[Film] Chinatown Kid, de Chang Cheh (1977)


Luttant pour survivre aux guerres de gangs meurtrières de Hong Kong, Tam Tung, un jeune combattant de rue spécialisé dans les arts martiaux, réussit à vaincre tous ses adversaires, jusqu’à ce qu’il se heurte à l’empire sauvage de la triade de Hong Kong. Fuyant à San Francisco, il se retrouve à nouveau confronté à des gangs criminels, mais cette fois-ci, il se fraye un chemin jusqu’au sommet de l’organisation mafieuse la plus redoutée de la ville, dirigée par le boss White Dragon.


Avis de Cherycok :
Si vous vous intéressez au cinéma de Hong Kong et en particulier au cinéma de la Shaw Brothers, vous connaissez sans doute la Venom Mob, ce groupe d’acteurs / artistes martiaux dont le noyau dur est composé de Lo Meng, Chiang Sheng, Sun Chien, Philip Kwok et Lu Feng, qui apparaissent dans de nombreux films de la Shaw Brothers, popularisés par le film de Chang Cheh The 5 Deadly Venoms / Cinq Venins Mortels en 1978. En tout, c’est plus de 20 films que Chang Cheh réalisera avec eux entre 1977 et 1982. Mais ce qu’on sait moins, c’est que The Five Deadly Venoms n’est pas le premier film dans lequel ils apparaissent tous les cinq et l’année d’avant, ils sont déjà tous présents un an avant dans Chinatown Kid (1977), sorti chez nous sous le titre Le Caïd de Chinatown, une bobine déjà réalisée par Chang Cheh pour le compte de la Shaw Brothers. Mais Chinatown Kid n’est pas un énième film d’arts martiaux du maitre Chang Cheh, c’est aussi une réflexion sociale qui en font, malgré des imperfections, bien plus qu’un simple divertissement.

L’intrigue assez classique de Chinatown Town reprend à quelque chose près celle de Boxer From Shantung, lui aussi de Chang Cheh, à l’exception qu’il la transpose dans un contexte contemporain et international puisque l’action va se situer à un San Francisco des années 70. Bien que la reconstitution en studios de ces rues de San Francisco pourra en faire sourire certains, le charme de ces décors colorés de la Shaw Brothers à base de matte painting fonctionne encore et toujours et la photographie capture parfaitement l’essence de Chinatown avec ces petites ruelles étroites, ses enseignes lumineuses, zses quartiers peuplés, son ambiance nocturne au point que la ville de San Francisco en devient un personnage à part entière. La photographie va souvent jouer avec les contrastes ombre / lumière comme pour souligner l’ambiguïté morale du récit. Comme dit en introduction, bien que Chinatown Kid soit un film d’arts martiaux (on y reviendra plus bas), il aborde plusieurs thématiques bien plus profondes qu’un simple kung-fu pian. Le film va par exemple exposer les difficultés des immigrants chinois aux Etats-Unis, confrontés à l’exploitation et à la pauvreté, soulignant l’ascension de son héros Tam Tung dans le monde du crime pour illustrer l’alternative que certains ont choisis pour justement ne pas être confronté à cette trajectoire tragique du rejet et de la pauvreté. Chang Cheh critique clairement le fameux rêve américain qui n’est souvent qu’un leurre pour les immigrés chinois, où la réussite est certes possible mais souvent avec un prix à payer et une violence omniprésente. Chinatown Kid va également explorer un des thèmes récurrents chez Cheng Cheh, celui du conflit entre la solidarité sociale et l’intérêt personnel avec son personnage central qui va devoir jongler entre son ascension dans le crime et la protection de sa famille et même de sa communauté.

Les personnages sont intéressants, à commencer par le antihéros interprété par Alexander Fu Sheng, qui s’avère assez complexe, et qui arrive très bien à retranscrire l’évolution de ce personnage au départ naïf mais qui va petit à petit devenir très stratège. Philip Kwok et Sun Chien, qui interprètent les antagonistes avides de pouvoir, sont charismatiques et crédibles malgré leur jeu pas toujours très juste bien qu’apportant un peu de profondeur à un récit au demeurant assez classique. C’est d’ailleurs une constante chez une grosse partie du casting avec des acteurs qui finalement sont bien plus à l’aise lorsqu’il faut balancer des tatanes et déchausser des dents que lorsqu’il faut réellement jouer la comédie. Les affrontements et la violence sont d’ailleurs un vecteur narratif et les combats, assez nombreux, sont mis en scène comme des prolongements psychologiques des scènes de tension qui les ont précédés. En termes de mise en scène pure, Chang Cheh va alterner plans larges, pour souligner le talent martial de ses acteurs, et plans rapprochés afin de ne jamais laisser en arrière-plan les émotions des personnages. Les chorégraphies de Robert Tai vont se montrer rapides, nerveuses, brutales, bien plus intenses que beaucoup de kung fu old school qui sortaient à cette époque, avec des artistes martiaux, en particulier Alexander Fu Sheng dévastateur et un Sun Chien qui fait preuve d’un incroyable talent pour les coups de pied, qui s‘en donnent à cœur joie. Chinatown Kid est par contre très marqué 70’s, bande originale funkadelic et tenues très kitch à l’appui, lui donnant parfois un petit côté vieillot. Mais ne vient pas entacher un bon petit film de kung fu qui va au-delà du kung fu.

LES PLUS LES MOINS
♥ De bonnes scènes d’action
♥ Des thématiques intéressantes abordées
♥ Le talent martial des acteurs
♥ Des personnages intéressants
♥ Le charme désuet des décors de la Shaw
⊗ Manque clair d’originalité
⊗ Un look un peu daté
⊗ Le jeu du casting, pas très juste

Bien que parfois un peu daté et nous présentant une intrigue vue et revue, Chang cheh livre avec Chinatown Kid un bon petit film de kung fu contemporain qui transcende le simple spectacle d’action en abordant des thématiques intéressantes.

LE SAVIEZ VOUS ?
• La version originale du film an cantonais/mandarin et la version rééditée uniquement en mandarin sont presque deux films complètement différents. La version en mandarin dure environ 90 minutes et se termine par l’arrestation du héros et du méchant. La version originale dure 115 minutes et comporte beaucoup plus de scènes de combat, des séquences supplémentaires « plus sombres » montrant les agissements malveillants du héros, ainsi que des séquences alternatives, notamment la fin originale dans laquelle le héros meurt dans la bataille finale avec le méchant. Pendant des années, cette version originale n’était disponible qu’en VHS doublée en anglais chez South Gate Entertainment aux États-Unis, tandis que Celestial Pictures avait donné la priorité à la version rééditée de 90 minutes avec la restauration du film pour DVD et Blu-ray. Cependant, en 2021, Arrow Video a sorti un Blu-ray dans le cadre de son coffret « Shaw Scope Vol. 1 » contenant la version originale du film, disponible en cantonais/mandarin hybride original ainsi qu’en version doublée en anglais pour l’exportation.



Titre : Le Caïd de Chinatown / Chinatown Kid / 唐人街小子
Année : 1977
Durée : 1h26
Origine : Hong Kong
Genre : Les (fausses) rues de San Francisco
Réalisateur : Chang Cheh
Scénario : Chang Cheh, Ni Kuang, James Wong Jim

Acteurs : Alexander Fu Sheng, Sun Chien, Phillip Kwok, Lo Meng, Jenny Tseng, Shirley Yu, Siu Yam-Yam, Johnny Wang, Yang Chi-Ching, Wong Ching-Ho, Lu ti


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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