
Lors de l’été 2008, à Fremont, en Californie, Chris Wang, un jeune Américain d’origine taïwanaise de 13 ans profite du dernier mois de vacances avant de passer au lycée. La relation avec sa mère Chungsing est tendue en raison de leur origine culturelle différente et de la grande différence d’âge. Chris décide d’apprendre des choses que sa famille ne peut pas lui apprendre. Il s’agit notamment du skateboard, du flirt et de la façon d’aimer sa mère. Il fait la connaissance du mal d’amour pour la première fois, de vieilles amitiés se brisent et de nouvelles se créent. De plus, les médias sociaux n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.
Avis de Cherycok :
Premier long métrage de Sean Wang après de nombreux courts, Didi est un énième film sur l’adolescence et le souvent douloureux passage à l’âge adulte. Oui, mais Didi a quelque chose qui l’élève au-dessus de la masse et c’est ce n’est pas étonnant s’il a gagné toute une tripotée de prix dans les divers festivals par lesquels il est passé, comme par exemple au Sundance Film Festival, au Seattle International Film Festival, au Independant Spirit Awards ou encore au Munich International Films Festival. Au final, c’est pas moins de 21 récompenses et 39 nominations que Didi a accumulé en peu de temps. Il a même été classé dans le top 10 des meilleurs films indépendants de 2024 par le National Board of Review qui, depuis 1909, décerne chaque année les National Board of Review Awards aux meilleurs films de l’année. Alors oui, on sait que parfois les récompenses ne veulent rien dire, mais lorsqu’elles s’accumulent autant, c’est que peut-être il y a un petit quelque chose de différent.
Didi met en scène le jeune Chris, surnommé Wang Wang par ses copains, un élève taïwanais-américain qui vient de finir le collège, qui utilise régulièrement les médias sociaux, alors à leurs balbutiements, pour échapper à son quotidien qu’il trouve décevant et à une mère surmenée. A la maison, il y a beaucoup de conflit, d’une part avec sa grande sœur avec qui il se chamaille sans cesse, mais aussi avec sa mère et surtout sa grand-mère. Chris ne fait que suivre les us et coutumes de la société américaine, aussi bien dans la façon de manger, de se comporter avec les adultes ou d’appréhender les études, ce qui va à l’encontre de tous les principes de sa grand-mère, qui en plus ne parle que mandarin, d’une culture et d’une génération différente. La maison dans laquelle vit Chris est un matriarcat (son père travaille à Taïwan), ce qui le pousse à opprimer ses émotions et à essayer d’être un dur à cuire, générant pour le coup de nouveaux conflits. Et puis il y a tout ce qu’il se passe en dehors de la maison, avec un jeune homme souvent très maladroit dans ses propos, parfois un peu effacé, en arrière-plan, qu’a pas forcément les armes pour appréhender toutes les situations. Il a souvent un peu trop tendance à s’inventer une vie, des compétences, des talents qu’il n’a pas pour essayer de mieux s’intégrer dans tel ou tel groupe de personnes. On va accompagner Chris durant l’été 2008 et les évènements importants qui vont s’y dérouler, comme la rencontre avec la fille qu’il aime, l’éloignement avec ses amis d’enfance, le rapprochement avec un groupe de garçons plus âgés, les adieux à sa sœur qui part à l’université, … Bref, nous allons assister à la création de la personnalité de Chris, au début de son long chemin vers la maturité, avec tout ce que cela va comporter d’échecs, de faux-pas, d’incompréhensions, mais aussi d’apprentissages.
