[Film] Invisible Man, de Leigh Whannell (2020)


Cecilia Kass vit avec Adrian Griffin, un riche scientifique spécialisé dans l’optique, tyrannique et violent. Malmenée et désabusée, elle décide de le quitter et part en pleine nuit avec l’aide de sa sœur Emily. Deux semaines plus tard, toujours sur ses gardes, Cecilia apprend qu’il s’est donné la mort suite à son départ. Pourtant, elle s’interroge sur son suicide lorsque certains signes étranges commencent à se manifester autour d’elle la terrorisant et l’isolant des autres.


Avis de Cherycok :
L’invisibilité est un fantasme humain qui existe depuis la nuit des temps. Qui ne s’est jamais posé la question « Qu’est-ce que je ferais si personne ne pouvait me voir ? » ? Ce concept, popularisé en 1897 par le roman de science-fiction L’Homme Invisible de H.G. Wells, a bien entendu eu droit à plusieurs versions cinématographiques dont les plus connues sont celle de James Whale en 1933, sobrement intitulée chez nous L’Homme Invisible, celle de John Carpenter en 1992, Les Aventures d’un Homme Invisible, et celle de Paul Verhoeven en 2000, Hollow Man : L’Homme Sans Ombre. Tantôt présenté comme un héros, tantôt comme un psychopathe invétéré, cette figure du fantastique voit aujourd’hui un nouveau film lui être consacré avec Invisible Man (2020), réalisé par Leight Whannell, scénariste des franchises Saw et Insidious, acteur à ses heures, et réalisateur en 2018 de l’excellent Upgrade. Avec ce dernier, il nous prouvait qu’il n’y avait pas besoin d’un gros budget pour pondre un film qui en jette. Et il récidive avec sa version de l’homme invisible en s’appuyant sur un sujet on ne peut plus d’actualité depuis le phénomène #MeToo, le harcèlement et les violences envers les femmes. Alors est-ce que ce dépoussiérage du mythe de l’homme invisible vaut le coup d’œil ? Clairement oui, même si tout n’est pas parfait…

Le personnage de l’homme invisible fait partie de l’univers cinématographique des monstres Universal, tout comme peuvent l’être Dracula, Frankenstein ou encore le loup-garou. Et cela faisait un moment qu’Universal avait envie de le remettre au goût du jour. Déjà en 2006, le scénariste David S. Goyer (Les trilogie Blade et The Dark Knight) est embauché pour pondre un scénario. Le projet traine, … En 2016, le projet refait parler de lui car Universal veut l’intégrer à son Dark Universe qui verra le jour en 2017 avec le remake de La Momie d’Alex Kurtzman. Johnny Deep est pressenti pour avoir le rôle-titre et les rênes du scénario sont confiées à Ed Solomon (Charlie’s Angels, Men in Black). Sauf que voilà, ledit remake de La Momie, avec Tom Cruise, est un échec cuisant au box-office et l’adaptation de l’homme invisible est de nouveau remise en cause. C’est alors que Jason Blum, le fondateur de Blumhouse Productions, annonce s’intéresser au film. Peu de temps après, il rajoute que The Invisible Man sera écrit et réalisé par Leigh Whannell (Upgrade, Insidious 3) sous la houlette de Blumhouse donc mais que Johnny Deep ne fera pas partie du film. Elisabeth Moss (High Rise, la série The Handmaid’s Tale) est annoncée au casting pour le rôle-titre. Le film sort fin février et rapporte pas moins de 123M$US à travers le monde pour un budget de 7M$US. Et encore, son exploitation en salles a dû être raccourcie à cause de l’épidémie de COVID-19 à travers le monde et, comme un certain nombre de films sortis à la même période, arrivera en VOD bien plus tôt que prévu pour essayer de continuer d’engendrer des bénéfices.

Avec les productions Blumhouse, il faut toujours se méfier. La boite de prod de Jason Blum est capable du meilleur (Get Out, Split, Stockholm, Upgrade, ou encore American Nightmare) comme du pire (la saga Paranormal Activity, Black Christmas, Nightmare Island). Les voir s’attaquer au mythe de l’homme invisible avait de quoi en inquiéter certains. Mais force et de constater que, grâce au talent de Leigh Whannell, le résultat est bien au-delà des espérances. Invisible Man est un drame déguisé en thriller horrifique qui nous tient en haleine du début à la fin, nous permettant d’assister au destin d’une femme, Cecilia, qui va peu à peu sombrer dans la folie, persuadée que son ancien compagnon, un scientifique spécialisé dans l’optique et pervers narcissique qui s’est suicidé après qu’elle l’ait quitté, ne serait pas réellement mort et qu’il aurait trouvé le moyen de se rendre invisible pour continuer à la persécuter. Son entourage, d’abord très proche, va petit à petit s’éloigner d’elle. Ils ne la croient pas, ne la comprennent pas, la prennent pour une folle au vu des réactions parfois étranges qu’elle a. Mais Cecilia est certaine qu’elle n’est pas folle et ne va avoir d’autres choix que de se débrouiller toute seule pour prouver à tout le monde sa bonne santé mentale, et que toutes les situations étranges auxquelles elle confronte son entourage ne sont pas à cause d’elle.
Leigh Whannell prendre le parti de placer son histoire du côté de son héroïne Cecilia et non pas du côté du fameux homme invisible. Cela va lui permettre de parler de nombreuses problématiques qui concernent les femmes qui sont confrontées à des hommes ne les respectant pas, via le harcèlement sexuel ou les violences conjugales (physiques ou psychologiques). « Encore un film qui va jouer à fond la carte du féminisme » pourront penser certains. Oui et non. Car Leigh Whannell va exploiter le sujet pour rendre ses éléments narratifs encore plus percutants. Il ne va jamais lésiner ni sur le fond, ni sur la forme et va créer un climat réellement anxiogène. En l’espace de quelques secondes, il nous met à la place de son héroïne.

