[Avis] Les enfants loups : Ame & Yuki, de Mamoru Hosoda

Une jeune étudiante, Hana, donne naissance à deux enfants-loups, Ame et Yuki. Contrainte de déménager, elle opte pour la campagne et se retrouve à devoir élever seule ses deux enfants avec le poids d’un secret connu d’eux seuls.


 

Avis de Best :
S’il est bien un réalisateur dans le paysage de l’animation japonaise à avoir acquis ces derniers temps le statut de valeur sûre, il s’agit de Mamoru Hosoda. Après avoir appris le métier d’animateur au sein du studio Toei, il devient réalisateur au sein de ce même studio et réalise en 2005 son premier long métrage avec le sixième film de One Piece. Il rejoint par la suite le studio Madhouse où il réalise La traversée du temps puis Summer Wars, deux œuvres plus que prometteuses où se fait déjà sentir la patte de Mamoru Hosoda. Pour son nouveau film, il crée les studios Chizu et ouvre ainsi la voie à de futurs projets je l’espère aussi plaisants que celui qui nous intéresse aujourd’hui. Car Les enfants loups : Ame et Yuki, est une indéniable réussite.

Première qualité et non des moindres, les personnages sont au cœur de l’histoire, et ils valent le détour. Hana, la mère courage, est une figure qui n’est pas sans rappeler les personnages féminins propres aux films de Miyazaki. Non pas que je tienne absolument à placer une comparaison avec les films des studios Ghibli, mais l’on décèle ce savant mélange de sensibilité et d’une personnalité bien trempée. Loin de faire de la figuration, elle est au premier plan et ses doutes mêlés à une force de caractère hors norme la rendent attachante à plus d’un titre. Humaine car imparfaite, admirable d’abnégation, elle illumine le récit. Un roc insurmontable et protecteur à la fragilité sans cesse effleurée par les aléas de la vie et l’attitude du monde à son égard, mais aussi un être malmené jusque dans le cocon familial. Car l’éducation de ses deux enfants-loups, Ame et Yuki, est loin d’être un long fleuve tranquille. Surtout avec la présence de ce fameux secret qui unie autant qu’il sépare.

Pour autant, le bonheur n’est jamais loin. Il est même omniprésent, sous différentes formes, y compris dans les passages les plus douloureux. Parce que la vie, ce n’est jamais tout blanc ou tout noir. Le panel de couleurs peut même y être incroyablement riche.
Les relations entre les personnages et leur évolution personnelle sont un autre atout qui finit de rendre ce périple palpitant. Les sourires côtoient les larmes, l’innocence rencontre la cruauté du monde adulte, se heurte à celle des enfants. Alors il faut trouver du réconfort, une raison d’avancer, sur un chemin ou un autre. « Aucune route n’est plus sûre, car je crois en elle. » Mais avant d’en arriver là, les étapes sont nombreuses.
L’émotion est palpable en de nombreux instants. Une sensibilité à fleure de peau qui explose, se recompose, unie les cœurs et sépare les chemins, sans jamais rompre l’essentiel.

L’histoire est étalée sur plusieurs années et nous mène jusqu’aux débuts de l’adolescence de ses deux principaux protagonistes. Entre amitiés, complicités, rapports maître-élève, amour naissant et ruptures inévitables, j’en passe et des meilleurs, la vie anime le scénario et donne de l’épaisseur à ses personnages. En parlant des personnages, les secondaires tiennent un rôle non négligeable. Ils sont en tout point savoureux et s’intègrent parfaitement au milieu du trio composé de Hana, Ame et Yuki, même pour ceux dont la présence à l’écran est limitée. C’est aussi ça la force de ce métrage.
Une osmose se crée et donne lieu à des instants de grâce. Certaines scènes sont absolument magnifiques, tout en retenue et en non dits. Ou quand les images parlent d’elles même.