La mise en scène de Sean Wang est précise et intelligente, avec un énorme travail sur la composition des plans dans lesquels on remarquera souvent un jeu, plein de symbolisme, avec la symétrie. Wang met en boite de nombreux plans américains dans lesquels le personnage de Chris est au premier plan et qui font partie intégrante de la narration, soulignant souvent une avancée dans la psychologie du personnage, que ce soit lors d’une déception, d’une peur ou d’une réflexion. Là où le film se fait très intelligent également, c’est dans l’utilisation du numérique pour recréer les réseaux sociaux, que ce soit Youtube, Facebook, MySpace ou AOL Messenger, des années 2000, pas forcément pour leur aspect visuel qui fera vibrer la fibre nostalgique de certains, mais car elles vont représenter certaines séquences les plus significatives sur le plan émotionnel et sur le chemin parcouru par le personnage de Chris. Que ce soit par des séquences de plusieurs longues secondes avec seulement un curseur clignotant dans une fenêtre de tchat représentant l’hésitation et la réflexion de Chris, ou encore l’utilisation de certains boutons bien précis pour nous montrer sa prise de décisions, l’ensemble arrive à se faire prenant et intense alors que, au final, nous sommes juste devant une image montrant les réseaux sociaux dans leur état primitif, avec juste un curseur de souris qui se déplace, qui clique, et des messages avec des fautes d’orthographe et des abréviations qui poppent. Didi n’est pas réellement une comédie, mais ce n’est pas non plus un drame. Il se situe entre les deux, un voyage de découverte de soi dans lequel beaucoup d’entre nous nous sommes peut-être retrouvé à la puberté et au début de l’adolescence. On sent que le réalisateur a injecté dans Didi une partie de sa propre adolescence, mais, même si ça parle d’immigration et d’identité culturelle (entre autre), le message est malgré tout universel.
La réussite du film est en partie due à son casting. Certes, les acteurs secondaires ne sont pas exceptionnels, mais ils font le job sans aucun souci. Mais les acteurs qui interprètent les différents membres de la famille sont excellent. Déjà, on est content de retrouver l’excellente Joan Chen (Twin Peaks, Le Sang des Héros) qui livre une superbe prestation dans le rôle de la mère aimante mais désabusée. Zhang Li Hua, la véritable grand-mère du réalisateur qu’il avait déjà mis en scène dans le court métrage récompensé Nai Nai & Wài Pó (2023), est attachante et touchante malgré ses divers coups de gueule. Shirley Chen (Slanted, Beast Beast) est très juste dans le rôle de la grande sœur, arrivant à parfaitement retranscrire la relation compliquée avec son frère. Et puis il y a le jeune Izaac Wang (Clifford, Good Boys), toujours juste, jouant sans peine toutes les émotions par lesquelles passe son personnage, immédiatement attachant. Le développement de ces personnages est des plus séduisant, tout comme celui de son histoire, somme toute assez lambda mais que le réalisateur arrive à magnifier par à la fois la simplicité du propos et la grande quantité de thématiques qui sont abordées. Didi est rythmé, court (1h34 au compteur génériques compris), et file à vive allure au point que, lorsque les vacances sont finies, que Chris arrive au lycée et que le générique de fin retentit, on se dit qu’on aurait bien passé encore un peu de temps avec ces charmants petits personnages et cette charmante petite histoire.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le casting ♥ Des personnages attachants ♥ La mise en scène intelligente ♥ Les thématiques universelles ♥ Le côté nostalgique |
⊗ Trop court ⊗ Une bande son peu mémorable |
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Didi est un premier film qui arrive à mêler message intime et message universel avec une facilité déconcertante. Une comédie dramatique pleine de charme, dans laquelle on s’identifie immédiatement au personnage principal, qui mérite qu’on lui donne une chance. |
Titre : Didi / Dìdi
Année : 2024
Durée : 1h33
Origine : U.S.A
Genre : On passe tous par là
Réalisateur : Sean Wang
Scénario : Sean Wang
Acteurs : Izaac Wang, Joan Chen, Shirley Chen, Zhang Li Hua, Mahaela Park, Raul Dial, Aaron Chang, Chiron Cillia Denk, Sunil Mukherjee Maurillo, Montay Boseman