Le personnage de Cecilia vit dans une peur permanente et on vit cette peur avec elle. Grâce à de très habiles plans et jeux de caméra, Leigh Whannell nous amène, sans même qu’on s’en rende compte, à chercher à chaque scène le moindre détail, le moindre mouvement en arrière-plan, qui pourrait laisser suggérer la présence de l’homme invisible dans la pièce où son héroïne se trouve. Mais point question ici pour le réalisateur de jouer sur les jumpscares, il n’y en a d’ailleurs aucun. Il va tout jouer sur la l’angoisse et la tension qui montent crescendo parallèlement au comportement paranoïaque de l’héroïne. La prestation que livre Elizabeth Moss est vraiment excellente. La terreur que vit son personnage se lit littéralement dans ses yeux, permettant de maintenir constamment la psychose ambiante due à l’impossibilité de voir le danger. La mise en scène de Leigh Whannell va d’ailleurs aller dans ce sens. La photographie est très soignée et les angles de vue sont toujours extrêmement bien choisis. Il va énormément jouer avec les lieux clos afin de renforcer le côté claustro de certaines scènes (le passage dans le grenier, celui dans la chambre, …). L’utilisation des CGI va se limiter au strict minimum (il n’avait de toutes façons sans doute pas le budget) et les effets sonores ne sont jamais superflus. La bande son est d’ailleurs très bien étudiée, permettant de bien maintenir le suspense.
Le dernier acte du film est malheureusement plus convenu. Non pas qu’il ne soit pas bon, mais les choix scénaristiques qu’il propose sont parfois étranges. On a l’impression que le réalisateur essaie de brouiller les pistes, de nous faire douter des certitudes que nous avions acquises depuis le début du film. Néanmoins, si on prend le film dans son ensemble, on ne peut que saluer le travail de Leigh Whannell qui livre ici une version de l’homme invisible assez différente de celles qui ont déjà été faites.

LES PLUS LES MOINS
♥ Montée en tension efficace
♥ Elisabeth Moss
♥ Très bonne mise en scène
♥ La réflexion derrière le film
⊗ Quelques légèretés scénaristiques
⊗ Un final en deçà
Après le sympathique Insidious 3 et le très bon Upgrade, Leigh Whannell livre une fois de plus un film qui vaut le détour. Invisible Man n’est certes pas révolutionnaire mais il est intelligent, angoissant et très bien ancré dans son époque. Une bonne surprise.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Sur le mur extérieur de l’hôpital psychiatrique figure un graffiti de la poupée Jigsaw du film Saw. Le même genre de clin d’œil était présent dans le précédent film du réalisateur, Upgrade (2018). Leigh Whannell a écrit le scénario de Saw et a même tenu un rôle dans le premier film.

• Armie Hammer (The Lone Ranger, Agents très Spéciaux : Code UNCLE) et Alexander Skarsgard (Tarzan, la série True Blood) étaient au départ pressenti pour tenir le rôle-titre du film. Ça sera donc finalement Olivier Jackson-Cohen qui sera choisi.

• Leigh Whannell a déclaré lors d’une interview qu’il a puisé son inspiration pour Invisible Man dans de nombreux films. Il cite notamment Pas de Printemps pour Marnie, Les Oiseaux, Prisoners, Sicario, A Ghost Story, ou encore L’Exorciste. Il précise que même si tous n’ont pas un rapport évident au film, ils ont tous eu leur part d’importance pour déterminer la tonalité d’Invisible Man.

• Pour la musique du film, Leigh Whannell ne voulait pas quelque chose de trop démonstratif, il ne voulait pas souligner les moments où le spectateur est censé avoir peur. Il a engagé Benjamin Wallfisch (Blade Runner 2049, Ça) pour imaginer des sonorités avec un relief bien particulier. Il voulait également que la musique de son film soit un hommage à l’une de ses idoles, Bernard Herrmann, et à son chef d’œuvre composé pour Psychose de Hitchcock.

• En novembre 2019, un spin off du film est annoncé, The Invisible Woman. Le film sera à priori réalisé et produit par Elizabeth Banks (W : L’improbable Président, Hunger Games) qui jouera d’ailleurs dans le film. Le scénario serait écrit par Erin Cressida Wilson (La Fille du Train, La Secrétaire).



Titre : Invisible Man / The Invisible Man
Année : 2020
Durée : 2h04
Origine : Australie / U.S.A
Genre : Bon remake !
Réalisateur : Leigh Whannell
Scénario : Leigh Whannell

Acteurs : Elisabeth Moss, Olivier Jackson-Cohen, Harriet Dyer, Aldis Hodge, Storm Reid, Michael Dorman, Benedict Hardie, Renee Lim, Brian Meegan

 Invisible Man (2020) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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