
Nitta, professeur de danse traditionnelle le jour et tueur à gage la nuit, se voit confier un nouveau contrat et se retrouve mêlé à un complot politique. Très vite, il devient l’homme à abattre.
Avis de Rick :
A Certain Killer a dû être un petit carton pour la Daiei, qui n’attend donc que quatre petits mois avant de lancer sur les écrans Japonais cette suite, que l’on pourrait considérer plutôt comme une variation. Même acteur, même réalisateur, le milieu rural un peu délabré remplacé par une grande ville, un nouveau contrat. Mais ce coup-ci, au lieu d’avoir un jeune yakuza qui veut la mettre à l’envers à notre héros, le métrage se tourne vers la variation classique de l’employeur qui, une fois le contrat bouclé, tente de faire passer la vie du tueur de vie à trépas, éliminer toutes traces en quelque sorte. Comme c’est très souvent le cas dans ce genre de métrage. En tout cas, avec son côté redite au départ, A Killer’s Key ne traine pas pour nous mettre dans le bain. Là où le premier métrage nous montrait l’arrivée du personnage dans son nouvel environnement, son quotidien avant qu’un contrat ne soit placé entre ses mains, tout va ici beaucoup plus vite. Juste une rapide présentation de la nouvelle occupation de notre héros, ce coup-ci professeur de danse, et voilà que nos yakuza vont déjà avoir besoin de faire appel à lui en coulisses, pour éliminer un rival qui pourrait bien faire tomber quelques têtes s’il ne passe pas l’arme à gauche. Car A Killer’s Key cette fois-ci ne joue pas simplement dans le genre codifié du film de yakuza, mais incorpore quelques autres éléments, certes souvent déjà vus, à base de magouilles immobilières. A croire dans le fond qu’avec l’aide des yakuza pour reconstruire le Japon après la guerre, ceux-ci ont en pleinement profités pour s’implanter dans le milieu et y rester, se servant donc de ces sociétés pour couvrir leurs activités. C’est en tout cas la déduction logique que l’on pourrait avoir, connaissant la vérité sur les événements, et vu le nombre de films mettant en avant ces yakuza dans l’immobilier.
Pour le reste, et bien il est vrai que A Killer’s Key fait comme beaucoup de sagas des années 60 et 70 au Japon, reprenant la formule du premier opus, en y apportant quelques minimes petits changements pour justifier le tout. On se souviendra par exemple des Delinquent Girls Boss qui partaient tous avec le même postulat, et conservaient pour la plupart une structure narrative identique, mais les petits détails faisaient la différence, et jouaient sur notre appréciation personnelle de tel ou tel opus. Et bien c’est exactement le cas ici, et j’ai envie de dire qu’en conservant toutes les qualités du premier film, et en poussant un poil plus long la stylisation du métrage, Mori Kazuo signe là un film légèrement supérieur à l’original. Ça se joue finalement aux détails. Car Ichikawa Raizô joue toujours le tueur peu bavard et solitaire, il a toujours une activité de jour (professeur de danse ici contre cuisinier dans le premier), une femme qui pourrait lui être fatale tourne toujours autour de lui (une prostituée qu’il embauche dans le premier, une étudiante en danse ici en recherche de sponsor), on l’embauche toujours pour éliminer un rival, sa technique « magique » se fait toujours avec une grande aiguille, et tout cela finit encore une fois par se retourner contre lui, même si ici, le scénario se fait bien plus direct. Mori Kazuo en tout cas semble avoir apprit du premier film, puisqu’ici le rythme s’emballe très rapidement, et qu’en prime, il se laisse aller à styliser encore plus ses plans, que ce soit dans des passages anodins (notre tueur dansant dans la pénombre, sous le regard de son étudiante) ou d’autres bien plus lourds et tendus. Il utilise également beaucoup plus de couleurs vives pour coller à l’ambiance nocturne et fatale de son récit, pour des plans souvent du plus bel effet. Et niveau action, il se lâche également un peu, les yakuza étant très rapidement après notre héros, et que tout cela amène plus de bastons, plus de morts, et même des explosions. La Daiei n’a donc pas fait les choses à moitié pour cette prolongation de l’univers.
Ichikawa Raizô reste toujours convaincant dans son rôle, et la présence féminine de Satô Tomomi (Jigoku, le cinquième opus de la saga Baby Cart) est plus que charmante. Bien entendu, on pourrait par contre faire au métrage exactement les mêmes reproches que sur le premier film. A savoir un scénario classique utilisant tous les archétypes et stéréotypes du genre, un côté stylisé mais malgré tout parfois un peu trop sage quand on le compare à quelques expérimentations sorties la même année, ou un petit côté vieillot, notamment en ce qui concerne les bastons à mains nues, avec par moment des coups clairement donnés à côté. De même, on pourra lui reprocher la relative facilité avec laquelle on donne des informations à notre tueur, ce qui en contrepartie fait avancer le récit de manière très fluide, sans fioritures, sans gras. Mais c’est aussi l’époque qui veut ça, et ça ne retire en rien le charme de la bobine, un film noir plus que compétent, stylisé, allant à l’essentiel, encore plus court que le premier film d’ailleurs pour le coup (1h19), et même avec plus d’action. Une belle découverte donc pour l’amateur du cinéma Japonais de la belle époque, quelques années avant que Fukasaku ne vienne dynamiter tout ça.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Encore plus court que le premier film ♥ Un rythme endiablé ♥ Plus d’action ♥ La mise en scène encore plus stylisée |
⊗ Des combats toujours un peu vieillot ⊗ Des facilités d’écriture |
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Proposant dans les grandes lignes la même formule que le premier film, A Killer’s Key permet néanmoins au réalisateur d’affiner sa technique et de livrer, malgré quelques couacs, un métrage tenant tout aussi bien voire encore mieux la route. |
A KILLER’S KEY est sorti chez Spectrum Films en combo blu-ray avec A CERTAIN KILLER, au prix de 30€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr En plus du film, on y trouve : Présentation de Stéphane Du Mesnildot, Essai vidéo de Jasper Sharp et Bande-annonce. |
Titre : A Killer’s Key / ある殺し屋の鍵/ Aru Koroshiya no Kagi
Année : 1967
Durée : 1h19
Origine : Japon
Genre : Policier
Réalisation : Mori Kazuo
Scénario : Kotaki Mitsuro
Avec : Ichikawa Raizô, Nakatani Ichirô, Nishimura Kô, Satô Tomomi, Yamagata Isao, Kaneuchi Yoshio, Uchida Asao et Date Saburô
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