire et mettre en scène des films cantonais, mais sa première tâche est de recruter de nouveau talents afin de satisfaire la stratégie adoptée par le jeune studio : attirer un public jeune en lui proposant de nouvelles vedettes. Ils en trouvent une bonne demi douzaine dont Cheung Ying Choi, Pearl Au Kar Wai, Patrick Lung Kong, Mak Kay, Lui Kay et, surtout, Patricia Lam Fung appelée à devenir la grande vedette du studio. Après deux années de préparation, la Shaw Cantonese Film Unit présente son premier film en 1957, Pearl of the Island/ Bao Dao Shen Shu. Le nouveau studio continue sur sa lancée et produit des longs métrages à un rythme effréné : 4 films en 1957, 6 en 1958 et 10 en 1959.
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De Jeunes vedettes de la Shaw cantonaise : Patricia Lam Fung et Mak Kay dans Young Rock (1958)
Patricia Lam Fung et Cheung Yim Choi (second à l’arrière) dans Young Girl in Terror (1958).
Les genres
La Shaw Cantonese Film Group œuvre principalement dans quatre genres : les films d’opéra (tels que The Fairy Sleeves / Xian Xia Qi Yuan (1957), Princess Jade Lotus/ Quionglian Gongzhu (1958), The Peach Blossom Fan/ Taohua Shan (1961)), des films » de palais » occidentalisés (tels que The Glass Slippers/ Boli Xie (1959), The Talking Bird/ Neng Yan Niao (1959), Sleeping Beauty/ Shui Gonzhu (1960)), les films policiers (tels que Crime of Passion in The Hotel/ Jiudian Qingsha An (1958), Murder on a Wedding Night/ Sharen Huazhu Ye (1959), The Case of the Female Corpse/ Yan Shi An (1959), et des films » de jeunes » prenant surtout la forme de comédies romantiques ou de mélodrames (tels que A Pretty Girl’s Love Affair/ Yunü Chunqing (1958), Sweet Girl in Terror/ Yunü Jinhun (1958) et Young Rock/ Qingchun Le (1959)).
Si les films d’opéra sont assez proches de l’opéra cantonais, les autres genres sont largement influencés par les films de genre hollywoodien. Les films à destination du public plus jeune, quant à eux, sont inspirés par les productions du grand studio rival, la MP & GI, très proches de la culture occidentalisée de la jeune génération urbaine chinoise. C’est pourquoi les films de la Shaw cantonaise sont peuplés de personnages faisant du rock and roll (Young Rocks), jouant de la guitare ou appartenant à des bandes de jeunes motards (Merdeka Bridge/ Duliquqiao Zhi Lian (1959), First Love/ Chulian (1960)). Si ces longs métrages présentent la culture moderne avec une certaine appréhension, il n’en demeure pas moins qu’ils sont également le témoin de la vitalité et de la joie de vivre des jeunes et ce, d’une manière bien plus vivace et pertinente que dans les productions en mandarin de la Shaw and Sons .
Patricia Lam Fung est incontestablement la grande vedette du studio. Actrice versatile, elle est aussi bien à l’aise dans le film en costumes que dans le film contemporain, et devient l’idole adulée de toute une génération. Vers 1958, elle et certaines de ses consœurs actrices à la Shaw cantonnaise, Ha Hai et Tong Dan, organisent un fan club, » Les demoiselles immaculées de la Shaw « , qui compte rapidement plus de 30 000 adhérents.

Patricia Lam Fung
Apogée et déclin de la Shaw Cantonese Film Group
En 1958, la Shaw and Sons cesse ces activités de production et Run Run Shaw fonde sa propre entreprise, la Shaw Brothers. L’unité cantonaise transite d’une compagnie à l’autre sans aucune difficulté et voit même son niveau de production décuplé. Il faudra trois ans pour que les studios de la Shaw Brothers deviennent pleinement opérationnels et cette période correspond à l’apogée de la Shaw cantonnaise. Run Run Shaw est lui-même impliqué comme producteur dans la plupart des films à venir. En 1959, trois films cantonnais de la Shaw ont pour toile de fond Singapour et la Malaisie, Merdeka Bridge, Sweet Girl in Terror, etWhen Durians Bloom/ Liulian Pao Xiang, afin d’attirer les spectateurs chinois de ces régions. Le studio cantonais atteint son plus haut niveau de productivité en 1960 avec 18 films.
Pendant les premières années, c’est Chow See-Luk qui réalise lui-même une bonne partie des films du studio. Au total, il en mettra en scène plus de 20 et en produira 15 autres. Excepté Chow, les autres metteurs en scène habituels du studio sont Luk Bong (4 films), Ng Daan (5 films ) Yuen Qui-feng (8 films) et Chiang Wai-kwong (7 films). Si le studio cantonais marque les débuts de nombreuses vedettes du cinéma cantonais telles que Cheung Ying Choi, Luk Kayet bien sûr Patricia Lam Fung, c’est aussi là que de futurs cinéastes importants commencent à œuvrer au poste d’assistant, tels que Lung Fong.
Le studio cantonais produit encore 11 films en 1961, mais l’année suivante voit une baisse dramatique de sa productivité, avec quatre films réalisés en 1962 et trois seulement en 1963. La raison en est simple : à la fin de l’année 1961, la Shaw Brothers devient un studio pleinement opérationnel qui requiert toute l’attention et l’énergie de Run Run. Celui-ci se tourne vers son entreprise au détriment, semble-t-il, de l’unité de production cantonaise. Chow See-luk est même sollicité comme metteur en scène pour la Shaw Brothers avant de mourir d’un cancer en 1964, l’année où l’unité de production cantonaise ferme définitivement boutique. À cette époque, le cinéma cantonais de Hong Kong avait le vent en poupe et de nombreuses compagnies rivales se battaient âprement ; le désintérêt (partiel) de Run Run Shaw suivi de la mort de Chow See-Luk ont peut-être scellé le destin de la Shaw Cantonese Film Group qui, après une période de rapide déclin ferme ses portes.
Si certain acteurs vont travailler pour la Shaw Brothers (où la pratique nouvellement instituée du doublage permet de les utiliser sans se soucier de leurs dialectes ou de leurs accents prononcés) d’autres (telle Patricia Lam), en revanche, poursuivent leurs carrière au sein d’autres studios.
Au total l’unité cantonaise de la Shaw a duré 8 ans et produit presque 55 films.

