[Film] Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde, de Edgar Wright (2013)


Cinq amis qui se retrouvent pour achever leur épique tournée des bars qu’ils n’ont pas pu terminer vingt ans auparavant deviennent involontairement le dernier espoir de survie de l’humanité.


Avis de Cherycok :
En 2007, le 2ème film de la non officielle trilogie « Cornetto » voit le jour et c’est une réussite totale, aussi bien public que critique, avec entre autres des records en termes de vente de DVD. Edgar Wright a de nouveau carte blanche pour lancer un nouveau film avec le duo Simon Pegg / Nick Frost en guise de personnages principaux. Avec la nouvelle notoriété de ces deux derniers, il est difficile de trouver le temps, chacun partant faire ses films dans son coin, à commencer par Edgar Wright lui-même qui, outre le faux trailer « Don’t » du Grindhouse de Tarantino / Rodriguez, a eu le temps de mettre en boite l’excellent Scott Pilgrim (2010). Le Dernier Pub avant la fin du Monde arrive enfin en 2013, le film reçoit des critiques positives, remporte divers prix, mais déçoit malgré tout au box-office, rapportant 46M$ pour un budget de 20M$, soit le plus faible ratio de la trilogie malgré un démarrage en fanfare. Pourquoi le public n’a pas réellement suivi ? Difficile à dire, mais bien qu’il soit un bon film, Le Dernier Pub avant la fin du Monde est clairement le plus difficile d’accès des trois pour le grand public, et ça n’a peut-être pas joué en sa faveur.

C’est dès 1995 qu’Edgar Wrights écrit un scénario, intitulé Crawl, dans lequel un groupe d’adolescents fait la tournée des pubs. Lorsqu’il le ressort des cartons après le succès de Hot Fuzz et après avoir mis en boite Scott Pilgrim, il le retravaille avec Simon Pegg, jugeant qu’il convenait mieux à une exploration comique et douce-amère du passage à l’âge adulte et du vieillissement. Il sera question d’un quarantenaire, Gary King, bloqué dans le passé lorsqu’il était jeune et insouciant, qui tente de réunir ses anciens amis de l’époque, avec qui il a fait les 40 coups, avec qui il n’avait pas réussi à terminer une tournée de 12 bars dans lesquels ils devaient prendre une pinte, mais qui eux ont désormais une ville posée, rangée, avec une famille. Pour fêter cet « anniversaire » de tournée des pubs, il veut les amener dans leur ville d’enfance et retenter ce défi. Mais outre ses amis qui eux ont su évoluer et qui semble désormais en totale opposition avec le style de vie de Gary, leur ville d’enfance semble changée. Ou plutôt ne semble pas avoir changée. Et ses habitants sont étranges. Le barathon est lancé, et c’est le début des emmerdes. Alors que Shaun of the Dead et Hot Fuzz étaient tous les deux des films rendant hommage à un certain pan du cinéma, avec des références de partout, aussi bien visuelles que dans les dialogues ou la mise en scène, Le Dernier Pub avant la fin du Monde ne prend pas la même direction. Certes, on s’inspire ici de certains vieux classiques de la science-fiction américaine, mais nous sommes ici malgré tout dans un film social, considéré par certains comme le film de la maturité d’Edgar Wright. La maturité, ou du moins l’absence de maturité de Gary King, est au centre du récit, avec le personnage de Gary King qui refuse de grandir, qui semble toujours aussi puéril, aussi « jemenfoutiste », aussi insouciant comme à ses vingt ans, même lorsqu’il se rend compte que ses quatre amis d’enfance ont su évoluer. Lorsque ces extraterrestres voulant asservir le monde rentrent en scène, ils ne se battent pas seulement pour retrouver qui ils étaient autre fois, mais aussi pour préserver ce qu’ils sont aujourd’hui. Et puis quoi de mieux après Shaun of the Dead, Hot Fuzz (et même Scott Piligrm quelque part) que de clôturer ce cycle nostalgique avec quelque chose de plus personnel, avec plus d’émotion, un discours bien plus réfléchi dont une des thématiques est qu’il faut désormais passer à autre chose ?

