[Film] Let Him Rest in Peace, de Sai Yôichi (1985)


Tsuyoshi Shindô, docteur raté, retourne dans sa petite ville natale non loin d’Okinawa pour retrouver un ami d’enfance qui est enfermé au poste de police. L’affaire est complexe, la police refuse de le relâcher, et il semble qu’un groupe yakuza soit derrière tout cela, caché derrière une société de construction immobilière.


Avis de Rick :
Sai Yôichi, qui est à l’honneur via le coffret sortant chez Spectrum Films avec The Glorious Asuka Gang et ce Let Him Rest in Peace, n’est pas un inconnu, puisqu’en étant un peu curieux il y a plusieurs années, ces films sortaient en France, notamment Kamui, et surtout Blood and Bones avec Kitano Takeshi, qui avait eu les honneurs d’une sortie en salle. Voir donc deux de ses métrages des années 80 sortir, même si on se dit que le coffret aurait pu en contenir un troisième (Someday, Someone Will be Killed de 1984 par exemple), voire un quatrième (The Lady in Black Dress de 1987), et bien c’est déjà très bien. Même si ça ne s’adresse pas forcément à tous les publics de par les deux propositions du réalisateur, allant presque à l’opposé l’une de l’autre, mais finalement tout aussi représentative l’une comme l’autre du cinéma Japonais des années 1980. The Glorious Asuka Gang avait un visuel clairement assez marqué (daté aujourd’hui ?), suivant une mouvance internationale décrivant un futur proche (le cinéma de Walter Hill, les Mad Max, Akira), tandis que Let Him Rest in Peace est son opposé. Abordant un rythme beaucoup plus lent, moins de personnages, moins d’extravagances, mettant en avant des thématiques clairement Japonaises avec ces yakuzas se cachant derrière une société de construction (le grand classique), mais finalement avec un cachet visuel tout aussi typé années 80. Il est à noter d’ailleurs à ce niveau que la qualité du film, visuellement parlant, sur le Blu-Ray, ne cherche jamais à cacher l’époque de production du titre. Si bien que par moment, oui, ça paraît très granuleux lors de certaines scènes nocturnes, ça manque un peu de profondeur sur les noirs comme s’il manquait un peu d’éclairage, mais ça garde un vrai cachet pellicule comme on l’aimait durant ses années-là, tout en servant également le propos du film.

Et le film donc ? Let Him Rest in Peace, c’est l’histoire d’un homme qui arrive en voiture dans une petite ville paumée, dans le coin d’Okinawa. Dès les premiers instants, nous sommes presque happés. L’homme arrive, tout le monde semble inhospitalier, on se doute que les étrangers ne sont pas très bien vus, la petite ville a des allures de ville fantôme par moment, d’ailleurs, dans les rues, il est très rare de croiser quelqu’un. En quelques minutes, le cadre est posé. Rapidement, son arrivée nous est expliquée, Shindo est là pour aider son ami, enfermé au poste de police après une tentative d’agression au couteau, laissant donc derrière lui femme et enfant. Une agression qui sonne faux, et il faudra bien plus d’une rencontre dans la petite ville pour que Shindo puisse enfin assembler les pièces du puzzle, entre des flics peu coopératifs, les quelques ragots entendus au bar, quelques yakuzas, et la fameuse société de construction dont le président semble un peu trop louche. Beaucoup de personnages semblent au départ distants, ont du mal à parler, à s’ouvrir, mais petit à petit, tout s’emboite, montrant les vrais dessous de l’affaire, du pourquoi du comment, dans la veine des petits films manipulateurs de l’époque, avec ses complots, flics ripoux, et les yakuzas qui ne sont jamais loin derrière chaque business dès qu’il y a un peu d’argent à se faire, et un peu de pouvoir à acquérir. Rien de bien neuf dans le fond. Là où le métrage prend clairement ses distances avec le genre, c’est dans sa proposition qui prend son temps, qui ne laisse quasiment jamais éclater la violence, mais préfère la laisser planer, nous faire redouter le moment où elle pourra enfin arriver, sortir au grand jour. Et le réalisateur s’adapte à ce choix, à cette intrigue, plongeant son film dans une ambiance néo-noire certes classique, mais lente, faite de lents travellings, de plans larges le plus souvent, avec un montage qui ose s’attarder sur les lieux, sur les personnages et leurs déambulations.

En ce sens, Let Him Rest in Peace pourra clairement décevoir les amateurs de polars et autres films de yakuzas, tant l’ambiance prend son temps, et que chaque choix du réalisateur va dans ce sens. La première rencontre, de nuit, qui pourrait s’avérer plus ou moins musclée pour notre médecin enquêteur, elle sera filmée de loin, en plan séquence, et après un rapide coup, c’est déjà la fin, chaque personnage partant de son côté à l’issue de la scène. Les plans rapprochés sont rares ici d’ailleurs, mais plutôt marquants lorsqu’ils débarquent, comme lorsque tardivement, Shindo se retrouve avec une arme braquée sur lui. Let Him Rest in Peace, parfait petit film tout en lenteur donc ? Malheureusement, non. Encore une fois, la lenteur du récit va en rebuter plus d’un, tout comme son aspect pessimiste, amplifié par la mise en scène, et ce jusqu’aux décors et accessoires du film, qui le baignent continuellement dans un aspect assez fataliste. De même, la dernière ligne droite du métrage, un poil plus musclée que ce qui précédait, reste dans l’optique pessimiste de l’ensemble, et ainsi, son final pourra aussi déplaire, étant pris comme un « tout ça pour ça ? ». Le métrage étant par essence un film lent qui se base beaucoup sur son atmosphère, dès que l’on ne rentre pas dedans, le risque de s’ennuyer est présent, peu importe les qualités, les réflexions, les excellents acteurs.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un film hautement pessimiste
♥ Une mise en scène en adéquation avec son propos
♥ D’excellents acteurs
♥ Ce cachet années 80
⊗ Un film très lent
⊗ Une photographie parfois un peu trop sombre (par choix)
⊗ Un final qui peut laisser sur sa faim

Let Him Rest in Peace est un métrage intéressant, bien pensé, avec d’énormes qualités, visuelles, d’acteurs, mais dont le rythme lent et son ambiance n’en feront pas un spectacle pour tout le monde.


LET HIM REST IN PEACE est sorti chez Spectrum Films en Blu-ray, accompagné du film THE GLORIOUS ASUKA GANG, au prix de 30€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En Plus du film, on retrouve : Essai Video de Jasper Sharp et Bande-annonces.


Titre : Let Him Rest in Peace – Tomo yo Shizakuani Nemure – 友よ、静かに瞑れ
Année : 1985
Durée : 1h43
Origine : Japon
Genre : Policier
Réalisateur : Sai Yôichi
Scénario : Maruyama Shoichi

Acteurs : Fuji Tatsuya, Baishô Mitsuko, Harada Yoshio, Hayashi Ryûzô, Iijima Daisuke, Kusanagi Kôjirô et Miyashita Junko

Let Him Rest in Peace (1985) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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