[Film] It’s Only Talk, de Ryuichi Hiroki (2005)


Yuko est une trentenaire dépressive depuis la mort de ses parents. Elle partage son temps entre des ballades sans but précis dans son quartier, et des rencontres avec des hommes différents : son cousin, un pervers, un ancien camarade de classe devenu politicien et un jeune yakuza.


Avis de Yume :
Prolifique, Ryuichi Hiroki semble avoir trouvé depuis quelques années un rythme de croisière tant au niveau du tournage que des sujets abordés. Avec sa longue période pinku et ses quelques films suivants, on pouvait taxer son cinéma de masculin. Pourtant dans la plupart de ses œuvres majeures, un certain regard plein de tendresse sur les personnages féminins pouvait être décelé alors que les personnages masculins étaient souvent grotesques (dans le bon sens, avec leurs pulsions exacerbées). Et depuis le début des années 2000, et surtout son phénoménal film en DV, Tokyo Trash Baby, Ryuichi Hiroki semble avoir pris un tournant plus féminin, avec une approche plus tendre, mais non dénuée de tout ce qui fait son cinéma (pulsions, sexe, humour).

Adapté d’un roman éponyme de Akiko Itoyama, It’s Only Talk marque les retrouvailles de Ryuichi Hiroki et Shinobu Terajima, deux ans après le totalement définitif Vibrator. Et comme pour ce dernier, la magie du couple réalisateur-actrice opère. Shinobu Terajima interprète avec finesse une jeune femme japonaise moderne, un peu paumée, forte et pourtant si fragile. Au-dessus des critiques même les plus mesquines, son interprétation du personnage de Yuko reste le ciment fondateur de tout le film, puisque finalement It’s Only Talk n’est rien d’autre qu’un portrait réaliste et précis d’une femme somme toute banale et tout à la fois singulière, et une exploration profonde et précise de sa psyché. It’s Only Talk. Ce ne sont que des paroles. Le titre du film est repris par tous les détracteurs du film comme élément principal de leur démonstration dénigratoire.

It’s Only Talk est certainement un film bavard, mais ce n’est pas un film de vains bavardages. Tout en prenant son temps dans sa narration et ses cadrages, Ryuichi Hiroki impose un portrait précis d’une célibataire trentenaire (sujet sensible au Japon, où il est bon d’être marié à l’aube de la trentaine). Sans jugement, la caméra s’attache aux pas de cette Yuko assez universelle, traînant son mal de vivre, ses peurs, ses joies et ses fantasmes. Femme libérée n’ayant pas peur du dictat des conventions sociales japonaises, Yuko tente de trouver un certain équilibre entre recherche de l’amour stable, de l’amitié, du sexe, et bien évidemment d’une recherche introspective. Et le film prend le temps l’écouter parler, pour la comprendre dans sa complexité, compliquée par sa grave dépression. Personnage humain aux multiples facettes, Yuko semble quasiment sortie d’un documentaire sur la femme japonaise contemporaine, grâce (répétons-le encore une fois) à l’immense talent de Shinobu Terajima en totale phase avec ce rôle complet et compliqué qui demande un investissement total et un abandon tout aussi complet pour espérer toucher au plus juste.

Tout comme dans Vibrator, l’actrice se met constamment en danger, et entourée d’un casting impeccable, elle signe une interprétation monumentale qui force le respect. Dans sa perpétuelle recherche de sensations et sentiments, Yuko croisera 4 hommes différents, campés pour moitié par des habitués du cinéma de Ryuichi Hiroki. On ne s’étonnera donc pas de voir Tomorowo Taguchi, acteur fétiche du réalisateur, dans un rôle de pervers (rappelant le personnage de I am an SM writer, dont il porte le même nom et la moustache), ainsi que Shunsuke Matsuoka (acteur du rôle-titre de 800 Two Laps Runners). Plus bizarrement Hiroki a fait le choix de Satoshi Tsumabuki, un des jeunes talents les plus prometteurs de l’archipel qui casse un peu ici son image de beau gosse bien sous tous rapports. Mais c’est surtout le choix de Etsushi Toyokawa qui permet de donner un contre point de même ampleur au personnage de Shinobu Terajima. Car si bien sur It’s only talk est avant tout un film sur une femme, il est forcément aussi un film sur un homme, puisque l’un ne va pas sans l’autre. En parfaite osmose avec l’actrice, Toyokawa éblouit et son personnage touche dans sa profonde humanité.

LES PLUS LES MOINS
♥ Shinobu Terajima, fabuleuse
♥ Mise en scène soignée
♥ Les thèmes abordés
⊗ …
It’s Only Talk. Peut-être ne sont ce que des paroles. Mais le cinéma actuel manque de paroles aussi réalistes que celles-ci. Le nouveau Ryuichi Hiroki est un merveilleux portrait, sans fioriture aucune.



Titre : It’s Only Talk / やわらかい生活
Année : 2005
Durée : 2h06
Origine : Japon
Genre : C’est une femme libérée
Réalisateur : Ryuichi Hiroki
Scénario : Haruhiko Arai, Akiko Itoyama

Acteurs : Shinobu Terajima, Etsushi Toyokawa, Satoshi Tsumabuki, Tomorowo Taguchi, Shunsuke Matsuoka, Akira Emoto, Nao Omori, Kinuwo Yamada

 Yawarakai seikatsu (2005) on IMDb


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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