Patricia Lam Fung et Cheung yan Choi dans Man Hunt (1960)
La Maley Film Production
Hong Kong n’est pas le seul endroit où les frères Shaw font du cinéma ; Singapour et Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie, sont aussi des lieux où, après la guerre, on a autant développé des infrastructure de production que des salles de cinéma. Avec la Fondation de la Maley Film Production, les Shaw (Runme et Run Run, tout deux en charge des territoires sud-asiatiques) participent activement à un véritable âge d’or du cinéma en Malaisie où ils produisent près de 160 films en vingt ans, certains même en couleurs et en cinémascope. Si les Shaw utilisent d’abord des metteurs en scènes chinois, ils engagent par la suite des cinéastes indiens dont le style plaît plus au public malais. Les studios de Malaisie ont leurs propres écuries d’acteurs qui bénéficient de salaires et de bonus avantageux afin de ne pas les perdre pour des studios concurrents qui prennent de l’importance à partir de 1953. Hors Malaisie, les films de la MFP sont également distribués aux Philippines, aux Indes et à Hong-Kong. Malheureusement l’âge d’or malais prend fin au début des années 60 avec l’introduction de la télévision et la popularité croissante des films hollywoodiens.
Conclusion
Le bilan de l’activité des frères Shaw, en 30 années d’aventures cinématographiques, est aussi impressionnant qu’inégal. Ils ont bâti un vaste empire commercial, produit presque 200 films, construit des studios aux quatre coins de l’Asie du Sud-Est et survécu aux nombreuses turpitudes de leur époque, ce qui constitue déjà un incontestable exploit. Ils ont également contribué au développement du cinéma chinois en tant qu’industrie et forme de divertissement populaire, d’abord à Shanghai mais surtout à Hong-Kong et en Asie du Sud-Est.
D’un autre coté, malgré les ressources considérables qu’ils ont engagé, leur longévité et un sens commercial très aigu, il apparaît aujourd’hui qu’excepté The Platinum Dragon, premier film parlant cantonais, bien peu de leurs longs métrages peuvent être retenus pour leur importance historique ou artistique, notamment durant les premières décennies.

La philosophie typique des Shaw d’appréhender les films comme de simples produits de consommation, sans aucune démarche artistique ou socio-politique, a œuvré dans le sens d’une production aussi conformiste que relativement sans éclat. La critique n’est peut-être pas recevable pour certains films de la période Shaw and Sons sur lesquels ont travaillé de nombreux cinéastes de talent (Tu Guangqi, Doe Ching, Li Han Hsiang etc), mais les films des Shaw antérieurs aux années 60 étant presque tous perdus ou hors d’accès, il est malaisé de se faire une idée de leur réelle valeur. Quoi qu’il en soit, il est ironique de constater que si les Shaw et leurs entreprises avaient disparu au milieu des années 50, leur place dans l’histoire du cinéma chinois et hongkongais aurait fort probablement été considérée au mieux comme marginale.
Mais le futur sera tout autre. En 1957, la création des grands studios Shaw reste encore à venir et revient au dernier frère Shaw, Run Run Shaw, en 1958, avec la Shaw Brothers. L’épopée Shaw peut maintenant entrer dans sa période la plus faste et glorieuse dont émergera à la fois une des plus éblouissante filmographies du cinéma chinois mais également la grande légende des Shaw Brothers.
1ère partie de ce dossier Shaw Brothers
3ème et dernière partie de ce dossier Shaw Brothers














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