De nombreux thèmes sont abordés avec une subtilité et une intelligence bienvenue. On retrouve pêle-mêle la quête d’identité, l’acceptation de soi, la compréhension d’autrui, la solitude lorsque l’absence de l’épaule sur laquelle on pouvait s’appuyer se fait inévitablement ressentir, …
La découverte de l’inconnue se fait quant à elle à différents niveaux. Elle est présente à travers un nouvel environnement où l’on rencontre d’autres mentalités, et se montre salvatrice malgré les difficultés engendrées. Il faut aussi composer avec les réactions physiques liées à la nature de ces enfants loups. La maîtrise de soi entre alors en scène et amène son lot de questions (et de rires). A quel moment va-t-on réellement contre nature lorsque deux êtres se déchirent dans un seul et même corps, dans un unique esprit ? Chasser le naturel, il revient au galop. Comment faire lorsque l’on hésite et que l’inconscient vient faire des siennes ? Dure dure. Surtout que la nécessité de faire un choix et de s’y tenir devient de plus en plus pressente. La cohabitation ne peut entraîner que souffrance. Alors qu’importe le regard de ses proches, une décision doit être prise. Là encore, l’absence du père et de son expérience est un obstacle à surmonter. Un de plus.
La nécessité de s’adapter est un fil rouge du récit mais n’élude pas l’alternative de faire des choix radicaux. Lorsque l’on se sent trop éloigné d’un mode de vie, d’un système qui ne nous correspond pas, ou au contraire que l’on trouve un terrain où l’on pense pouvoir construire un avenir heureux, une première tendance prend le dessus. Puis la vie donne des signes, parfois brutaux, et fait pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Le choix se fait alors de lui-même et tout retour en arrière devient impossible.
Dans tous les cas, ces choix sont difficiles et ont des conséquences douloureuses, mais ils ont le mérite d’être possibles et d’ouvrir la voie à un bonheur sincère, même si parfois compliqué à accepter pour ceux qui sont dans la confidence.
La société n’est pas exempte de critiques. Elle n’est jamais tendre avec l’inconnue et ce qui est différent. L’éventualité d’une compréhension, d’un échange, est impossible. La fuite s’impose. Pour survivre d’abord, pour s’épanouir, ensuite. Cette dure réalité entraîne des sacrifices, mais de ces sacrifices naissent des leçons de vie et des rencontres inattendues où la solidarité n’est pas qu’un simple mot. Se révèle alors une authenticité jusqu’alors effacée à force d’apparences. Un retour aux sources en quelque sorte.
Les raisons de se réjouir ne s’arrêtent pas là. De nombreuses scènes sont empreintes de poésie et saupoudrées d’une douceur d’où naissent émotions et bien-être. L’humour est lui aussi présent par petites doses, toujours bien amené et entraîne au minimum un sourire sincère.

On se trouve en présence de l’un des tout meilleurs films d’animation de ces dernières années. Une histoire et des destins qui captivent, le tout magnifié par un visuel à tomber et une mise en scène de qualité, sont déjà des points très positifs. Le festival de couleurs et la qualité des dessins est un ravissement pour les yeux. De quoi faire oublier une mise en place un poil en deçà du reste du métrage (il fallait bien un bémol pour la forme). Un dernier mot sur les musiques, fort agréables et qui participent à cet envoûtement dont l’on se trouve victime avec un plaisir grandissant à mesure que le film avance.
Vous l’aurez compris, Les enfants loups : Ame et Yuki est un film à ne pas manquer.

 

 

 
Titre : Les enfants loups : Ame & Yuki
Année : 2012
Durée : 1h57
Origine : Japon
Genre : Comédie dramatique

Réalisateur : Mamoru Hosoda

Avec les voix de : Aoi Miyazaki, Takao Osawa, Amon Kabe, Momoka Ohn,…

  


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Auteur : Best

Même après toutes ces années, les fights et autres cascades lui sont d’une réjouissance sans pareil. Les tranches de vie où les personnages sont au cœur des débats sont toujours un ravissement. Qu’il s’agisse d’un film bien con ou de toute autre chose, peu importe. Le bonheur cinématographique se trouve partout. Comme le veut la formule ; « Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ai l’ivresse ».
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