[Film] A Light Never Goes Out, de Anastasia Tsang (2022)


Depuis le décès de son mari Bill, Mei-Heung ne trouve plus le sommeil. Après avoir trouvé une clef dans les affaires de Bill, elle découvre qu’il avait un atelier de néons et rencontre le jeune apprenti Leo. Ensemble, ils se lancent dans un voyage pour achever le dernier projet de Bill, tandis que Mei-Heung apprend l’art délicat du soufflage de lumière au néon…


Avis de Cherycok :
Premier film de la réalisatrice Anastasia Tsang après un segment, 11 ans plus tôt, de l’anthologie Naked Human Nature, A Light Never Goes Out a, pendant un certain temps, été sélectionné pour représenter Hong Kong dans la catégorie Meilleur Long Métrage International lors de la 96ème cérémonie des Oscars avant d’être disqualifié car un des acteurs, Simon Yam, était également membre de la Federation of Motion Films Producers of Hong Kong, organisme qui décide des films à présenter aux Oscars, ce qui constitue une violation aux règles de l’Académie. Tout ça pour dire que, même s’il est présenté en tant que « film bonus » de l’édition Spectrum Films du film Shanghai Blues, A Light Never Goes Out n’est pas juste là pour faire office de remplissage mais bel et bien car il a quelque chose à raconter, quelque chose qui parlera à tous les amateurs de films de Hong Kong, en particulier aux amateurs de la ville de Hong Kong elle-même et de son ambiance si particulière.

A Light Never Goes Out est d’une douce mélancolie, abordant de manière très subtile le thème de la perte d’un être cher et de comment on se reconstruit après ce genre de douloureux évènement, surtout lorsque l’entourage proche, ici en l’occurrence un enfant, semble bien moins atteint par la chose. C’est d’autant plus difficile pour notre héroïne lorsqu’elle se rend compte qu’il semble y avoir encore de l’activité dans l’atelier de son défunt mari, la bloquant encore plus dans cet état de paralysie émotionnelle dont elle ne semble pas vouloir sortir. Sylvia Chiang livre une superbe performance dans le rôle de cette veuve éplorée qui a du mal à se remettre de la mort de son mari aimant, artisan dans l’industrie de l’enseigne en néon (d’où le titre). Elle est au centre de presque toutes les scènes et porte clairement le film sur ses épaules d’une bien belle manière. Chang a d’ailleurs été nommée meilleure actrice aux Golden Horse Awards 2022 à Taipei (et a été nominée pour le même prix aux Hong Kong Film Awards). Le film joue la carte des flashbacks pour apporter quelques moments de douceur, dans lesquels on découvrira des petits moments de vie entre Heung et son défunt mari. Un procédé certes parfois un peu facile mais jamais lourdingue et qui va opposer certaines certitudes du personnage de Heung à ce qu’il en est réellement au fur et à mesure qu’elle va trouver des choses dans l’atelier à néons qui vont venir tout bousculer. Le scénario pourra paraitre un peu banal, avec des allures parfois un peu simplistes, mais il aborde mine de rien plusieurs thématiques des plus intéressantes. On y retrouve donc le deuil, mais aussi le fossé qu’il y a parfois entre l’ancienne et la jeune génération, ainsi que la difficulté qu’ont certains jeunes à gagner de l’argent et, du coup, à se loger. Mais A Light Never Goes Out ne tombe jamais dans le larmoyant. A l’inverse, il se montre même souvent plein d’entrain avec quelques moments de légèreté parfois hors du temps (par exemple lorsqu’ils sculptent le verre) jusqu’à un final dont on ressort avec le sourire.

En centrant le récit sur ces artisans du néon, typiques de Hong Kong jusqu’à ce que, peu à peu, cet art soit remplacé par le système LED, il y a un côté très nostalgique, parfois un peu doux-amer, sur Hong Kong et même quelque part sur son cinéma qui, dans les années 80 et 90 a très souvent mis en images des plans de villes remplis de néons, qui sont d’ailleurs très souvent restés en tête des amateurs de films HK. Le film s’amuse par moment à mettre en parallèle des plans de la ville actuelle avec les mêmes plans quelques décennies plus tôt, bien plus colorés, bien plus chaleureux, bien plus vivants. Qui, en voyant un Ringo Lam, Kirk Wong, Wong Kar-Wai ou Johnnie To n’a jamais voulu errer la nuit dans ces petites ruelles hongkongaises éclairées par des néons multicolores. Mais en évoquant la nostalgie de ce Hong Kong d’antan, est-ce que la réalisatrice Anastasia Tsang ne parlerait pas de son anxiété, de sa peur, mais aussi de celle de tout un pan de la population locale, de l’absorption progressive mais néanmoins de plus en plus rapide de Hong Kong par la Chine Continentale ? Si c’est le cas, déguiser cela en récit en apparence tout simple sur la disparition d’un art bien particulier est assez malin, d’autant plus qu’il semblerait que de plus en plus de jeunes hongkongais se lancent dans cet art, comme pour préserver ce passé, comme une manière un peu détournée de lutter à leur façon. Une chose est sûre, c’est que lorsque le personnage de Sylvia Chiang s’écrit « Vos nouvelles lois sont illégales » à propos des nouvelles normes concernant les éclairages, il est difficile d’y voir autre chose qu’un scud balancé au gouvernement chinois. On pourra reprocher au propos d’être un peu trop manichéen, avec cette vision du passé très idéalisée et un présent qui est quasiment rejeté en bloc. Mais si on prend en compte les manifestations de masse qui ont eu lieu à Hong Kong en 2019 et 2020 et la répression chinoise envers les manifestants qui a beaucoup fait parler, cela fait sens et on comprend l’anxiété de cette population qui se fait petit à petit avaler par l’ogre chinois. Une chose est sûre, c’est qu’en basant son film sur cet art de la fabrication d’éclairages en néon et, du coup, d’éclairer son film de la sorte, cela donne des images superbes pour qui est un minimum sensible à ce type de photographie très colorée, et on sent une réelle passion d’Anastasia Tsang pour son sujet, mais aussi une réelle passion pour le Hong Kong dans lequel elle a grandi.

LES PLUS LES MOINS
♥ Bien mis en scène
♥ Un casting parfait
♥ Très belle photographie
♥ Les thématiques abordées
♥ Le message derrière ces néons
⊗ Un scénario au final banal
Des seconds rôles qui manquent de profondeur

D’une grande beauté plastique, A Light Never Goes Out est un bien joli premier film. Anastasia Tsang filme Hong Kong avec autant de mélancolie que de nostalgie et n’oublie pas d’y intégrer un message politique comme bon nombre de productions locales actuelles.


A LIGHT NEVER GOES OUT est sorti en blu-ray chez Spectrum Films dans le coffret consacré au film Shanghai Blues au prix de 45€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Présentation de Arnaud Lanuque, Entretien avec Anastasia Tsang, Bande annonce.



Titre : A Light Never Goes Out / 燈火闌珊
Année : 2022
Durée : 1h43
Origine : Hong Kong
Genre : L’art du néon
Réalisateur : Anastasia Tsang
Scénario : Anastasia Tsang, Toi So-Man

Acteurs : Sylvia Chang, Simon Yam, Cecilia Choi, Henick Chou, Ben Yuen, Mak Chau-Shing, Alma Kwok, Tong Hoo-Yin, Mimi Kung, Rachel Leung, Chan To-On

A Light Never Goes Out (2022) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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