Le scénario de Le Dernier Pub avant la Fin du Monde est très malin car le film peut également être vu comme un pastiche de L’Invasion des Profanateurs de Sépultures qui aurait croisé la route d’Invasion Los Angeles, ou encore comme une simple comédie d’action déjantée qu’on regarde entre potes une bière à la main. Mais c’est clairement cette vision plus douce-amère qui ressort, avec ce personnage de Gary King qui sommeille en toute personne qui a un tant soit peu baroudé de fête de village en fête de village avec le même groupe de potes durant sa jeunesse, et c’est peut-être ce qui a déstabilisé un peu le public. Parce que le personnage central a beau parfois être attendrissant, il n’en demeure pas moins souvent un sacré connard qui sera sauvé par l’autre discours du film, à savoir cette société qui veut nous asservir, nous faire aller dans son sens, sous prétexte du bien de tous, et qui est donc traité via par cette entité extra-terrestre, appelée Le Réseau, qui « fabrique » de bons petits toutous. Heureusement, notre petit groupe menée par le rebelle en chef refuse cet endoctrinement, et c’est là que le film part en cacahuète total devenant complètement jouissif lors de ses scènes d’action s’inspirant, comme l’avait fait Hot Fuzz pour les gunfights, du cinéma asiatique. Edgar Wright a fait appel à Brad Allan de la Jackie Chan Stunt Team pour régler les scènes d’action et le travail est parmi ce qu’on a vu de mieux dans un film occidental. La mise en scène dynamique et appliquée de Wright leur donne même un côté viscéral et on sautille de joie sur son fauteuil devant les moments improbables auxquels on va assister avec ces extraterrestres Playmobil remplis de sang bleu qui vont se faire littéralement démonter dans tous les sens. Le Dernier Bar Avant la Fin du Monde est aussi le film de la maturité pour Nick Frost, plus dramatique que d’habitude, et Simon Pegg qui interprète à la perfection un personnage très différent, douloureusement humain, mais toujours hilarants. Le quintette dans son ensemble est de toute façon l’atout principal du film et bien qu’ils soient un peu en retrait, Martin Campbell, Paddy Considine et Eddie Marsan sont tout aussi bons que Pegg et Frost. On regrettera que le film ne laisse pas assez de place au personnage de Rosamund Pike, un peu sacrifié alors qu’elle a son importance dans le récit. Tout le dernier acte, changeant complètement de ton, a également dû en déstabiliser plus d’un, pourtant il s’intègre parfaitement au récit, au ton du film, à son côté parfois volontairement chaotique (mais maitrisé) et on sort du film avec un large sourire aux lèvres.

LES PLUS LES MOINS
♥ Très bien mis en scène
♥ Le délire des extra-terrestres
♥ Les scènes d’action très réussies
♥ Un casting impeccable
♥ La bande son
⊗ Des personnages féminins sacrifiés
⊗ Une fin qui peut diviser

Techniquement irréprochable, aussi divertissant et farfelu qu’émouvant et sincère, Le Dernier Pub Avant la fin du Monde est une très bonne conclusion à la fausse saga Cornetto du trio Edgar Wright / Simon Pegg / Nick Frost. Le film de la maturité pour Edgar Wright.

LE SAVIEZ VOUS ?
• LFelicity, l’assistante d’Andy depuis le début du film, tire son nom d’une jeune femme originaire de Stockport, appelée Fliss, qui est décédée tragiquement. Elle était une grande fan de Simon Pegg, qui lui avait envoyé des photos dédicacées à la demande de son père lorsqu’elle était malade. Elle est décédée avant de pouvoir les recevoir. Lorsque Simon Pegg l’a appris, il a intégré le personnage dans le film en sa mémoire.

• Les noms de famille des personnages principaux ont tous un lien avec la royauté ou la cour : (Gary) King, (Andy) Knightley, (Peter) Page, (Steven) Prince et (Oliver) Chamberlain.

• Pendant le tournage de la scène de l’apocalypse, plusieurs habitants de Dorking, dans le Surrey, ont appelé les pompiers parce qu’ils pensaient que la colline voisine de Box Hill était en feu.



Titre : Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde / The World’s End
Année : 2013
Durée : 1h46
Origine : Angleterre / U.S.A / Japon
Genre : Des playmobils dans la ville !
Réalisateur : Edgar Wright
Scénario : Simon Pegg, Edgar Wright

Acteurs : Simon Pegg, Nick Frost, Martin Freeman, Rosamund Pike, Pierce Brosnan, David Bradley, Paddy Considine, Eddie Marsan, Rose Reynolds, Sophie Evans


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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