
Délaissée par ses parents fortunés et ignorée par ses camarades de classe, Sun-hee, une lycéenne mal dans sa peau, ment pour attirer l’attention de son entourage. Un engrenage tragique la poussera à fuguer avec l’espoir de mener une nouvelle vie plus sereine. Mais peut-on vraiment s’affranchir de son passé ?
Avis de Cherycok :
J’adore les petits éditeurs de blu-ray qui prennent des risques, ça permet souvent de découvrir des films peu ou pas connus mais qui valent le détour. C’est par exemple le cas de Badlands qui, dans leur dernière fournée, nous proposent trois films méconnus dont Second Life, un petit film indépendant coréen de 2018 qui m’aura littéralement embarqué avec lui. Second Life nous conte le parcours d’une jeune fille, une intrigue presque banale au départ mais qui va prendre un virage très intéressant, le tout raconté de manière très compacte en 1h10 génériques compris. Second Life a beau être un premier film, sa maitrise de l’histoire et de ses personnages font de Park Young-Ju une réalisatrice à suivre.
Park Young-Ju s’est d’abord essayée au métier de scénariste, mais n’arrivant pas à attirer l’attention des cinéastes, elle se met à écrire ses propres scénarios dans l’optique de les réaliser elle-même. Elle commence par des courts métrages, comme A Delivery Girl (2014) puis 1 Kilogram (2016), ce dernier étant même projeté au Festival de Cannes dans la section Cinéfondation. Après avoir obtenu son diplôme de réalisation cinématographique à l’Université Nationale des Arts de Corée, elle a bénéficié d’un peu plus de soutien et peut enfin écrire et réaliser son premier long métrage, Second Life, en 2018, qui se retrouve même sélectionné au Festival International du Film de Busan dans la catégorie « New Currents ». Dans Second Life, la jeune Sun-Hee commence à mentir et ne peut plus revenir en arrière. Elle doit continuer jusqu’à ce que sa vie entière devienne un mensonge. Un petit mensonge au départ insignifiant, va entrainer Sun-Hee dans une spirale de mensonges de laquelle elle n’arrivera plus à sortir. Le film dépeint une certaine jeunesse coréenne qui a parfois du mal à vivre simplement, voire à simplement vivre. Certaines scènes sont émotionnellement très fortes (la fouille des sacs à dos), avec ce personnage qui ne peut pas vivre par lui-même, qui fuit même les gens qu’elle aime à cause des remords qui sont enfuis en elle. Si seulement elle arrivait à avancer, à évoluer, mais même là c’est compliqué car elle tourne en rond. A aucun moment, l’héroïne n’est dépeinte de manière sympathique. C’est la façon dont la réalisatrice l’observe avec sa caméra, avec sensibilité, qui créé de l’empathie envers elle au point qu’on finit par ressentir une certaine compassion même si, lorsque le film se termine, on n’apprécie pas plus le personnage que dans le premier acte car il n’a pas évolué d’un iota. La mise en scène est très réussie, sobre, posée, et nous propose des plans superbes de décors enneigés dans sa dernière partie. Une mise en scène entièrement dédiée au propos du film, avec une réalisatrice qui filme la vie et qui tente simplement de retranscrire certains sentiments humains compliqués avec une honnêteté brutale et un ton clairement mélancolique. Park Young-Ju arrive à instaurer une tension assez subtile à l’écran car nous sommes conscients de la supercherie qu’a mis en place Sun-Hee et on sait pertinemment que ça va finir par se retourner contre elle.
La jeune Jung Da-Eun (The Divine Fury, la série La Traque dans le Sang) est excellente dans le rôle de la jeune Sun-Hee, retranscrivant parfaitement la détresse de son personnage qui a besoin d’être aimé, qui a besoin d’appartenir à un groupe, la détresse d’être sans cesse mise de côté, l’impression de ne compter pour personne, jusqu’au point de partir, de fuguer sans rien dire à personne, de tenter ailleurs une nouvelle vie, une seconde vie, en espérant que l’histoire ne se répète pas, que ses mensonges qu’elle a laissés derrière elle ne la rattrapent pas. Ses expressions subtiles sont impressionnantes et il est facile de deviner la moindre des émotions de son personnage juste par son regard et sa façon d’être. On sent qu’elle n’est pas heureuse, on sent qu’elle porte un lourd fardeau, on sent qu’elle a peur d’être invisible aux yeux des autres. Le jeu des acteurs dans son ensemble est très crédible et si on a une adolescente à la maison, et toutes les histoires qui peuvent tourner autour des amitiés, des potins, des amourettes, des déceptions, … on voit rapidement que la réalisatrice a visé juste. Quiconque a été un peu timide dans sa jeunesse comprendra parfaitement le personnage de Sun-Hee et aura immédiatement de l’empathie pour elle. Mais même sans ça, il est très facile de se mettre à sa place, sans qu’on sache réellement pourquoi, et de se demander comment on aurait réagi. Certains pourront regretter que la fin soit quelque peu injustifiée, voire incohérente, tant le personnage principal avait enfin trouvé ce qu’elle cherchait. Mais elle s’est tellement enfermée elle-même dans cette mécanique destructrice qu’il est compliqué pour elle de faire la part des choses. La dépression et la culpabilité, elle les portera pendant longtemps et continuera sans doute de fuir la vérité et l’honnêteté. Une fin pleine de sens qui pose une question simple : combien de nouveaux départs Sun-Hee aura besoin pour arriver enfin à changer ? Il faut parfois s’accepter tel qu’on est avant de pouvoir vivre en paix avec les autres, mais surtout avec soi-même.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Une belle mise en scène ♥ Un scénario bien construit ♥ Le jeu des acteurs ♥ La bande originale ♥ Court et compact |
⊗ Une fin qui pourra diviser |
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Second Life a beau être un premier film, sa maitrise de l’histoire et de ses personnages font de Park Young-Ju une réalisatrice à suivre. Cette quête existentielle douce-amère et mélancolique vaut vraiment le coup d’œil. Merci Badlands de nous le faire découvrir. |
SECOND LIFE sort le 30 juillet 2025 chez Badlands en blu-ray au prix de 20€. Il est possible de le précommander / acheter : ICI 1920×1080 – 23,976p – Coréen DTS-HD MASTER AUDIO 2.0 et 5.1, sous-titres français. En plus du film, on y trouve : Présentation du film par Bastian Meiresonne (22min), Bandes annonces, Livret de 14 pages |
Titre : Second Life / 선희와 슬기
Année : 2018
Durée : 1h10
Origine : Corée du Sud
Genre : C’est pas beau de mentir
Réalisateur : Park Young-Ju
Scénario : Park Young-Ju
Acteurs : Jung Da-Eun, Park Soo-Yeon, Jeon Guk-Hyang, Jung Soo-Yeon, Kim Jae-hwa, Jang Hye-jin, Jung Yi-jae, Kim So-suk, Kim Min-yeop, Yoon Ga-i, Kwon Gwi-bin, Lim Hyung-kook