[Film The Ninja Dragon, de Go Nagai (1990)


Deux tueurs mystérieux assassinent les grands chefs de famille Yakuza. Le chef de la famille Nindo apprend alors à sa fille qu’un mystérieux groupe de ninjas protège les membres du clan depuis des temps immémoriaux. Et il confie à la jeune Shinobu un étrange sifflet censé faire appel à ces ninjas en cas de problèmes. Insouciante la jeune fille continue d’aller à l’école, et se voit adjoindre une sorte de domestique chauffeur en la personne d’un jeune homme gaffeur et un peu déluré.


Avis de Yume :
Etonnant. Je ne cesserai de le répéter années après années, mais Go Nagai est un auteur étonnant qui semble s’amuser à se disperser dans de multiples genres et multiples médias. Mangaka de génie qui a, en son temps, révolutionné le genre à travers de séries cultissimes, Go Nagai semble aujourd’hui encore, après plus de 30 ans de carrière, complètement indémodable comme en témoignent les adaptations plus ou moins heureuses de quelques-uns de ses chefs d’œuvre comme Devilman et Cutie Honey. Si ce dernier péchait par son numéro d’équilibriste loupé entre film de famille consensuel et film purement exploitation, déluré et coquin, Devilman fut un véritable loupé comme on n’en voit que rarement. Deux films qui ont pour point commun majeur d’être passé à côté de l’esprit Go Nagai, soulevant une grande question : qui pourrait le mieux faire justice au ton de ce mangaka si particulier ? Et si, simplement, seul Go Nagai lui-même pouvait se faire écho dans le difficile passage du manga en live. The Ninja Dragon semble, en tous cas, confirmer cette hypothèse.

Sous ces dehors de film direct to vidéo manquant de moyens, The Ninja Dragon est pourtant une agréable surprise qui ne manque pas d’ambitions habilement mises en scènes. Premier point positif, et non des moindres, le spectateur averti a enfin l’impression de regarder quelque chose qui sent fortement le Go Nagai, période pas intellectuelle. Le scénario n’est en effet pas un modèle du genre oscarisable, mais a le mérite d’éviter la minceur et la complication. Disons juste que l’histoire comporte un nombre de personnages conséquents mais facilement identifiables, une trame linéaire et connue d’avance qui se déroule sans baisse de rythme ni complications inutiles faites de flash backs et autres techniques de narrations plus ou moins alambiquées. En fait le film se divise en deux simples parties : la mise en situation avec présentation des personnages et passages de vie quotidienne teintés d’humour, puis finalement une grosse louche d’action. D’ailleurs c’est bien simple, le dénouement violent du film occupe quasiment la moitié de la durée totale du film. Un bon ratio, qui en donne pour son argent au spectateur venu chercher du sang et des kicks. Ne vous étonnez donc du manque de profondeur des personnages, la mise en situation n’étant finalement qu’une excuse facile à un énorme déchaînement de combats dont la réussite générale est des plus surprenante.

Depuis le début, Go Nagai avait nettement donné le ton avec un arrachage de bras dès les premières secondes et quelques écrasements de tête une dizaine de minutes plus tard (dont une épilation dermique totale au niveau du visage, au rendu des plus réussis). Une violence certaine qui contraste avec le calme humoristique de certaines autres scènes. Un ton à la Go Nagai, mêlant adroitement divertissement et violence plus ou moins gratuite et gore. Et même si la première demi-heure d’exposition n’est pas des plus intéressantes, l’immense baston finale est un remarquable petit bijou. Il faut dire que Go Nagai a eu l’idée de faire appel à deux personnes aux styles opposés mais visuellement impactant. D’un côté Tetsuya Matsui, connu des fans de ciné HK pour avoir eu le rôle du militaire japonais opposé à Michelle Yeoh dans Magnificient Warrior. Professionnel des arts martiaux, son style est fluide et il semble qu’il ait gardé dans The Ninja Dragon une certaine main mise sur les scènes de combats dans lesquelles il officie. Il nous gratifie donc de combats bien chorégraphiés à un contre dix. A l’opposé se trouve Cutie Suzuki, championne de catch féminin, qui malgré sa lourdeur est la vedette de la scène la plus étonnante du film : un combat de catch entre les deux personnages féminins, filmé en quasi plan séquence avec force manchettes, jetés, écrasements et autres prises délicates. Un peu plus et on se croirait revenu sur la scène de la WWF.

Comparé à ces deux monuments de combats, le héros fait pâle figure, et l’acteur n’étant pas pratiquant d’arts martiaux, Go Nagai a préféré tourner radicalement son film dans un ton plus grotesque où apparaissent mystérieusement des monstres difformes en latex rose. A ce titre, la fin de The Ninja Dragon se rapproche énormément d’un modèle cultissime du bis, le terrible Story of Ricky, avec son boss final en blob chewingumeux informe. Un final de plus de 30 minutes aussi hétérogène et ponctué de gerbes de sang et de viscères n’est pas un spectacle qui se refuse. Même si le côté absurde des monstres peut franchement laisser de marbre, alors que l’idée est parfaitement raccord avec l’univers de Go Nagai. Bien évidemment, The Ninja Dragon est loin d’être un film parfait : sa réalisation manque de panache (mais les combats restent lisibles), les acteurs sont en roue libre, les costumes de ninjas sont cheap, les monstres en latex sont plus hilarants qu’hideux, et le mélange des genres fait ressembler le film à un énorme vide grenier où Go Nagai aurait étalé toutes ses vieilles idées en essayant vaguement de maquiller un lien entre elles.

LES PLUS LES MOINS
♥ La deuxième moitié folle
♥ Les combats
♥ Le mélange des tons
⊗ Un scénario pas bien folichon
⊗ Manque de profondeur des personnages

Mais finalement pourquoi ne pas accepter un enchaînement de catch féminin, de chorégraphies d’arts martiaux et d’apparition de blobs roses. Ce serait renier une des caractéristiques du V-cinema japonais : le fun avant tout, et le fun malgré tout. Sur ce point The Ninja Dragon remplit admirablement son rôle.



Titre : The Ninja Dragon / Legend of the Shadowy Ninja
Année : 1990
Durée : 1h10
Origine : Japon
Genre : Ninja vs Demons
Réalisateur : Go Nagai
Scénario : Go Nagai, Daisuke Serizawa

Acteurs : Kenji Otsuki, Tetsuya Matsui, Cutie Suzuki, Etsuko Shinkoda, Mayumi Ozaki, Ikko Furuya, Rikiya Yasuoka, Katsumi Muramatsu, Kobuhei Hayashiya

 Kûsô-kagaku ninkyô-den: Gokudô ninja Dosuryû (1990) on IMDb


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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